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Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à Bangkok, samedi, pour réclamer le départ du Premier ministre thaïlandais et davantage de démocratie. Une nouvelle marche est prévue dimanche.

Plusieurs milliers de jeunes ont manifesté, samedi 19 septembre, à Bangkok, lançant une mobilisation de deux jours qui s'annonce massive contre le gouvernement afin d'obtenir la démission du Premier ministre, plus de démocratie, voire même une réforme de la monarchie, sujet tabou en Thaïlande.

En fin d'après-midi, la police recensait plus de 18 000 manifestants. De leur côté, les organisateurs, qui espéraient rassembler au moins 50 000 personnes, évoquaient "des dizaines de milliers de personnes".

"C'est le plus grand rassemblement depuis le coup d'État de 2014" qui a porté au pouvoir le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, légitimé depuis par des élections controversées, s'est réjoui à l'AFP Parit Chiwarak, dit "Penguin", l'une des figures du mouvement.

En début d'après-midi, plusieurs milliers de manifestants étaient réunis sur le campus de la faculté de Thammasat, dans le centre de Bangkok, après en avoir forcé les portes.

Thai protesters give pro-democracy salute in front of the Grand Palace in Bangkok. By @jgesilva #19กันยาทวงอํานาจคืนราษฏร #ThailandProtest2020 #WhatsHappeningInThailand pic.twitter.com/a9YkhjVnxR

— Matthew Tostevin (@TostevinM) September 19, 2020

Le lieu est symbolique : le 6 octobre 1976, des dizaines d'étudiants, qui protestaient contre le retour d'un régime militaire après une parenthèse de trois années de démocratie, y avaient été tués par les forces de l'ordre épaulées par deux milices ultraroyalistes.

Des opposants ont ensuite quitté le campus pour se rendre, trois doigts levés en signe de défi, vers la place emblématique de Sanam Luang, un champ de cérémonie royal en face du Grand Palais, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le rassemblement est appelé à durer jusqu'à dimanche : des manifestants doivent alors marcher vers la Maison du gouvernement pour présenter leurs doléances.

Surtout des jeunes

"À bas la dictature, vive la démocratie", "Prayut dehors", scandaient des opposants, certains appartenant au mouvement des chemises "rouges" proche de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, bête noire du gouvernement.

"Les jeunes de ce pays ne voient aucun avenir", a relevé dans un communiqué l'ex-chef du gouvernement, renversé par un coup d'État il y a tout juste 14 ans, sans apporter explicitement son soutien au mouvement.

La contestation, qui défile dans les rues quasi quotidiennement depuis l'été, regroupe surtout des jeunes, étudiants et urbains.

"Arriveront-ils à rallier les classes populaires ? Cette manifestation est un test", estime Christine Cabasset, chercheuse pour l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine.

Huge crowd in Bangkok. Many thousands of Thais are protesting today against the government and also demanding reforms to the monarchy. #19กันยาทวงอํานาจคืนราษฏร #WhatsHappeninginThailand pic.twitter.com/L1Fymq50mj

— Matthew Tostevin (@TostevinM) September 19, 2020

Au cœur de leurs revendications, la fin du "harcèlement" des opposants politiques, la dissolution du Parlement avec la démission de Prayut Chan-O-Cha et la révision de la Constitution de 2017, rédigée du temps de la junte et jugée trop favorable à l'armée.

Une partie du mouvement va plus loin, osant se confronter à la royauté. Du jamais-vu dans le pays où, en dépit des renversements successifs de régimes (12 coups d'État depuis 1932), la monarchie restait jusqu'ici intouchable, protégée par une des plus sévères loi de lèse-majesté au monde.

"Nous luttons pour plus de démocratie", résume à l'AFP Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung, une organisatrice du mouvement. "Notre objectif n'est pas de détruire la monarchie, mais de la moderniser, de l'adapter à notre société."

Les pouvoirs de la monarchie renforcés ces dernières années

Leurs demandes n'en demeurent pas moins audacieuses : ils réclament la non-ingérence du roi dans les affaires politiques, l'abrogation de la loi sur le lèse-majesté et le retour des biens de la Couronne dans le giron de l'État.

Le souverain thaïlandais, bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, dispose d'une influence considérable qu'il exerce le plus souvent dans l'ombre.

L'actuel monarque, Maha Vajiralongkorn, monté sur le trône en 2016 au décès de son père, le vénéré roi Bhumibol, est une personnalité controversée.

En quelques années, il a renforcé les pouvoirs d'une monarchie déjà toute puissante en prenant notamment directement le contrôle de la fortune royale. Ses fréquents séjours en Europe, même en pleine pandémie de coronavirus, ont aussi soulevé des interrogations.

Le Premier ministre a mis en garde contre ces rassemblements, brandissant la menace d'une nouvelle vague de Covid-19 en Thaïlande, relativement épargnée jusqu'à présent (3 500 cas et 58 décès).

Cela pourrait "détruire la confiance des investisseurs" et nuire au pays, déjà frappé de plein fouet par la crise économique liée à la pandémie, a-t-il lancé.

Alors que quelque 10 000 policiers ont été déployés, les manifestations, dans un royaume habitué aux contestations matées dans le sang (en 1973, 1976, 1992 et 2010), se sont pour l'instant déroulées dans le calme.

"Nous sommes pacifiques, mais il pourrait y avoir des tensions", souligne Rung, inculpée, comme une vingtaine d'activistes depuis le début de la contestation, de "sédition", un crime passible de sept ans de prison.

Des rassemblements en faveur du mouvement prodémocratie thaïlandais doivent se tenir ce week-end dans une douzaine de pays, dont la France.

Avec AFP