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Covid-19 en France : derrière les "décisions difficiles", le spectre d’un reconfinement ?

Alors qu’un Conseil de défense doit se réunir, vendredi, pour discuter de la stratégie française de lutte contre l'épidémie de Covid-19, le Conseil scientifique a appelé le gouvernement à prendre des "décisions difficiles". De quoi peut-il s’agir ?

Des "décisions difficiles", mais lesquelles ? Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique du Covid-19, a affirmé, mercredi 9 septembre, que le gouvernement allait devoir "prendre des décisions difficiles" dans les jours à venir pour éviter que que la situation épidémique ne se dégrade encore plus sur le territoire français.

Le célèbre immunologue a lancé son avertissement en parallèle de la publication d'un nouvel avis du Conseil scientifique très critique à l'égard de la politique actuelle de lutte contre l'épidémie. L'organisme déplore un manque de moyens et de "cahier des charges" pour la stratégie d'isolement prônée par le gouvernement. Il regrette aussi qu'un nombre croissant de personnes contaminées et de cas contact ne jouent pas le jeu des consignes de quarantaine.

Réduire la durée de l'auto-isolement

C'est ce double constat qui a poussé Jean-François Delfraissy à appeler l'exécutif à faire plus, ou à faire différemment. Le Conseil scientifique a fourni une piste : réduire la durée d'isolement à sept jours au lieu de quatorze, car "la transmission du virus n'a été documentée que très exceptionnellement au-delà du huitième jour d'infection". L'auto-isolement apparaîtrait ainsi moins contraignant et la population serait davantage encline à respecter les règles.

Mais est-ce que cela peut être suffisant ? C'est la question qui transparaît en creux dans l'appel de Jean-François Delfraissy à "prendre des décisions difficiles". Il a d'ailleurs souligné sur RTL qu'il "ne savait pas quelles autres mesures allaient être décidées", suggérant qu'il fallait probablement aller plus loin qu'une simple réduction du temps d'auto-isolement. 

Le problème est que l'arsenal des moyens pour contrôler l'épidémie est limité. La stratégie actuelle de contact-tracing - c'est-à-dire le triptyque "tester-tracer-isoler" - ne peut fonctionner "que si l'on est capable de tester à grande échelle en fournissant les résultats très rapidement", affirme Olivier Borraz, directeur du Centre de sociologie des organisations qui dépend de Sciences Po et du CNRS, et auteur des Politiques du risque, contacté par France 24. Mais "la difficulté d'obtenir rapidement un rendez-vous, les files d'attente et les délais parfois longs pour les résultats font que cette approche peut difficilement être actuellement le pilier principal de lutte contre la propagation", constate le sociologue.

L'autre option, qui passe par le recours à des solutions technologiques, n'a "pas non plus démontré son efficacité", souligne cet expert. Les applications pour smartphone, comme StopCovid en France, ont échoué à susciter une adhésion suffisante dans la population pour aider à surveiller la propagation du virus.

Un confinement, mais quel confinement ?

Reste l'arme aussi redoutée qu'efficace du confinement. Mais attention, il ne serait pas question, à l'heure actuelle, de l'imposer sur l'ensemble du territoire, comme entre mars et mai dernier. "Le Conseil scientifique et moi-même pensons qu'il ne faut pas revenir" à un telle situation, a assuré Jean-François Delfraissy qui souligne qu'une telle solution ne serait pas souhaitable, pour des raisons économiques essentiellement.

"On peut cependant imaginer un confinement plus ciblé", juge Olivier Borraz. Il pourrait, d'abord, être instauré seulement dans certaines villes, comme à Marseille et Bordeaux où l'explosion des cas de contaminations commencent à mettre les hôpitaux sous pression. 

Le reconfinement peut aussi servir à protéger des populations particulièrement fragiles face au virus, comme les personnes âgées. C'est la délicate question des Ehpad. Durant l'été, le Conseil scientifique a, à plusieurs reprises, écarté cette option. Mais Jean-François Delfraissy semble, dorénavant, moins catégorique. Sans utiliser le terme de confinement, il a évoqué la possibilité de mettre les personnes âgées "sous bulle". Mais ce serait une décision "lourde de conséquences car le confinement avait eu un coût psychologique très élevé pour les personnes âgées qui n'avaient pas pu avoir de contact avec leur famille et proches", rappelle Olivier Borraz.

Un reconfinement pourrait, en outre, être moins contraignant que la dernière fois. "On pourrait s'inspirer d'autres pays, comme l'Allemagne, où certains magasins étaient restés ouverts et où les autorisations de sortie ont été plus larges", souligne le directeur du Centre de sociologie des organisations. L'État pourrait aussi s'inspirer des Alpes-Maritimes où la préfecture a décidé, mercredi, d'obliger les bars et restaurants à fermer plus tôt.

Quoi qu'il en soit, la balle est dorénavant dans le camp du gouvernement qui réunit, vendredi, un Conseil de défense pour décider des mesures à prendre. Et il y a urgence, car, pour Jean-François Delfraissy, la situation française "n'est pas éloignée de celle de l'Espagne, avec un décalage de peut-être quinze jours". De l'autre côté des Pyrénées, on enregistre environ 9 000 nouveaux cas par jour, et l'Espagne est devenu le premier pays d'Europe a dépassé la barre des 500 000 contaminations.