
Après six mois d'interruption due à la pandémie de Covid-19, le rugby professionnel reprend en France avec, vendredi, un match d’ouverture du Top 14. Privés d'importants revenus découlant de la billetterie, les clubs ont dû réduire leur train de vie et s'attendent à une saison difficile.
Le président de la Ligue nationale de rugby (LNR) a sorti la carte "vitale". Lors d'une conférence de presse organisée le 31 août, Paul Goze a jugé que le rugby professionnel était en péril si le championnat ne parvenait pas à reprendre au plus vite. "Il faut que nous rejouions rapidement, dès le week-end prochain, bien évidemment", a assené Paul Goze.
Le désir du président de la LNR semble sur le point de se réaliser puisque le Top 14, qui regroupe l'élite des clubs français, doit reprendre vendredi 4 septembre avec une confrontation entre Montpellier et Pau. Mais cela ne suffira pas à rassurer Paul Goze car un autre match de Top 14, également prévu vendredi soir, entre le Stade français et l'UBB, a dû être repoussé en raison du Covid-19.
Ce premier accroc dans le calendrier du Top 14 laisse présager une saison 2020/2021 très difficile à boucler. Malgré la mise en place de mesures sanitaires, plusieurs clubs ont eu à déplorer des cas de contamination. Selon le protocole Covid adopté par la LNR, un match sera reporté si trois cas sont détectés au sein du groupe professionnel d'une même équipe sur une période de 7 jours glissants. Et le Stade français, contraint de placer tout son collectif à l'isolement le 10 août, après la découverte d'une vingtaine de cas, a lui-même sollicité le report de son premier match de la saison, arguant notamment du fait que des joueurs avaient été victimes de "lésions pulmonaires".
Dans un communiqué diffusé le 1er septembre, la LNR explique avoir accédé à la demande du club parisien, qui "était dans l'incapacité d'aligner ce week-end (le 4 septembre) le nombre requis de joueurs de première ligne dans des conditions permettant d'assurer la sécurité des joueurs". Mais l'instance a également annoncé avoir saisi sa commission de discipline et des règlements, "afin de déterminer la responsabilité du Stade français Paris dans cette situation au titre de sa gestion de l'intersaison". Car elle veut à tout prix éviter que des négligences puissent nuire à ses efforts de relance du rugby professionnel.
Des salaires en baisse
Ce premier report vient en effet alimenter les craintes des clubs et des institutions de voir le calendrier rapidement chamboulé. Les journées disponibles se font rares et les reprogrammations de matches s’annoncent délicates. Et ce, d’autant que la Fédération française de rugby (FFR), en proie à d’importantes difficultés budgétaires, entend bien organiser une demi-douzaine de rencontres internationales à l’automne pour tenter de générer des rentrées financières. Dans ce programme figure notamment le match Irlande-France, prévu le 31 octobre au Stade de France. Il devait initialement avoir lieu en mars, dans le cadre du Tournoi des Six Nations, mais avait dû être décalé en raison de l’épidémie de Covid-19.
Les clubs ont à la fois peur de perdre trop de joueurs internationaux pour ces rencontres et de ne pas être capables d’aligner des équipes compétitives pour disputer les matches du championnat. Dans ce sport de contact exigeant, les blessures sont déjà nombreuses. Et il s'agit désormais de savoir si cette discipline favorise particulièrement la contagion pendant les rencontres. Le calendrier peut, en tout cas, rapidement virer au casse-tête entre les matches de Top14 et les rencontres internationales, sans oublier les deux compétitions européennes, dont les phases finales de la saison 2019/2020 n’ont toujours pas eu lieu. Les quarts de finale sont prévus dans deux semaines et six équipes françaises sont en lice.
Après une saison 2019/2020 tronquée, qui s'est terminée sans champion, les clubs espèrent cette fois pouvoir aller au bout et réussir à générer de nouveau des revenus essentiels pour leur avenir. Leur modèle économique repose essentiellement sur la billetterie, les hospitalités et les partenariats qui représentent, en moyenne, 60 % de leurs revenus. "Avec la jauge de 5 000 spectateurs qui est imposée, ils n’ont pas pu lancer leurs campagnes d’abonnement et leurs revenus de billetterie sont limités", explique à France 24 Christophe Lepetit, économiste du sport. D’où les demandes de dérogations de plusieurs clubs situés en zone verte pour cette première journée de Top 14, à l’instar de Brive et Clermont qui pourront accueillir respectivement 9 000 et 10 000 spectateurs, dimanche soir, pour leur premier match de la saison.
Ce contexte a logiquement amené les clubs à mettre en place pour la nouvelle saison des budgets moins importants. "Ils ont été incités à réduire leur train de vie étant donné que certaines ressources sont incertaines", explique Christophe Lepetit. Et les postes de dépenses ont eux aussi été réduits, à commencer par celui de la masse salariale, principal poste budgétaire. Pratiquement tous les clubs ont demandé au cours des derniers mois à leurs joueurs d'accepter des baisses de salaire et ils se sont montrés moins ambitieux en matière de recrutement. Après plusieurs décennies de croissance ininterrompue, le rugby professionnel est contraint de marquer une pause, en espérant que son public et ses partenaires sauront lui rester fidèle malgré les aléas de l'épidémie.