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Sous la pression de la rue, le Premier ministre libanais annonce la démission de son gouvernement

Six jours après la double explosion qui a détruit une partie de Beyrouth, le Premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé, lundi, la démission de son gouvernement.

La colère de la rue a été entendue. Du moins, c'est ce qu'a souhaité faire entendre le Premier ministre libanais Hassan Diab en annonçant, lundi 10 août, la démission de son gouvernement. Lors de son allocution, il a déclaré que la double explosion dans le port de Beyrouth, survenue le 4 août, était le résultat d'une "corruption endémique".

"Aujourd'hui, nous répondons à la volonté du peuple qui exige que les responsables de ce désastre dissimulé pendant sept ans rendent des comptes, et à son désir d'un véritable changement", a déclaré Hassan Diab. "Face à cette réalité [...], j'annonce aujourd'hui la démission de ce gouvernement." Le président Michel Aoun a accepté cette démission et chargé Hassan Diab d'expédier les affaires courantes jusqu'à la formation d'un nouveau cabinet.

En moins de vingt-quatre heures, quatre ministres avaient déjà quitté leur poste. Dans l'après-midi, le gouvernement avait tenu une réunion au cours de laquelle "la plupart des ministres étaient en faveur d'une démission" du cabinet, a déclaré Vartiné Ohanian, ministre de la Jeunesse et des Sports.

Cette annonce intervient moins d'une semaine après la double explosion au port de Beyrouth, due à un dépôt de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium, qui a fait au moins 158 morts et 6 000 blessés. Lors de son allocution, Hassan Diab s'est par ailleurs dit aux côtés de ceux qui réclament que les responsables de ce "crime" soient traduits en justice.

Le président et le Premier ministre avertis en juillet ?

Selon des documents consultés par Reuters et des sources sécuritaires, des responsables de la sécurité libanaise ont prévenu le mois dernier, deux semaines avant l'explosion, le Premier ministre et le président que 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium étaient conservées dans le port de Beyrouth et pourraient détruire la capitale en cas d'explosion.

Un rapport de la direction générale de la sécurité de l'État fait ainsi référence à une lettre privée adressée au président libanais Michel Aoun et au Premier ministre Hassan Diab le 20 juillet. Bien que le contenu de cette lettre n'ait pas été reproduit dans le rapport consulté par Reuters, un haut représentant des services de sécurité a déclaré qu'elle résumait les résultats d'une enquête judiciaire, débutée en janvier, qui concluait que les produits chimiques devaient être mis en sécurité immédiatement.

"Il y avait un danger que ce matériau, s'il venait à être volé, soit utilisé pour une attaque terroriste", a déclaré à Reuters le haut représentant, sous couvert d'anonymat. "À l'issue de l'enquête, le procureur général (Ghassam) Oweidat a préparé un rapport final qui a été transmis aux autorités", a-t-il ajouté, en référence à la lettre envoyée au Premier ministre et au chef de l'État. "Je les ai prévenus que cela pourrait détruire Beyrouth en cas d'explosion", a poursuivi le représentant, impliqué dans la rédaction de la lettre.

"Tous veut dire tous"

La France, dont le président a été le premier chef d'État à se rendre sur place après la tragédie a appelé à la "formation rapide d'un gouvernement qui fasse ses preuves auprès de la population". "Il est désormais indispensable que les aspirations exprimées par les Libanais en matière de réformes et de gouvernance soient entendues", a souligne le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian.

La démission du gouvernement ne devrait cependant pas satisfaire le mouvement de protestation populaire, qui réclame le départ de toute la classe politique, dont le président Michel Aoun. Les Libanais sont appelés à manifester, lundi, devant le palais présidentiel de Baabda, à Beyrouth, pour réclamer la démission du chef de l'État.

Sous la pression de la rue, le Premier ministre libanais annonce la démission de son gouvernement

Le Premier ministre, Hassan Diab, avait annoncé dès samedi qu'il demanderait la tenue d'élections législatives anticipées. Mais ces élections ne sont pas l'une des principales revendications de la rue, car le Parlement est contrôlé par les forces traditionnelles, qui ont élaboré une loi électorale minutieusement calibrée leur permettant de servir leurs intérêts. "Tous veut dire tous", ont clamé ces deux derniers jours les manifestants, appelant au départ de tous les dirigeants.

Les manifestations du week-end à Beyrouth, qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, sont les plus importantes depuis le début, en octobre, du mouvement de protestation contre la crise économique et la corruption de l'élite politique.

Dimanche, les donateurs internationaux pour le Liban ont promis d'envoyer rapidement et sans condition près de 253 millions d'euros d'aide à Beyrouth. Mais ils ont précisé que la poursuite de leur soutien dépendrait de la mise en œuvre de réformes institutionnelles.

Avec AFP et Reuters