Comment le courtier Bernard Madoff a pu profiter du système qui lui a permis d'escroquer 50 milliards de dollars ? Éléments de réponse avec Florin Aftalion, professeur émerite à l'Essec.
FRANCE 24 : Qu’est ce qu’un "hedge fund" ?
Florin Aftalion : Ce sont des fonds de placement assez peu réglementés. Ils le sont très peu ou pas du tout s’ils se trouvent offshore, beaucoup plus s’ils sont dans certains pays d’Europe ou aux Etats-Unis.
Le but de ces "hedge funds", ou leur mission, c’est de permettre à des investisseurs très riches - l’entrée minimum étant en général de l’ordre de plusieurs millions de dollars, donc des gens qui, en général, sont responsables et ne vont pas demander l’aumône s'ils perdent - d’investir librement même de façon très risquée.
FRANCE 24 : Qui sont les personnes qui, aujourd’hui, perdent de l’argent avec ces "hedge funds" ?
F. A. : Je crois que tout le monde a à peu près perdu de l’argent, parce que tous les marchés se sont écroulés ces derniers mois.
Dans les affaires qui agitent le monde aujourd’hui, ce sont des gens très fortunés qui ont placé leur argent trop naïvement dans ces "hedge funds".
Le problème des "hedges funds" en général c’est qu’ils sont très peu transparents, on ne sait pas de l’extérieur exactement comment ils sont gérés. Alors on fait des promesses, qui sont parfois tenues, parce que les investisseurs prennent de gros risques.
Quand le pari est bon, tout le monde gagne mais, à l’inverse, quand le pari est mauvais, ou quand il y a fraude, les investisseurs perdent. Dans ce cas précis, ce sont des gens très riches qui ont perdu.
FRANCE 24 : Concernant l’affaire Madoff, comment un seul homme, si puissant soit-il, a-t-il pu faire perdre autant d’argent à autant de banques à travers le monde ?
F. A. : C’est un mystère dont on va parler pendant très longtemps. D’après ce qu’on raconte, il a fondé toute son affaire, son escroquerie, sur la confiance. C’est un homme qui avait gagné la confiance de beaucoup de milieux. On parle de gens riches de Floride, mais il y a également beaucoup d’investisseurs qui venaient d’Europe et qui en passant par des intermédiaires, par certaines banques, ont investi dans ses fonds.
Comment il a fait, on ne le sait pas encore. Il avait différents véhicules, différents fonds, on ne les connaît pas tous. Certains étaient certainement des fonds offshore, d’autres sont des fonds qui en principe sont réglementés par la SEC (Security Exchange Commission), qui est un organisme de surveillance.
Je ne sais pas comment il a fait, à part en gagnant la confiance de gens très riches, en étant de leur milieu et en réussissant à leur faire croire qu’il était un faiseur de miracle, ce qu’apparemment on a voulu trop facilement croire.
FRANCE 24 : Cette affaire va aggraver la crise de confiance. Or cette confiance tous les marchés reposent dessus ?
F. A. : Certainement, oui c’est très grave de ce point de vue là. Les marchés et le capitalisme reposent sur la confiance. Alors qu’il y ait de temps en temps une personne qui en profite pour voler, ça s’est toujours produit, mais là, la quantité volée dépasse tout ce qu’on pouvait penser. Evidemment, certains sont effrayés.
FRANCE 24 : Avec leur plan de relance, les Etats qui sont largement endettés empruntent de l’argent qu’ils n’ont pas pour le prêter aux banques. N’est-ce pas un peu le principe du système Madoff ?
F. A. : Non ce n’est pas du tout le principe du système Madoff. Ce système, qu’il n’a pas inventé, consiste à permettre à des investisseurs de placer leur argent à des taux qui dépassent les taux habituels, en se servant de ce qu’apportent les nouveaux arrivants pour payer les intérêts et les dividendes des anciens. Petit à petit, les gens se rendent compte que les promesses sont tenues, que le fonds verse 10 % ou 15 % bon an mal an, jusqu’à ce que les responsables de l’escroquerie finissent par disparaître.
Dans le cas Madoff, on ne voit pas comment il profitait de cette affaire. Au bout de 20 ans, il n’était toujours pas sorti, donc il ne comptait pas partir avec l’argent. C’était tellement gros qu’il n’aurait pas pu le faire.
FRANCE 24 : Où sont ces 50 milliards de dollars aujourd’hui ?
F. A. : Ça, c’est un autre mystère. Où sont ces 50 milliards ? Ou bien ils sont cachés je ne sais où, ou bien ils ont été perdus simplement sur les marchés. J’espère qu’on le saura bientôt.