Après une intervention remarquée au Congrès de la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, le républicain Ted Yoho a été forcé samedi de démissionner du conseil d'administration d'une ONG chrétienne de lutte contre la faim. Le représentant de Floride avait été recadré jeudi par la jeune élue, après l'avoir insultée trois jours plus tôt.
Le discours a marqué les esprits. Et porte déjà ses premiers fruits. Jeudi 23 juillet, l'élue démocrate de l'État de New York Alexandria Ocasio-Cortez (surnommée "AOC") recadrait, devant le Congrès, Ted Yoho, un représentant républicain qui l’avait traitée de "fucking bitch" (putain de salope), trois jours plus tôt, devant un journaliste de The Hill qui avait ensuite rapporté les propos.
Le républicain avait fait acte de contrition mercredi, dans l'hémicycle, pour le ton "abrupt" adopté, tout en niant l’avoir insultée. "Étant marié depuis 45 ans et père de deux filles, je suis très conscient de mes mots", avait-il assuré. Mais l’élue démocrate, députée du 14e district de New York, n’a pas laissé passer l’occasion de délivrer un discours engagé et féministe.
"Avoir une fille ne rend pas un homme convenable. Avoir une femme ne rend pas un homme convenable. Traiter les gens avec dignité et respect est ce qui rend un homme convenable", a lancé la benjamine du Congrès devant leurs collègues, prenant la parole au nom de "toutes les femmes du Congrès et toutes les femmes du pays".
"Nous avons toutes dû faire face à cette situation d'une manière ou d'une autre à un moment donné de notre vie", a-t-elle déclaré. Ancienne serveuse, AOC se souvient avoir déjà été confrontée à de telles insultes. "J'ai jeté hors des bars des hommes qui avaient utilisé un langage comme celui de M. Yoho et j'ai rencontré ce type de harcèlement dans le métro de New York", a-t-elle lancé.
Traitée de "fucking bitch" par un membre du Congrès américain qui s'était ensuite "excusé" en citant sa femme et ses filles, Alexandria Ocasio-Cortez n'a pas laissé passer l'occasion pour réagir. Voici sa réponse. pic.twitter.com/q5gv9UEkag
— Brut FR (@brutofficiel) July 23, 2020Ted Yoho forcé à la démission d’une ONG
La vidéo a rapidement fait le tour des réseaux sociaux, faisant réagir dans le monde entier. "Je pense que c’est le discours le plus féministe depuis des décennies", a réagi sur Tweeter Jennifer Lawless, professeure de sciences politiques à l’Université de Virginie, tandis qu'une journaliste du HuffPost évoquait le "discours féministe le plus important de sa génération".
The most important feminist speech in decades . . . https://t.co/UpW6OvO6i9
— Jennifer L. Lawless (@jenlawlessUVA) July 24, 2020La sortie du républicain n’est pas restée lettre morte. L’ONG chrétienne non partisane Bread for the World, qui combat la faim dans le monde, a déclaré samedi avoir demandé et reçu la démission de Ted Yoho, qui siégeait à son conseil d’administration.
Dans un communiqué, l’ONG déclare avoir exigé la démission du républicain lors d’une réunion vendredi, pour réaffirmer son "engagement à accompagner les femmes et les personnes de couleur, au niveau national et international, alors que ces derniers nous conduisent vers un monde plus inclusif et équitable".
"Les actions récentes de Ted Yoho, telles que rapportées dans les médias, ne reflètent pas les standards éthiques des membres du conseil d’administration", poursuit l’ONG.
Bread for the World’s statement on the resignation of Rep. Ted Yoho from its Board of Directors. https://t.co/dVEWREG8ai
— Bread for the World (@bread4theworld) July 25, 2020"Culture d'impunité"
Dans son discours, la démocrate a également pointé du doigt un "problème culturel". "C'est une culture d'impunité, d'acceptation de la violence et du langage violent à l'égard des femmes", a déploré l'élue. En énumérant différents exemples de harcèlements verbaux – dont les propos irrespectueux du gouverneur de Floride ou encore les paroles de Donald Trump qui lui avait dit, l'année dernière, "de rentrer chez [elle]" –, AOC a dénoncé un système qui déshumanise les femmes.
Elle regrette que les épouses et les filles servent de "bouclier" pour justifier ce comportement. "J'ai deux ans de moins que la plus jeune fille de M. Yoho. Je suis aussi la fille de quelqu'un. Heureusement, mon père n'est plus en vie pour voir comment M. Yoho a traité sa fille."
Banalisation du sexisme
Une telle sortie de la part d’un homme public banalise le mépris à l’égard des femmes, a renchéri AOC. "C'est donner la permission à d'autres hommes de faire cela à ses filles. Il a cédé en utilisant ce langage devant la presse. Il a donné la permission d'utiliser ce langage contre sa femme, ses filles, les femmes de sa communauté", s'est insurgée la démocrate.
Enfin, AOC a souligné l'absence de sincérité des excuses de Ted Yoho. "Lorsqu'un homme décent se trompe, comme il nous arrive à tous de le faire, il fait de son mieux et s'excuse, non pas pour sauver la face, ni pour gagner un vote. Il s'excuse sincèrement pour réparer et reconnaître le mal fait afin que nous puissions tous aller de l'avant."
Avec AFP