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Libye : "mentalité destructrice", "responsabilité criminelle", le ton monte entre Paris et Ankara

Une "responsabilité historique et criminelle" de la Turquie dans le conflit libyen. Emmanuel Macron est monté d'un cran, lundi, dans l'escalade des tensions avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, alors que les accrochages diplomatiques entre Paris et Ankara se multiplient depuis quelques semaines.

Semaine après semaine, la joute verbale opposant Paris et Ankara à propos de la guerre en Libye, où ils s'accusent mutuellement de faire "obstacle à la paix" ne cesse de prendre de l'ampleur. Lundi 29 juin, le président Emmanuel Macron a estimé que la Turquie avait une "responsabilité historique et criminelle" dans le conflit libyen en tant que pays qui "prétend être membre de l'Otan".  

"Nous sommes à un moment d'indispensable clarification de la politique turque en Libye, qui est pour nous inacceptable", a ajouté Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse avec la chancelière allemande Angela Merkel, à Meseberg, en Allemagne.

Le chef de l'État a également accusé la Turquie de Recep Tayyip Erdogan de ne respecter "aucun de ses engagements de la conférence de Berlin" organisée en janvier, et d'avoir "accru sa présence militaire en Libye et massivement réimporté des combattants jihadistes depuis la Syrie", en violation de l'embargo des Nations unies.  

Une sortie bien plus musclée que lorsque la présidence française avait dénoncé, mi-juin, l'interventionnisme "inacceptable" d'Ankara, puis, le 22 juin, un "jeu dangereux" turc en Libye, dans lequel Emmanuel Macron voyait une nouvelle démonstration de la "mort cérébrale" de l'Otan.

L'intervention directe et affichée de la Turquie en Libye a inversé le rapport de force en faveur du camp du gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale et appuyé par le président Recep Tayyip Erdogan. Et ce, aux dépens de l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, appuyé par la Russie et l'Égypte. Un maréchal désormais en perte de vitesse que la France, bien qu'elle s'en défende, a également soutenu, accusent les Turcs. 

Ankara dénonce la "mentalité destructrice" de la France 

En réponse au président français, la Turquie a vertement dénoncé mardi l'approche "destructrice" de la France en Libye, l'accusant de chercher à renforcer la présence de la Russie dans ce pays déchiré par une guerre civile depuis 2011. 

"La France, que Macron dirige ou plutôt qu'il n'arrive pas à diriger en ce moment, ne se trouve (en Libye) que pour poursuivre ses intérêts avec une mentalité destructrice", a répliqué le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu. 

"Ce qu'il faut questionner et critiquer, c'est la politique de la France, plus précisément celle de Macron (...) Macron devrait se rendre compte que s'en prendre de la sorte à la Turquie ne lui apportera rien sur le plan de la politique intérieure. J'espère qu'il en tirera des leçons", a-t-il ajouté. 

La semaine dernière, une source à la présidence française avait expliqué que les "excès" de la Turquie en Libye et en Méditerranée orientale posent un défi stratégique qui va au-delà d'une simple "querelle franco-turque".  

"On n'est pas dans une querelle franco-turque, on a là un véritable défi stratégique qui est posé et qui tient aux excès du président Erdogan en Libye mais aussi en Méditerranée orientale", avait dit cette source citée par Reuters. 

Une marge de manœuvre limitée

En ligne de mire de l'Élysée se trouvent notamment les activités d'exploitation et d'exploration gazières et pétrolières, dans la définition de zones économiques de manière non conforme à la convention de Montego Bay, et "la contradiction du jeu mené en Syrie dans le nord-est et dans le nord-ouest et une prise de risque en Libye".  

Paris n'a jamais digéré l'offensive turque lancée en octobre 2019 contre des milices kurdes syriennes engagées au côté des Américains et des Européens dans la lutte contre l'organisation État islamique. 

Sans compter le récent "incident maritime" qui a opposé le 10 juin dernier une frégate de la Marine française à des bâtiments de la Marine turque. Une manœuvre turque perçue comme "extrêmement agressive".

Il n'en reste pas moins que les Européens, et notamment la France, ont très peu de marge de manœuvre face à Recep Tayyip Erdogan qui, au contraire, a plusieurs cartes en main pour faire pression sur l'Europe, à commencer par celle du chantage liés aux flux de migrants, depuis la Grèce et, désormais, depuis la Libye. 

Avec AFP et Reuters