
Pékin célèbre avec faste le 60e anniversaire de la fondation de la Chine populaire. Quel regard les Chinois portent-ils aujourd’hui sur cette page de l'Histoire ? FRANCE 24 a rencontré trois témoins qui dressent le bilan.
Le 1er octobre 1949, Hou Bo s’en souvient comme si c’était hier. Elle était alors photographe officielle de Mao Zedong. Ce jour-là, sur la place Tiananmen, elle faisait le portrait du Grand Timonier en train de proclamer la fondation de la Chine populaire. "Quand le président Mao a fini sa proclamation, tout le monde a crié : ‘Vive le président Mao ! Vive la République populaire de Chine !’ J’étais extrêmement émue. J’étais persuadée que notre patrie allait devenir le premier pays au monde !"
Si elle garde un souvenir ému de 1949, Hou Bo n’a pas été récompensée de ses efforts. Pendant la Révolution culturelle, la femme de Mao a jugé qu’elle avait mal pris son mari en photo et l’a condamnée à 10 ans de travaux forcés. Réhabilitée dans les années 1980, Hou Bo a préféré tourner la page. "Bien sûr, il y a eu des erreurs, en particulier les crimes de la Bande des Quatre. Mais nous ne referons jamais plus d’erreurs aussi grandes. Tout ira de mieux en mieux."
Dénoncé par sa petite amie
De mieux en mieux, ce n’est pas l’avis de Xu Xing. Ce romancier a tourné un documentaire sur son histoire. Il a subi 40 jours de torture, après avoir été dénoncé par sa petite amie pour avoir critiqué la Révolution culturelle dans une lettre d’amour. Xu Xing a connu ensuite la misère lorsqu’il fut envoyé à la campagne comme les 17 millions de jeunes lycéens à cette époque. Il a depuis perdu toute confiance en la Chine de Mao : "Depuis la Révolution culturelle, la Chine s’est beaucoup transformée. Mais certaines choses n’ont pas changé comme la propagande du gouvernement. Tout est faux !… Les Jeux olympiques l’année dernière, c’était du faux, et tout le monde le sait !"
Capitalisme rouge
Pour ceux que la propagande ne dérange pas dans la Chine d’aujourd’hui ouverte à l’économie de marché, la réussite individuelle est désormais possible à l’ombre du Parti communiste. A l’image de Feng Jun, un étudiant en informatique qui, à partir de rien, a créé Aigo, l’un des géants chinois de l’électronique. Il incarne parfaitement le capitaliste rouge fidèle à un pouvoir nationaliste. En Chinois, ‘’aigo’’ signifie ‘’patriote’’. "Je pense que pour chacun de nous, l’amour pour sa mère et l’amour pour sa patrie passent avant tout, affirme Feng Jun. Et nous créons des produits qui reflètent ces sentiments… C’est comme ça qu’on s’inscrit dans la durée."
Il y a 60 ans, Mao voulait ramener la Chine dans la cour des grandes puissances économiques et militaires. Mission accomplie pour certains. Mais d’autres n’ont jamais digéré les erreurs du passé. Ils réclament une ouverture politique et un travail de mémoire que le Parti communiste de 2009 refuse toujours d’accomplir.