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Dominique de Villepin se défend de tout complot contre Nicolas Sarkozy

Devant le tribunal, l'ex-Premier ministre a affirmé qu'"il n’a à aucun moment été fait référence à Sarkozy en liaison avec ce système occulte et les listings", précisant n'avoir jamais reçu "d'instruction présidentielle" de Chirac.

REUTERS - Entendu pour la première fois dans le procès qui l’oppose à Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin a nié mercredi avoir comploté en 2004 contre l’actuel chef de l’Etat et s’est présenté en victime d’une manipulation.

Il a cependant été mis en cause par ses co-prévenus Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud, qui lui ont imputé un rôle actif dans l’utilisation de faux listings bancaires de la société financière luxembourgeoise Clearstream.

L’ancien Premier ministre a mis en scène son entrée, fustigeant dans une déclaration solennelle avant l’audience « les mensonges et les manipulations qui ont obscurci la vérité ».

Dans un tribunal bondé de journalistes, d’éditorialistes politiques et de curieux, il a fait usage de son éloquence, lisant parfois les pièces du dossier à la place du tribunal.

« Je suis toujours là dans les moments difficiles et j’ai les épaules larges (...) Je n’ai jamais eu les listes Clearstream et je n’ai jamais été informé du caractère frauduleux des listings Clearstream », a-t-il dit aux juges.

Ministre des Affaires étrangères (mai 2002-mars 2004), de l’Intérieur (mars 2004-mai 2005) puis Premier ministre (mai 2005-mai 2007) à l’époque des faits, Dominique de Villepin est jugé pour « complicité de dénonciation calomnieuse, complicité de faux, recel de vol et d’abus de confiance ».

Les faux listings Clearstream remis à la justice entre avril et octobre 2004 comportaient, outre les patronymes hongrois de Nicolas Sarkozy, Nagy et Bocsa, des centaines de noms.

Dominique de Villepin a expliqué aux juges qu’il avait été informé de cette affaire lors d’une réunion le 9 janvier 2004 au ministère des Affaires étrangères, qu’il dirigeait à l’époque.  Il n’en aurait plus entendu parler jusqu’en juillet 2004.

Chirac n'a pas donné d'instructions

Le 9 janvier, a-t-il dit, le vice-président d’EADS Jean-Louis Gergorin lui a fait part de l’existence des listings qui devaient se révéler faux, en présence de Philippe Rondot, spécialiste du renseignement, qui avait déjà engagé une enquête.

« Il s’agissait d’une réunion à bâtons rompus, pas d’une réunion de travail », a expliqué l’ex-Premier ministre, qui a raconté avoir demandé au général Rondot de poursuivre des investigations générales.

« Nous ne sommes entrés à aucun moment dans la définition des cibles ou dans l’implication de personnes », a-t-il dit.

Jacques Chirac a été informé et ses consignes générales sur la « moralisation de la vie économique » étaient invoquées. Mais, a dit le prévenu, « il n’y a jamais eu d’instruction présidentielle dans ce dossier ».

Le président du tribunal lui a alors lu une note manuscrite du général Rondot à usage personnel rendant compte de la réunion du 9 janvier, saisie lors de l’enquête et où on lit « enjeu politique, Sarkozy » et « compte couplé Nicolas Sarkozy-Bocsa ».

« Il n’a à aucun moment été fait référence à Nicolas Sarkozy en liaison avec ce système occulte et les listings », a répondu  Dominique de Villepin. Il n’aurait été question de Sarkozy que pour évoquer - et écarter - l’éventualité de l’informer.

Il a assuré n’avoir ensuite entendu reparler de cette affaire qu’en juillet 2004, donc après la remise des faux listings au juge Renaud Van Ruymbeke en avril et juin.

Jean-Louis Gergorin a présenté une autre version des faits, expliquant qu’il avait revu Dominique de Villepin plusieurs fois lors de réunions secrètes en 2004 organisées avec un Blackberry crypté remis au ministre. Une voiture ministérielle venait le chercher dans la rue pour plus de discrétion, a-t-il raconté.

Il serait allé voir le juge Van Ruymbeke à sa demande.

« Dominique de Villepin m’a dit d’un ton solennel : ‘maintenant, la seule solution, c’est qu’un juge d’instruction s’en occupe, c’est une instruction du président de la République », a-t-il ajouté.

Le tribunal a lu des notes du général Rondot de mai 2004 relatant que Jean-Louis Gergorin avait raconté alors cet épisode. Imad Lahoud, à la barre, a affirmé que Jean-Louis Gergorin lui avait dit avoir reçu l’ordre de Dominique de Villepin de « balancer Sarkozy à un juge ».

Jean-Louis Gergorin a en outre affirmé avoir remis un CD-Rom avec les faux listings à Dominique de Villepin en février 2004.  Le procès reprend la semaine prochaine.