logo

Covid-19 : méfiance en Espagne et en Belgique face aux autotests vendus en ligne

Plusieurs sociétés en Espagne et en Belgique proposent à la vente en ligne des autotests censés détecter le nouveau coronavirus. Mais la fiabilité de ces solutions est sujette à caution.

Le dépistage des populations étant une des clés de voûte du déconfinement dans plusieurs pays en Europe, la commercialisation en ligne d’autotests visant à détecter le Covid-19 préoccupe certaines autorités sanitaires du continent.

La dernière en date est l’Espagne qui a mis en garde, lundi 11 mai, contre un test de dépistage vendu en ligne 89 euros par la société Covidtest. "Il s'agit d'un produit de santé et il n'est pas autorisé à être vendu en ligne aux particuliers", a déclaré le ministère espagnol de la Santé à El País. L'Agence espagnole des médicaments et des produits sanitaires (AEMPS) a par ailleurs demandé, mardi, que cette entreprise cesse de commercialiser ses tests "dont 200 ont été vendus en cinq jours", selon le quotidien.

En Belgique, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a pris, dès le 18 mars, un arrêté royal "interdisant la mise à disposition, la mise en service et l'utilisation des tests rapides de mesure ou de détection des anticorps liés" au Covid-19. Cela n’empêche pas des entreprises de braver l'interdiction et de proposer en ligne des tests vendus depuis l’étranger, comme la société Medakit d’abord basée à Bruxelles, puis à Hong Kong, qui vend une solution à environ 80 €.

Un taux de fiabilité invérifiable en l’état

Covidtest et Medakit affirment que leurs tests sérologiques affichent un taux de fiabilité supérieur à 90 % pour détecter la présence d’anticorps chez les personnes qui voudraient s’autodiagnostiquer. Un chiffre qui émane de ces sociétés et est invérifiable en l’état.

Le journal El País, sans présager de la véracité de ce chiffre, indique cependant que les autotests de Covidtest sont fabriqués par un producteur chinois, Safecare Biotech, qui avait été épinglé en 2017 par l’AEMPS "concernant des tests de grossesse (au) marquage CE faux".

La société Medakit, contactée par la RTBF, parle de son produit comme d’une "première barrière" avant la pratique d’un test PCR – identification de la présence du virus via un prélèvement dans le nez. "Nos kits sont très fiables", assure un responsable à nos confrères belges. Celui-ci met aussi en avant "l’autorisation d’exporter" de sa société : "(Sur) une centaine d’usines qui produisent actuellement des kits de test en Chine (...), il n’y en a que cinq qui sont approuvées par le gouvernement chinois et qui ont (cette) autorisation."

Les entreprises qui fabriquent des autotests ne semblent donc pas toutes fiables, et le Royaume-Uni en a fait l’amère expérience en avril dernier : selon le New York Times, les autorités britanniques ont dépensé 20 millions de dollars pour deux millions de kits de test à domicile qui se sont finalement révélés inefficaces.

Un autodiagnostic qui pose plusieurs problèmes

Pour les particuliers, "acheter un test sur Internet est un danger", assure à El País le microbiologiste Rafael Cantón. "Vous ne savez pas comment il a été préservé ni ce que vous obtenez."

Un test sérologique, comme le proposent les sociétés qui vendent leurs solutions en ligne, détecte en temps normal la présence d’anticorps dans le sang d’une personne afin de confirmer la présence, ou non, du virus. Cela est notamment possible par la mesure du taux d’IgM et d’IgG, des immunoglobines qui ont une importance pour la compréhension du système immunitaire.

Problème : comment interpréter seul chez soi le résultat d’un autotest sans suivi médical ? C’est contre cette tendance à l’autodiagnostic que l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a notamment pris un arrêté en Belgique. "L'utilisation de tests basés sur la détection d'anticorps qui n'ont pas prouvé leur spécificité pour la détection (du Covid-19) pourrait mener à une mauvaise interprétation sur l'état du patient", écrit-elle.

Et l’Agence de prendre plusieurs exemples où l’autotest ne serait pas efficace : "Le patient peut être porteur du virus malgré un résultat négatif du test avant la séroconversion (niveau suffisant d'anticorps dans l'échantillon pour être détecté)", "L'utilisateur profane pourrait également mal interpréter le résultat de par l'absence de connaissances scientifiques" ou encore "Les tests de détection IgM sont susceptibles de donner des résultats faux positifs induisant la prise de mesure chez des patients sains."

Chercher à savoir si on est porteur du virus loin du parcours de détection classique pose aussi un souci de "traçabilité" des personnes infectées, comme l’explique à la RTBF Carlota Montesinos, responsable du laboratoire de sérologie à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. "Or aujourd’hui, il est important de connaître le nombre de cas positifs, pour faire évoluer la recherche."

Suite à la publication de cet article, le fondateur de la société Medakit, Mike Touzard, a tenu à préciser "plusieurs points" via un droit de réponse, que voici :

"- La société Medakit n’a jamais été basée en Belgique.

- Nous vendons nos tests à 29 euros en ligne (pas 80), uniquement pour les professionnels. Nous vendons principalement en gros. Les ventes du site sont un moyen pour tout professionnel de commander des tests sérologiques en ligne. C’est légal et totalement autorisé en Europe.

- Le prix est nettement inférieur pour les grandes quantités (moins de 10 euros)

- Nos tests ont étés testés par l’Armée française, et suite aux tests ils nous ont commandé une grande quantité de tests. (Preuve disponible)

- Nous fournissons également l’État français en tests sérologiques.

Nos tests sont fiables ; ils ont fait l’objet d’études cliniques sur plus de 600 sujets."