
En France, alors que le projet de réouverture des écoles suscite des angoisses, une étude de l'Association française de pédiatrie se veut rassurante, concluant au faible taux de contamination des enfants. Un risque limité donc, mais pas exclu, et une résistance au virus qui demeure un mystère.
Une priorité absolue pour freiner la contagion. Le 12 mars, alors que la crise sanitaire du Covid-19 frappait l'Europe, Emmanuel Macron annonçait une première mesure forte pour lutter contre l'épidémie : la fermeture de tous les établissements scolaires pour une durée minimum de trois semaines.
Sept semaines plus tard, le gouvernement organise le retour à l'école en étant "très prudent", selon les mots du chef de l'État. Car les évolutions des connaissances scientifiques sur la contagiosité des enfants évoluent et sèment le doute.
Une erreur d'évaluation basée sur la grippe ?
Dès février, les premières études sur les cas de Covid-19 touchant les enfants ont révélé qu'ils étaient peu touchés par la maladie. Mais c'est leur contagiosité vis-à-vis des adultes qui inquiète, d'autant plus que les plus jeunes sont souvent asymptomatiques et donc difficilement détectables. Dès le début de l'épidémie, les spécialistes craignaient que les enfants soient massivement porteurs et fortement contagieux, comme c'est le cas pour la grippe.
Le 14 avril, l'Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) a lancé une étude en Île-de-France visant à tester 600 enfants âgés de six mois à 15 ans (300 présentant des symptômes bénins, 300 asymptomatiques). Les premiers résultats confirment que les enfants sont trois fois moins touchés par le Covid-19 que les adultes et qu'ils développent beaucoup moins de formes graves. Pour l'Afpa, les études de cas indiquent également que, contrairement à la piste de départ, les enfants sont beaucoup moins contagieux que leurs aînés.
"À chaque rentrée scolaire, les enfants disséminent beaucoup les virus, ils se contaminent entre eux avant de les transmettre aux parents", explique Fabienne Kochert, pédiatre et présidente de l'Afpa. "Or nous n'avons depuis identifié aucun enfant à l'origine d'une chaîne de contamination. L'analogie entre le Covid-19 et la grippe a peut-être été faite trop rapidement à l'époque, même si la fermeture des écoles à ce stade de l'épidémie en France était impérative pour éviter le débordement des hôpitaux", poursuit-elle." Aujourd'hui, au vu des gestes barrières mis en place et de l'évolution des connaissances scientifiques, la réouverture des établissements scolaires présente un risque modéré. Il est important pour les enfants de reprendre l'école. Rien n'empêche de faire marche arrière si la situation l'impose", conclut Fabienne Kochert.
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Les @PediatresAfpa, le GPIP et la SFP sont favorables et rassurants quant au retour des enfants à l'école à partir du 11 mai.
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Des avis contradictoires sur la contagiosité
Si l'Association française de pédiatrie ambulatoire soutient le gouvernement sur la réouverture des écoles avant l'été, le projet ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes.
Cette décision va notamment à l'encontre des recommandations du Conseil scientifique, censé pourtant aiguiller les mesures du gouvernement. Dans son avis du 25 avril, le panel d'experts avait averti sur "le risque de transmission important dans les lieux de regroupement massif que sont les écoles et les universités", préconisant une fermeture des écoles jusqu'en septembre.
Outre-Rhin, une récente étude appelle elle aussi à la prudence ; celle de l'hôpital universitaire de la Charité de Berlin. Des chercheurs allemands, dirigé par le virologue réputé proche d'Angela Merkel Christian Drosten, ont conclu, au terme d'une étude sur 3 712 cas positifs, qu'il n'existe aucune différence significative de charge virale selon les âges. Rien n'indique donc que les enfants sont moins contagieux que les adultes, selon les résultats de l'étude prépubliée sur le site de l'université.
Enfin, la réouverture des écoles pose d'autant plus question qu'elle a coïncidé, dans plusieurs pays qui l'ont déjà mis en place de manière partielle ou totale, comme le Japon, l'Allemagne ou le Danemark, avec une ré-augmentation des cas de Covid-19. Une observation à manier avec précaution, selon Jean-Hervé Bradol, spécialiste d'épidémiologie médicale chez Médecins sans Frontières : "À ce jour nous manquons d'enquêtes épidémiologiques sur des groupes de population permettant d'évaluer l'impact de mesures individuelles. On sait que les enfants possèdent une charge virale non négligeable. La réouverture des écoles implique des regroupements d'enfants, mais aussi d'adultes avec les professeurs et les parents d'élèves. Aucun élément ne permet de dire avec certitude que la contagiosité des enfants est ici un élément clé".
Mystère persistant autour de la résistance au virus
S'il est largement établi que les enfants sont moins touchés par le virus, les raisons de cette résistance restent mystérieuses, même si plusieurs pistes sont envisagées. "Trois théories principales sont aujourd'hui à l'étude", explique Fabienne Kochert. "La première suggère que le virus aurait plus de mal à s'accrocher aux récepteurs sur les cellules des enfants, ce qui expliquerait une réplication plus faible. On se demande également si d'autres types de coronavirus n'ont pas déjà circulé parmi les plus jeunes. Cela pourrait expliquer leur plus grande résistance aujourd'hui. Enfin, ils pourraient avoir une immunité non spécifique (barrière contre les corps étrangers non-identifiés) plus efficace que celle des adultes alors que ces derniers seraient plus armés contre des maladies qu'ils connaissent déjà."
Autre interrogation qui agite le milieu pédiatrique, l'augmentation d'une minorité de cas graves suscite l'inquiétude des médecins.
Plusieurs cas d'inflammation post-infectieuse proche de la maladie de Kawasaki, touchant le cœur, les poumons ou l'appareil digestif, ont ainsi été diagnostiqués récemment en Grande-Bretagne, en France en Belgique ou bien encore en Italie. Si le lien avec le Covid-19 n'est pas prouvé à ce stade, la suspicion est forte : "La maladie de Kawasaki est un phénomène très rare et la multiplication des cas sur la même période que le Covid est un signal fort", estime Fabienne Kochert. "En France, ils sont concentrés sur la région parisienne, des études sur l'ensemble du territoire doivent aujourd'hui être menées." Néanmoins, si ce type d'inflammation est sévère, la maladie de Kawasaki est bien connue et traitée de manière efficace. Aucun décès n'est à déplorer en France, parmi les cas répertoriés de cette maladie, depuis le début de la crise du Covid-19.