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L'opposition et des ONG dénoncent des "actes de barbarie"

Au lendemain d'une manifestation réprimée dans le sang, l'opposition guinéenne et des ONG accusent les forces de l'ordre de s'être livrées à des actes de barbarie. La France a décidé de suspendre immédiatement sa coopération militaire.

AFP - La junte au pouvoir en Guinée était accusée mardi d'avoir provoqué un "massacre" lors de la répression d'une manifestation la veille par les forces de l'ordre qui ont tué au moins 157 personnes et se sont livrées à des actes de barbarie, selon une ONG et des témoins. La France a décidé la suspension immédiate de sa coopération militaire avec la Guinée et réexamine l'ensemble de son aide bilatérale, après la répression "sauvage et sanglante" d'une manifestation à Conakry, a annoncé mardi le chef de la diplomatie Bernard Kouchner.

Il s'agit d'un des pires carnage commis en une seule journée depuis un quart de siècle dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, dirigé depuis son indépendance en 1958 par des militaires et où l'armée est régulièrement accusée de graves exactions.

"Nous avons enregistré jusqu'à maintenant 157 morts et 1.253 blessés. Nos éléments ont circulé un peu partout à Conakry et dans les hôpitaux mais ils n'ont pas pu tout voir", a indiqué mardi à l'AFP le président de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme (OGDH), Thierno Maadjou Sow.

L'opposition a fait état d'au moins 128 morts et une source policière lundi soir de 87 personnes tuées lors de la répression des opposants rassemblés par dizaines de milliers au stade du 28-Septembre à Conakry.

Les exactions se poursuivaient mardi avec au moins un adolescent tué par les militaires, selon des témoins à Conakry, où l'on pouvait entendre des tirs sporadiques et où les forces de l'ordre étaient massivement déployées.

Le nombre de morts pourrait être supérieur, plusieurs sources ayant accusé les militaires d'avoir ramasser des corps pour dissimuler le véritable bilan.

La junte veut ainsi cacher "l'ampleur du massacre", a affirmé l'Union des forces républicaines (UFR, opposition), selon laquelle les manifestants ont été "piégés" une fois enfermés dans le stade.

Les opposants s'étaient réunis lundi dans le stade pour dire leur opposition à l'éventuelle candidature à la présidentielle prévue en janvier du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, arrivé au pouvoir il y a neuf mois.

Les forces de l'ordre ont tiré sur la foule et plusieurs sources les ont accusées de s'être livrées ensuite à de véritables scènes de barbarie, dont des viols.

"Des femmes ont été violées par la garde prétorienne de Dadis Camara aux abords du stade où la foule s'était donné rendez-vous", a affirmé l'UFR.

Un autre opposant, Mouctar Diallo, a dit avoir été témoin de viols par des militaires, dans une interview à Radio France Internationale (RFI). "Il y a eu des femmes déshabillées, des militaires ont fait pénétrer leur fusil dans les sexes de ces femmes-là", a-t-il déclaré.

Ces exactions se poursuivraient mardi, selon une ONG et des témoins.

"Nous avons des informations très inquiétantes de femmes détenues dans des camps militaires et des commissariats qui sont violées", a déclaré Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho).

"Les militaires entrent aussi dans les quartiers, pillent les biens et violent les femmes", a-t-il ajouté.

"Les exactions continuent dans les quartiers, perpétrées par des militaires. Même s'il n'y a personne dans la rue, ils tirent en l'air, pillent des boutiques et frappent les gens", a raconté un habitant.

Dans une interview accordée lundi soir à RFI le chef de la junte, qui jusqu'à présent s'enorgueillait d'être arrivé au pouvoir sans effusion de sang, a dit être "désolé".

"C'est malheureux, c'est dramatique (...) Très franchement parlant, je suis très désolé, très désolé", a-t-il dit.

Trois responsables de l'opposition, blessés et arrêtés lundi, ont pu regagner leur domicile. Il s'agit des ex-chefs de gouvernement Sydia Touré et François Fall, et de Mouctar Diallo. Le nombre total d'arrestations n'était pas connu mardi.

Après Paris et Washington, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et Dakar ont condamné ces violences et lancé un appel au calme.

La France pour sa part a donné "des consignes de prudence en temps réel" à ses quelque 2.500 ressortissants en Guinée.