Alors qu'Édouard Philippe doit évoquer, dimanche, des pistes pour le déconfinement en France, dans quelle conditions cela peut-il se passer ? La stratégie d'une immunité collective à long terme "paraît" en tout cas "difficilement possible", explique à France 24 la professeure Odile Launay, infectiologue à l'hôpital Cochin, à Paris.
Le Premier ministre Édouard Philippe est attendu, dimanche 19 avril, sur les premières pistes du déconfinement face à l'épidémie de Covid-19. "Cette levée du confinement est indispensable [le 11 mai]", estime la professeure Odile Launay, infectiologue à l'hôpital Cochin, à Paris. "On en sera à deux mois, on voit bien qu’on ne peut pas garder sous cloche le pays comme ça plus longtemps."
La spécialiste des maladies infectieuses explique qu'il va falloir, cependant, "accepter un certain nombre de contraintes : la distanciation sociale, les mesures barrières, le port du masque et très probablement le test et l’isolement des personnes potentiellement malades".
L'immunité collective face à "la dangerosité du virus"
C'était une stratégie un temps envisagée par plusieurs pays, dont le Royaume-Uni : l'immunité collective semble un objectif difficile à atteindre sur le long terme, comme l'explique Odile Launay : "L’immunité collective dépend de ce que l’on appelle le R0, c’est-à-dire de la capacité qu’a une personne infectée de contaminer d’autres personnes. Plus le R0 est élevé et plus cette immunité collective doit être élevée, si on veut que le virus arrête de circuler. Aujourd’hui le R0 qui est proposé est inférieur à 3, ce qui fait une immunité collective à 60 %. Mais obtenir 60 % de personnes immunisées avec un virus qui a une dangerosité importante, ça paraît difficilement possible."
L'infectiologue précise par ailleurs qu'en France, "on pense que seulement 10 % ou 15 % de la population a été infectée". Et elle ajoute : "Avant d’arriver à 60 %, il [faudrait] qu’on s’attende à un nombre extrêmement élevé de personnes infectées et hospitalisées, ce qui paraît peu faisable".
Des tests de détection du virus qui peuvent être "pris en défaut" ?
Le Covid-19, en l'état des connaissances actuelles, continue de poser plusieurs questions. "On est en train de découvrir à la fois sa contagiosité, son risque de transmission, mais aussi la réponse immunitaire qu’il entraîne chez les sujets infectés, explique Odile Launay. Et les questions qui se posent aujourd’hui tournent beaucoup autour de cette immunité post-infection qui a évidemment une importance très élevée sur la suite de l’épidémie et sur la mise au point de vaccins."
Entre autres interrogations encore non résolues, la possibilité d'une réinfection par une personne déjà infectée par le virus. "Certains éléments et certaines publications font état de personnes qui avaient été (testées) négatives et qui redeviennent positives", souligne l'infectiologue. "Aujourd’hui, la question c’est est-ce que les tests de détection du virus peuvent être pris en défaut, ce qui voudrait dire qu’on pourrait être porteurs plus longtemps du virus ?"
La persistance possible du virus dans l'organisme demeure aussi un mystère. "[Il s'agit] de savoir si on a potentiellement des réservoirs du virus, c’est-à-dire que le virus reste caché, bloqué dans l’organisme, dans certaines cellules, dans certains tissus, et pourrait émerger durant la surveillance des personnes", explique la spécialiste des maladies infectieuses.
Un programme de vaccination espéré "d'ici une année"
Odile Launay rappelle le "nombre incroyable de connaissances qu'on a [accumulées], par rapport à cette épidémie [depuis plusieurs mois]".
"Les recherches sur le vaccin ont déjà démarré", explique l'infectiologue. "On n’a pas encore les données sur le corrélat de protection, c’est-à-dire quelle est l’immunité qu’il faut avec le vaccin pour qu'il soit protecteur. Mais les études avancent très vite."
Quand le vaccin contre le Covid-19 sera-t-il finalement une réalité ? "Beaucoup d’équipes dans le monde [y] travaillent […], on ne l’aura pas demain, c’est sûr, mais on espère que d’ici une année à peu près ,on pourra commencer un programme de vaccination", précise la spécialiste des maladies infectieuses.