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Bernie Sanders a abandonné, mercredi, la course à l'investiture démocrate en vue de l'élection à la Maison Blanche. Avant de tenter de déloger Donald Trump, le candidat Joe Biden devra rassembler l'aile gauche de son parti et incarner un leader crédible.

Joe Biden en est quasiment assuré, sauf pépins de santé. Au lendemain du retrait de la course à la présidentielle américaine de son rival Bernie Sanders, l'ancien vice-président de Barack Obama sera le candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine en novembre 2020.

Malgré des primaires aux débuts décevants, Joe Biden a su rebondir. Il aura la lourde charge de mener les troupes démocrates à la victoire contre Donald Trump. Mais avant de s'attaquer au camp républicain, il devra d'abord rassembler l'aile gauche de son parti et parvenir à incarner un leader crédible en cette période pandémie de coronavirus.

Bernie Sanders veut peser sur le programme

Sans attendre les résultats de l'État du Wisconsin, où s'est déroulée la dernière primaire en date le 7 avril, Bernie Sanders a reconnu sa défaite dans la course à l'investiture démocrate. Le sénateur indépendant a alors salué en Joe Biden un "homme très respectable" et a affirmé qu'il travaillerait avec ce candidat plus modéré, afin de faire avancer son programme résolument ancré à gauche.

Today I am suspending my campaign. But while the campaign ends, the struggle for justice continues on. https://t.co/MYc7kt2b16

— Bernie Sanders (@BernieSanders) April 8, 2020

"Bien que notre campagne se termine, notre mouvement n'est pas" mort, a souligné Bernie Sanders. "La lutte continue". Le sénateur indépendant a précisé qu'il resterait en lice dans les primaires restantes, afin "d'exercer une influence significative sur le programme du parti".

"Savoir si les voix jeunes qui se sont portées sur Bernie Sanders se rabattront sur Joe Biden reste une inconnue", analyse Gauthier Rybinski, chroniqueur international de France 24.

Bernie Sanders "out", Joe Biden prêt pour affronter Donald Trump ?

Conscient de ce handicap, Joe Biden a tendu la main aux partisans du sénateur du Vermont peu après le retrait de ce dernier. "Je sais que je dois gagner vos voix. Et je sais que cela pourra prendre du temps. Mais je veux que vous sachiez que je vous vois, que je vous entends, que je comprends le sentiment d'urgence qui vous anime", a-t-il écrit.

Dans la soirée, Joe Biden a salué la "voix passionnée en faveur du progrès" de Bernie Sanders, qui a "inspiré et motivé des millions de partisans, surtout de jeunes électeurs".

Malgré ses deux défaites aux primaires en 2016 et en 2020, Bernie Sanders a su influencer durablement la ligne du parti démocrate, comme l'explique Charles Voisin, auteur d'une biographie sur le socialiste. "Depuis 2016, il a réussi à faire bouger l’ensemble du Parti démocrate sur sa gauche. Bernie Sanders n’est pas juste un candidat comme un autre, il est reconnu pour ses idées progressistes. Il défend une cause, il anime un mouvement très large qui séduit non seulement la jeunesse mais aussi des pans entiers de la société, attachés à son programme, en particulier à l’accès gratuit aux soins pour tous. Et Joe Biden va devoir en tenir compte", avertit Charles Voisin sur RFI.

En effet, même si Joe Biden est étiqueté comme centriste, il fait campagne "sur le programme le plus progressiste de tous les candidats démocrates de l'histoire américaine", avait souligné en mars un ex-membre de l'équipe de Barack Obama, le réalisateur Jon Favreau, d'après qui le mérite en revient à Bernie Sanders et son mouvement.

Autre pas vers le rassemblement, Joe Biden a eu des mots très forts, mercredi 8 avril, en direction de la sénatrice Kamala Harris. À 55 ans, elle avait espéré devenir la première femme noire présidente des États-Unis avant d'abandonner la primaire démocrate en décembre. Malgré ses vives critiques contre Joe Biden lors d'un débat, elle le soutient désormais et l'accompagnait mercredi pour une levée de fonds menée en ligne auprès de donateurs. Elle pourrait, si elle figurait sur le ticket avec Joe Biden, devenir la première femme vice-présidente.

Comment gérer le coronavirus ?

La pandémie de coronavirus a d'ores et déjà largement bouleversé la campagne électorale américaine. Depuis mi-mars, elle a forcé l'annulation des meetings, le report d'une quinzaine de primaires et renvoyer les candidats chez eux. La convention démocrate, au cours de laquelle Joe Biden sera officiellement désigné comme le candidat démocrate, a elle-même été repoussée au 17 août en raison de la pandémie.

Cette paralysie de la campagne a contraint Bernie Sanders à jeter l'éponge, privée d'une très hypothétique occasion de renverser la table.

"En voyant la crise qui frappe le pays (...) je ne peux pas, en toute conscience, continuer à mener une campagne, que je ne peux remporter", a-t-il concédé, lors d'un discours retransmis en ligne, depuis sa maison de Burlington, dans le Vermont.

"Il aurait été très dangereux que la campagne continue. Ça allait contre le bon sens de continuer à voir des queues d'électeurs de plusieurs kilomètres comme lors de la primaire du Wisconsin. Et Donald Trump s'en serait servi. Bernie Sanders a pris la bonne décision", explique Jean-Éric Branaa, maître de conférences et auteur spécialiste des États-Unis, sur l'antenne de France 24.

Depuis le début de la crise pandémique, Joe Biden s'efforce de se détacher en leader crédible face au virus en se différenciant de la méthode Trump. Une stratégie qui pourrait porter ses fruits, selon Jean-Éric Branaa,

"Joe Biden apparaît aujourd'hui dans la tête de nombreux Américains comme un bon gestionnaire, qui reste calme et propose des solutions. Il reste en retrait et ça fait un contraste avec Donald Trump qui apparaît tous les soirs", explique-t-il.

Donald Trump vs "Sleepy Joe"

Dans son duel face au président américain, Joe Biden ne devrait plus tarder à recevoir un soutien de taille. Celui de Barack Obama, dont l'ombre tutélaire continue de planer sur le parti démocrate avec ses 90 % de soutien parmi les électeurs du parti.

"Il devrait ainsi impulser une nouvelle dynamique de campagne", explique Jean-Éric Branaa.

Donald Trump, lui, est déjà à la manœuvre, contre celui qu'il surnomme "Sleepy Joe' (Joe l'endormi).  En conférence de presse, il a tenté de jeter le trouble en insinuant qu'il y avait une raison pour que Barack Obama ne soutienne pas encore publiquement son ancien bras droit. "Il sait quelque chose que vous ne savez pas", a-t-il déclaré.

En 2016, le président démocrate avait déclaré son soutien à Hillary Clinton en juin, une fois qu'elle avait été assurée de décrocher l'investiture.

L'aide de son ancien leader et le ralliement de son ancien rival Bernie Sanders ne seront pas de trop pour Joe Biden. Car, comme le rappelle le chroniqueur de France 24, Gauthier Rybinski, Donald Trump possède envers et contre tout une base fidèle que ni les contre-vérités ni le coronavirus, ne semble affaiblir.