logo

Alors que le Premier ministre français a annoncé, samedi, une commande d'un milliard de masques à la Chine, la polémique autour de la pénurie de matériel se poursuit. Pour Aurélien Rouquet, professeur de logistique, cette situation est avant tout liée à des changements d’organisation logistique au niveau de l’État, en amont de la pandémie.

Plus d'un milliard. C'est le nombre de masques que la France a commandé à la Chine pour faire face à la pandémie de coronavirus, selon les annonces d'Édouard Philippe, samedi 28 mars. Le Premier ministre a par la même occasion défendu la gestion de la crise sanitaire par l'État, critiqué pour avoir écarté, début mars, tout risque d'épuisement des stocks de masques.

"Avant il y avait un stock massif centralisé au niveau de l’État", explique Aurélien Rouquet, professeur de logistique à la Neoma Business School. Ce dernier justifie la pénurie actuelle par des changements d'organisation logistique au niveau de l'État.

Contacté par France 24, dimanche 29 mars, Aurélien Rouquet évoque notamment la décision prise par la France, après avoir été relativement épargnée par la crise sanitaire liée à la grippe H1N1, de diminuer son stock stratégique de masques de protection en transférant à un certain nombre d’acteurs extérieurs la responsabilité de garder les masques. Ainsi, ajoute-t-il "on en est arrivé à cette situation où, pour faire face à la crise du Covid-19, on avait beaucoup moins de masques que ce que l'on aurait dû avoir."

Pour protéger nos soignants : j’ai commandé 1 milliard de masques.

Un pont aérien intensif est en place pour les acheminer et les mettre à disposition de celles et ceux qui prennent soin de nous, dans les plus brefs délais. pic.twitter.com/K1JIQS98QV

— Olivier Véran (@olivierveran) March 28, 2020

"Il était tout à fait possible qu’une crise se manifeste"

Un milliard de masques en 2011 ; plus que 117 millions au début de la crise. En l'espace de neuf ans, le stock d'État a considérablement fondu. Ce qui reste est loin d'être suffisant pour faire face à une pandémie d'une ampleur inédite.

Pourtant, "on savait que s’il y avait une pandémie comme celle-ci, on allait avoir besoin d’un certain nombre de ressources", poursuit Aurélien Rouquet, prenant l'exemple des masques, mais aussi des lits de réanimation, des "actifs stratégiques à avoir", mais pour lesquels l'État n'a pas mis en place l'organisation nécessaire pour s'assurer des ressources suffisantes pour faire face au coronavirus. "Si le Covid-19 est imprévisible dans le moment où il se manifeste, c’était en revanche tout à fait possible qu’une crise se manifeste", affirme Aurélien Rouquet.

Une logique de réaction pour pallier l'impréparation

La commande passée aux Chinois permettra-t-elle d'atténuer cette pénurie ? "On l'espère tous", déclare le professeur.

Selon lui, la logistique actuelle de la France témoigne de son impréparation. Le pays passe alors à une logique de réaction, en demandant aux entreprises industrielles de passer des commandes afin d'assurer un réapprovisionnement en masques. "Il faut espérer que l'on sera capable d'avoir suffisamment de stocks dans les semaines qui viennent".

Alors que l’État adapte sa stratégie aux moyens logistiques limités dont il dispose, il lui faudra tirer des leçons de cette pénurie, qui concerne aussi bien les masques de protection que les lits de réanimation. Il faut augmenter les ressources sur ces deux éléments, explique-t-il, "parce que c’est ça qui va nous permettre de sortir du confinement et de continuer à juguler la crise".

Absence de réponse européenne

"On aurait aussi dû avoir une réponse européenne", surenchérit Aurélien Rouquet. En effet, si le stock d'État français est vite arrivé à épuisement, la réponse européenne n'a, elle non plus, pas été à la hauteur, ajoute-t-il, estimant qu'au regard des logiques logistiques des entreprises industrielles européennes, les États européens auraient dû être capables de mettre en place une logistique sanitaire adéquate, via des stocks de masques gérés par l'Europe.

En France, pour calmer polémique, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé des commandes massives à l’étranger. La France, a-t-il également précisé, produit huit millions de masques par semaine. "Nos réserves ne sont pas infinies", a-t-il souligné.

De nouvelles livraisons sont prévues, selon lui, à partir de mercredi. Mais pour ce qui est de la quantité de masques, et du nombre de professionnels qui se verront réapprovisionnés, personne n'en sait rien. Pas même les représentants des pharmaciens qui sont chargés de les distribuer aux professions médicales.