La chloroquine, un médicament anti-paludique, pourrait permettre de traiter les individus contaminés par le Covid-19. Un essai clinique européen est lancé. Pour Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de Garches, il faudrait l'utiliser dès à présent.
Un essai clinique européen destiné à évaluer quatre traitements expérimentaux pour lutter contre le coronavirus a débuté en France, a annoncé dimanche 22 mars l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Baptisé "Discovery", il inclut notamment la chloroquine, un traitement contre le paludisme qui a obtenu des résultats prometteurs lors d'une étude menée sur un nombre réduit de patients à Marseille. Mais il suscite le débat au sein de la communauté médicale. Outre la chloroquine, l'essai doit évaluer le remdesivir, le lopinavir en combinaison avec le ritonavir, ce dernier traitement étant associé ou non à l’interféron bêta. Dans son volet français, l'essai inclura au moins 800 patients atteints de formes sévères du coronavirus.
"On sait que ce produit peut marcher"
Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, affirme qu'il utilise déjà ces traitements. "Mais le problème, c’est que les stocks sont très limités. Il n’y a pas beaucoup de médicaments disponibles, ce qui est dommage. La chloroquine et l’hydroxychloroquine sont les plus actives", explique-t-il sur l’antenne de France 24.
"L’équipe du professeur Raoult a fait une étude très préliminaire, mais sur 24 malades, c’est quand même assez convaincant. Cela montre la réduction du virus dans les sécrétions des patients. On espère que cela va freiner la diffusion", explique-t-il en faisant référence aux recherches de Didier Raoult, le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille. Ce dernier a expliqué avoir mené un essai clinique durant lequel il avait traité des personnes contaminées par le coronavirus avec de la chloroquine. Après six jours, seulement 25 % des patients ayant pris ce médicament avaient toujours le virus dans le corps, selon ce spécialiste. En revanche, 90 % de ceux qui n'avaient pas pris de chloroquine continuaient à être porteurs du Covid-19.
Pour Christian Perronne, il est donc possible d’utiliser ce traitement dès aujourd’hui. "Je suis entièrement d’accord avec les autorités et mes collègues sur le fait qu’il faut continuer les études pour trouver cela de façon plus approfondie. Ce que je demande, c’est que dès aujourd’hui, les usines qui fabriquent l’hydroxychloroquine, tournent jour et nuit pour fournir des millions de traitements pour les patients qui, aujourd’hui, sont isolés dans leurs hôpitaux et qui n’ont pas de traitements antiviral. On sait que ce produit peut marcher et va probablement éviter que beaucoup de gens ne passent en réanimation."
De potentiels effets secondaires?
Face à certains qui s’alarment de potentiels effets secondaires, ce médecin de l’hôpital de Garches se veut rassurant : "Il y a des millions de gens qui en ont pris quelques fois pendant des années pour des maladies chroniques. Je ne vois pas où est l’hésitation une seule seconde. En plus cela ne coûte pas cher et c’est facile à fabriquer".
"Et surtout on va le donner à des gens qui sont hospitalisés et sous surveillance. Les gens ont lâché des bruits infondés sur tout cela. Je reconnais que pour l’instant la démonstration scientifique n’est pas parfaite, mais c’est comme cela, on est à la guerre, il faut y aller", ajoute Christian Perrone.
"Je ne vois pas l’intérêt d’attendre encore deux ou trois semaines pour se dire que cela vaut le coup. C’est maintenant car les malades arrivent dans leurs hôpitaux et ils meurent. En tout cas, les personnes les plus fragiles", insiste-t-il.
Pas de recommandation pour l'hydroxychloroquine à l'exception des formes graves
Le ministre de la Santé Olivier Véran a, pour sa part, annoncé que le Haut Conseil de la santé publique avait recommandé de ne pas utiliser l'hydroxychloroquine, un antipaludéen qui aurait donné des résultats, "en l'absence de recommandation, à l'exception de formes graves hospitalières sur décision collégiale des médecins et sous surveillance stricte".
"Enfin, le Haut conseil exclut toute prescription [...] en l'absence de toute donnée probante. Suivant cet avis des scientifiques, je prendrai dans les prochaines heures un arrêté venant encadrer l'utilisation en dehors des autorisations classiques de commercialisation pour l'hydroxychloroquine, qui sera donc accessible aux équipes médicales hospitalières qui le souhaitent", a-t-il ajouté lundi lors d'un point presse.
Avec Reuters