Le poète, prêtre catholique et homme politique nicaraguayen Ernesto Cardenal, figure de la révolution sandiniste et pilier de la Théologie de la libération, est mort dimanche à l'âge de 95 ans. Trois jours de deuil national ont été décrétés dans le pays.
Le Nicaragua pleure l’un de ses plus grands hommes. Figure de la révolution sandiniste et pilier de la Théologie de la libération, le prêtre Ernesto Cardenal, est décédé dimanche 1er mars à l'âge de 95 ans.
"Il est mort aujourd'hui. Il s'en est allé dans une paix absolue, il n'a pas souffert", a déclaré à l'AFP Luz Marina Acosta, sa collaboratrice depuis plus de quarante ans. Le prêtre, hospitalisé depuis mercredi, a succombé à un arrêt cardiaque. "Il est mort comme un petit oiseau, il s'est éteint peu à peu", a précisé son assistante.
Trois jours de deuil national au Nicaragua
Le président Daniel Ortega, qui fut son compagnon d'armes au sein du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) pendant la révolution avant que les deux hommes ne se brouillent dans les années 1990, a aussitôt décrété trois jours de deuil national au Nicaragua. Le gouvernement "se joindra aux cérémonies de remerciements et d'adieux à ce frère nicaraguayen", a fait savoir l'exécutif dans un communiqué.
Né le 20 janvier 1925 à Granada, près de la capitale Managua, Ernesto Cardenal avait été ordonné prêtre trappiste en 1965, après des études de philosophie et de littérature aux États-Unis et au Mexique. Il était l'un des principaux chantres de la Théologie de la Libération, un mouvement social issu de l'Église catholique, teinté de marxisme et développé en Amérique latine dans les années 1970. Il avait participé à la révolution sandiniste qui, en 1979, avait abouti à la chute du régime autoritaire d'Anastasio Somoza.
Réprimandé par Jean-Paul II
Dans ses Mémoires, Cardenal avait affirmé que sa vie avait toujours été "guidée par Dieu", lequel lui avait donné l'inspiration pour "devenir révolutionnaire bien avant l'apparition du FSLN" en 1961. Devenu ministre de la Culture dans le premier gouvernement du FSLN, il avait été publiquement réprimandé par Jean Paul II sur le tarmac de l'aéroport de Managua à son arrivée en 1983 pour une visite officielle.
Le pape polonais avait refusé sa bénédiction au prêtre-ministre, agenouillé devant lui, et, un doigt impérieux levé, l'avait tancé en lui demandant de "se réconcilier d'abord avec l'Eglise". Deux ans plus tard, le prêtre n'ayant pas quitté ses fonctions politiques, le pape l'avait suspendu "a divinis".
Ernesto Cardenal était alors devenu l'un des principaux pourfendeurs de Jean-Paul II et de son successeur Benoît XVI, dont les pontificats avaient selon lui fait reculer l'Église catholique. La suspension avait été levée par le pape François en février 2019. Ernesto Cardenal, revêtu de l'étole, symbole de ses pouvoirs sacerdotaux recouvrés, avait alors reçu l'eucharistie des mains du nonce apostolique sur son lit d'hôpital, où il était soigné pour des problèmes rénaux.
Plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de littérature, sans jamais l'obtenir, il était l'auteur de plusieurs ouvrages poétiques comme "Hora Cero" ("L'Heure zéro") ou "Oracion por Marilyn Monroe y otros poemas" ("Prière pour Marilyn Monroe et autres poèmes"). Il était traduit dans une vingtaine de langues.
Avec AFP