
La police boucle l'accès aux voies du funiculaire Gloria, un tramway touristique qui a déraillé et s'est écrasé à Lisbonne, vendredi 5 septembre 2025. © AP, Armando Franca
L'enquête sur l'accident de funiculaire qui a fait 16 morts début septembre à Lisbonne a déterminé, lundi 20 octobre, que le câble n'était pas aux normes, et recommandé que les trois appareils de la ville restent à l'arrêt tant que leur sécurité ne sera pas garantie.
Dans son rapport préliminaire, le Bureau d'enquête sur les accidents aériens et ferroviaires (GPIAAF) a conclu que le câble reliant les deux cabines du funiculaire de la Gloria à Lisbonne, dont la déconnexion a provoqué le déraillement meurtrier d'une d'entre elles, n'était pas aux normes fixées par son opérateur Carris, ou "Companhia Carris de Ferro de Lisboa" (CCFL).
"Le câble n'était pas conforme aux spécifications en vigueur à la CCFL afin d'être utilisé pour l'ascenseur de la Gloria", peut-on lire dans ce document de 35 pages.
En attendant la publication de son rapport final, prévu dans un délai d'un an après l'accident, l'agence a recommandé que les autres ascenseurs de la capitale portugaise restent à l'arrêt, comme c'est le cas depuis l'accident du 3 septembre, afin de garantir qu'ils disposent de systèmes de fixation des câbles et d'appareils de freinage "capables d'immobiliser les cabines en cas de rupture du câble".
Le 3 septembre, une des deux cabines de l'emblématique "ascenseur de Gloria", l'un des trois funiculaires historiques de Lisbonne, a dévalé cette rue pentue à toute vitesse et déraillé avant de s'écraser contre un immeuble, faisant 16 morts et une vingtaine de blessés.
Des doutes sur l'entretien
Parmi les personnes décédées – huit hommes et huit femmes âgés de 36 à 82 ans – se trouvaient cinq Portugais et onze étrangers : trois Britanniques, deux Sud-Coréens, deux Canadiens, une Française, un Suisse, un Américain et un Ukrainien.
Le funiculaire de la Gloria, qui date de 1914 dans sa configuration actuelle, est composé de deux wagons jaunes, pouvant chacun accueillir 42 personnes, qui montent et descendent alternativement par un système de contrepoids un dénivelé de 45 mètres sur 276 mètres de long.
Selon les premiers éléments d'enquête communiqués par le GPIAAF trois jours après l'accident, celui-ci a été provoqué par "la déconnexion du câble entre les deux cabines", au niveau du point de fixation de celle qui venait de commencer sa descente.
"L'inspection visuelle programmée, réalisée le matin du jour de l'accident, n'a détecté aucune anomalie sur le câble", avaient alors précisé les enquêteurs.
Mais les points de fixation du câble aux cabines ne sont visibles qu'au moment de son remplacement, qui doit avoir lieu tous les deux ans. En l'occurrence, ce câble avait été installé à l'été 2024, a précisé le GPIAAF lundi.
Les enquêteurs du GPIAAF ont en outre indiqué dans leur rapport que les opérations régulières d'entretien avaient bien été "enregistrées comme exécutées", sauf qu'ils ont également "recueilli des éléments selon lesquels ce registre ne correspond pas aux tâches réalisées effectivement".
"Bombe à retardement"
Carris avait jusqu'ici affirmé que les travaux de maintenance, effectués depuis plusieurs années par un sous-traitant, avaient toujours été réalisés dans les délais.
Les éléments préliminaires du GPIAAF avaient déjà établi que le conducteur de la cabine avait bien activé les deux systèmes de frein dont elle dispose, mais ceux-ci n'étaient pas conçus pour arrêter le wagon sans l'aide de l'effet de contrepoids.
Dans ce contexte, le bureau d'enquête a recommandé que les autres ascenseurs de la capitale portugaise restent à l'arrêt, comme l'a déterminé la mairie aussitôt après l'accident, afin de garantir qu'ils disposent de systèmes de fixation des câbles et de freinage "capables d'immobiliser les cabines en cas de rupture du câble".
D'après l'expert Carlos Neves, président du collège d'ingénierie mécanique de l'Ordre des ingénieurs, le déraillement de septembre a mis à nu "une faille structurelle de sécurité".
"Ce qui est dramatique, c'est que nous avions une bombe à retardement entre les mains. [...] Comment se fait-il qu'un transport en commun ne disposait pas d'un système de sécurité efficace ? C'est, selon moi, la grande question à laquelle il faut répondre", avait-il dit à l'AFP avant de connaître le rapport dévoilé lundi.
Avec AFP