
La police scientifique enquête dans la galerie Apollon du musée du Louvre, où un cambriolage vient d'avoir lieu, le 19 octobre 2025 à Paris. © Thibault Camus, AP
Le plus grand musée du monde attaqué à la disqueuse. Le scénario, digne d'un film, agite les médias du monde entier et sidère la France. Dans l'imaginaire collectif, le Louvre était inviolable, mais au lendemain du cambriolage au cours duquel des malfaiteurs ont pénétré dans une des salles du musée pour y dérober une collection de bijoux parmi les plus prestigieuses de la planète, l'heure est à l'enquête et à la remise en question.
Au lendemain de ce que d'aucuns qualifient de "casse du siècle", où en est l'enquête ? France 24 fait le point.
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Un cambriolage d'à peine huit minutes
Il est 9 h 30 – une demi-heure après l'ouverture du musée –, dimanche 19 octobre, quand est déployé un monte-charge par deux individus sous les fenêtres du Louvre, quai François Mitterrand, à Paris. Vêtus pour l'un d'un gilet jaune, pour l'autre d'un gilet orange, ils grimpent et accèdent à une fenêtre du premier étage qu'ils fracturent à l'aide de disqueuses avant de pénétrer dans la galerie d'Apollon.
Dans cette salle qui abrite la collection royale de gemmes et les diamants de la Couronne, ils menacent les gardiens et brisent deux vitrines. La première abrite des bijoux Napoléon, la seconde des bijoux de souverains français. Visages masqués, ils dérobent neuf pièces datant toutes du XIXe siècle.
À 9 h 38, après qu'une alarme se soit déclenchée, les deux voleurs redescendent par la même nacelle élévatrice, et s'enfuient sur deux puissants scooters à bord desquels deux autres individus les ont rejoints.
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Un inestimable butin...
Au total, les malfrats sont parvenus à dérober huit objets. Parmi ces joyaux : le collier de la parure de saphirs de la reine Marie-Amélie (épouse de Louis-Philippe Ier, roi des Français de 1830 à 1848) et de la reine Hortense (mère de Napoléon III), composé de huit saphirs et 631 diamants ; le diadème de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, composé de 2 000 diamants ; le diadème de la parure de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense et une boucle d'oreille d'une paire de cette même parure ; un collier en émeraudes, une paire de boucles d'oreilles en émeraudes de la parure de Marie-Louise (seconde épouse de Napoléon Ier), une broche "reliquaire" composée de 94 diamants et un grand nœud de corsage de l'impératrice Eugénie.
Au total, le butin représente 8 708 diamants, 34 saphirs, 38 émeraudes et 212 perles.
Dans leur fuite, les malfaiteurs ont abandonné un neuvième bijou, la couronne de l'impératrice Eugénie. Un objet composé de 1 354 diamants et 56 émeraudes, selon le descriptif mis en ligne par le Louvre, retrouvé endommagé aux abords du Louvre.
"Rien que cette couronne vaut plusieurs dizaines de millions d’euros, a déclaré à l’agence Reuters Alexandre Giquello, président de la maison de ventes Drouot. Et ce n’est pas, à mon avis, l’objet le plus important."
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... invendable en l'état
"Dans cette opération, la partie la plus compliquée n'est pas le vol, mais le recel", affirmait dimanche sur LCI le président de la maison Drouot, assurant que les objets volés étaient "invendables en l'état".
"Revendre de tels bijoux répertoriés et parfaitement identifiés en l'état est impossible", abonde auprès de l'AFP Vincent Meylan, historien spécialiste des bijoux.
Les experts alertent cependant sur le risque de dépeçage de ces pièces historiques, dont les pierres et perles seraient desserties et remontées pour faire d'autres bijoux. "Si on ne retrouve pas ces bijoux très vite, ils vont disparaître, c'est sûr", s'inquiète Vincent Meylan.
"C'est là où le trésor devient inestimable", insiste Pierre Branda, historien et directeur scientifique de la Fondation Napoléon. "On risque de perdre des morceaux de l'histoire de France."
"Le vol commis au Louvre est une atteinte à un patrimoine que nous chérissons car il est notre Histoire", a réagi dimanche Emmanuel Macron, promettant : "Nous retrouverons les œuvres, et les auteurs seront traduit en justice."
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Un dispositif d'enquête musclé, plusieurs traces laissées
Sur place, les autorités ont retrouvé deux disqueuses, un chalumeau, de l'essence, une couverture, mais aussi des gants et un talkie-walkie, autant d'éléments qui pourront servir dans cette traque. Un gilet jaune a également été retrouvé au niveau du Pont de Sully, à près de trois kilomètres du lieu du casse.
Une soixantaine d'enquêteurs de la brigade de répression du banditisme (BRB) de la police judiciaire parisienne et de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sont mobilisés.
"Ils ont un taux de réussite conséquent, donc c'est vraiment les enquêteurs qu'il fallait pour cette affaire", explique Christian Flaesch, ancien patron de la police judiciaire de Paris. Ce dernier précise qu'une enquête administrative est également en cours, ayant pour but de "recenser les dispositifs techniques en place : où sont les caméras, l'angle qu'elles couvrent, où sont les détecteurs de présence et d'intrusion, quelles sont les consignes des agents, et le lien qu'il y a entre tout cela."
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Lundi, la société israélienne de renseignement CGI Group, basée à Tel-Aviv, a affirmé avoir été contactée par le Louvre pour enquêter sur le vol, ce qu'a immédiatement démenti le musée parisien.
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La sécurité des musées en question
Dans un rapport non-encore publié, la Cour des comptes pointe le "retard persistant" pris par le musée le plus visité au monde (neuf millions de visiteurs en 2024) dans le déploiement d'équipements destinés à assurer la protection de ses œuvres. Exemple édifiant : selon elle, "60 % des salles de l'aile Sully et 75 % pour l'aile Richelieu ne sont pas protégées" par vidéosurveillance.
En janvier dernier, la présidente du Louvre, Laurence Des Cars, avait elle-même alerté la ministre de la Culture, Rachida Dati, pointant un "niveau d'obsolescence inquiétant", une "multiplication d'avaries" et la nécessité de grands travaux.
Selon Christian Flaesch, "un musée, et spécialement le musée du Louvre, n'a pas été construit pour faire face aux problèmes de sécurité de maintenant". Évoquant notamment le mouvement constant de "plusieurs populations" : visiteurs, employés et œuvres d'art, qui entrent et qui sortent par des accès différents, l'ex-patron de la police judiciaire de Paris évoque aussi les travaux en cours, au Louvre et dans Paris, qui multiplient le nombre de personnes ayant accès au musée, parmi lesquelles des travailleurs qui "peuvent avoir des renseignements sur une vulnérabilité repérée".
"Cela peut aussi expliquer qu'un engin avec un plan incliné [ait pu] se positionner avec des personnes en chasuble sans qu'immédiatement l'attention soit attirée."
Évoquant les vols récents au Muséum national d'histoire naturelle et au musée national Adrien Dubouché de Limoges, Christian Flaesch insiste sur le "besoin de faire une évaluation globale de ce sujet".
Lundi, le président LR de la commission des Affaires culturelles à l'Assemblée nationale, Alexandre Portier, a annoncé qu'il proposerait mercredi à ses collègues la création d'une commission d'enquête sur "la sécurisation des musées" et la "protection du patrimoine".
"Ce qui est en jeu, c'est la capacité à transmettre l'héritage que nous avons reçu à travers les siècles", a-t-il déclaré à l'AFP. "Cet héritage-là, aujourd'hui, il est menacé par des dégradations, par des vols, par la destruction par des volontés malveillantes."
"Les personnels du Louvre n'ont eu de cesse d'alerter ces dernières années, et plus encore ces derniers mois, des failles que nous pouvons constater au quotidien dans notre exercice professionnel", déplorait lundi soir sur France 24 Elise Muller, secrétaire nationale de SUD-Culture et agente d'accueil et de surveillance au musée du Louvre.
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La France scrutée par le monde entier
"Nous avons failli", concédait lundi matin le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, sur France Inter, puisque des malfaiteurs ont été "capables de mettre un monte-charge" sur la voie publique, "de faire monter des gens en quelques minutes pour récupérer des bijoux inestimables et de donner une image déplorable de la France".
À l'étranger, la photographie du monte-charge stationné sous les fenêtres du Louvre faisait lundi la une de la plupart des médias qui s'interrogent eux aussi sur les possibles failles ayant permis un tel cambriolage.
Pour le Guardian, les questions sur de possibles failles en matière de sécurité "met sous pression le gouvernement français".
En Italie, le Corriere della Serra évoque lui aussi l'événement qui "survient dans un contexte déjà difficile pour [la France], frappée par la crise des finances publiques et le chaos politique".
"La France a lamentablement échoué dans la prise en charge de son patrimoine", fustige quant à lui le média espagnol El Pais.
De son côté, la BBC estime que cela "pose de sérieuses questions sur le niveau de sécurité des œuvres d'art françaises, à l'heure où elles sont de plus en plus la cible de bandes criminelles".