Le Pérou renouvelle dimanche son Parlement unicaméral après sa dissolution en septembre par le président Martin Vizcarra. Ces premières élections législatives anticipées de l'histoire du pays devraient sanctionner le fujimorisme, principale force politique du pays.
Vingt-cinq millions d'électeurs péruviens sont appelés aux urnes dimanche 26 janvier pour élire un nouveau Parlement unicaméral, après sa dissolution en septembre par le président Martin Vizcarra sur fond de scandales de corruption. Ces premières élections législatives anticipées de l'histoire du pays pourraient voir l'opposition fujimoriste (droite populiste) perdre la majorité qu'elle détenait depuis le scrutin de 2016.
Les bureaux de vote ont ouvert et les premiers résultats sont attendus à partir de 1h GMT lundi. Le vote étant obligatoire dans le pays, une amende équivalente à environ 22 euros est prévue pour les contrevenants.
Un parlement hostile au président Vizcarra
Les derniers sondages publiés prédisent un effondrement de la première force politique du Pérou, fondée par l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000) et qui mêle populisme autoritaire, conservatisme sociétal et libéralisme économique.
Des 73 sièges sur 130 qu'il détenait, le parti Fuerza popular, dirigé par sa fille Keiko Fujimori, ne devrait en conserver que "20 à 25", prédit l'analyste Luis Benavente, directeur du cabinet Vox Populi, interrogé par l'AFP. "Comparé au contrôle absolu qu'il avait, il perdrait beaucoup", ajoute-t-il.
Éclaboussée par l'affaire Odebrecht, du nom du géant du BTP brésilien qui a versé durant des années des millions de dollars de pots-de-vin à la classe politique latino-américaine, notamment au Pérou, la cheffe de file de l'opposition a effectué treize mois de détention provisoire dans ce dossier. À sa sortie de prison fin 2019, elle a annoncé une pause dans ses activités politiques.
"Le vainqueur de l'élection ce sera Martin Vizcarra, car il aura réussi à changer le Parlement qui lui était hostile ces dernières années", résume l'analyste Augusto Alvarez Rodrich.
Lancé dans une croisade anti-corruption, le chef de l'État a dissous fin septembre le Parlement, accusé d'entraver la bonne marche de la justice, entraînant les législatives anticipées de dimanche.
En privilégiant les urnes, plutôt que la rue, à la différence de ses voisins chilien, bolivien, équatorien ou colombien, récemment secoués par de violentes manifestations, le Pérou fait figure d'exception dans la région.
L'opposition a eu beau jeu de dénoncer "un coup d'État" en septembre, le Tribunal constitutionnel, l'armée et les Péruviens, las de la déliquescence de leur classe politique et qui approuvaient à 90 % cette dissolution, selon les sondages, se sont rangés du côté du chef de l'État.
"Remplir un vide"
Martin Vizcarra a succédé en mars 2018 à Pedro Pablo Kuczynski après la démission de ce dernier, également à cause du scandale Odebrecht.
Quatre ex-présidents péruviens : Alejandro Toledo (2001-2006), Alan Garcia (1985-1990 et 2006-2011), qui s'est suicidé, Ollanta Humala (2011-2016) et Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018) ont été mis en cause pour avoir reçu de l'argent du groupe brésilien qui a reconnu avoir versé 29 millions de dollars d'enveloppes entre 2005 et 2014.
Les partis traditionnels discrédités, de nouvelles formations ont vu le jour pour ces élections, ainsi qu'une myriade de candidats inconnus. Les études d'opinion prédisent donc un Parlement atomisé et dominé par les centristes où les alliances seront indispensables au président, dépourvu de parti, pour faire passer ses réformes.
Bien que Martin Vizcarra n'ait "pas de parti [représenté], il va entretenir une relation plus apaisée avec les formations du centre qui devraient obtenir la majorité au Parlement", fait valoir Augusto Alvarez Rodrich. Le chef de l'État "n'aura pas le même niveau d'opposition qu'il a connu avec les fujimoristes", ajoute-t-il.
Lors de ce scrutin à un tour, 130 parlementaires seront élus pour une durée d'à peine seize mois, jusqu'au 28 juillet 2021, afin de compléter le mandat de cinq ans issu des élections de 2016.
"La compétition vise à remplir un vide. La chute de 'l'establishment' et la fin de la domination des fujimoristes ont fait place nette sur l'échiquier politique péruvien", résume l'analyste Carlos Melendez.
Mais au cœur de l'été austral et des vacances scolaires, cette élection ne passionne pas les Péruviens : un tiers d'entre eux se dit indécis ou compte voter blanc.
Les prochaines élections générales doivent avoir lieu en avril 2021. Ni Martin Vizcarra, ni les parlementaires élus dimanche ne pourront se représenter.
Avec AFP