Annabella Sciorra, actrice américaine connue pour son rôle dans la série Les Sopranos, a témoigné jeudi au procès de l'ex-procducteur Harvey Weinstein. Une déposition cruciale pour ce procès emblématique du mouvement #MeToo.
La méthode Harvey Weinstein, selon Annabella Sciorra : l'actrice américaine a raconté, jeudi 23 janvier, lors du procès d'Harvey Weinstein, le viol et le harcèlement sexuel que ce dernier lui a supposément fait subir dans les années 1990. Aussi crucial que soit son témoignage, son viol présumé est prescrit et ne fait pas directement l'objet de poursuites. Mais il doit aider à convaincre les jurés que Harvey Weinstein était un prédateur "expérimenté".
L'actrice, connue pour son rôle dans la série "Les Soprano", a raconté en détail ses interactions avec l'ex-magnat d'Hollywood : depuis leur première rencontre à Los Angeles au début des années 1990 à l'hiver 1993-94, lors duquel elle affirme qu'il l'a violée à Manhattan ; puis ses efforts pour tout oublier, malgré un harcèlement persistant du producteur, notamment au festival de Cannes en 1997.
S'exprimant d'une voix posée pendant environ cinq heures, ravalant brièvement quelques larmes, l'actrice de 59 ans a expliqué comment le producteur - qu'elle a montré du doigt au début de sa déposition, assis en costume sombre au milieu de ses avocats - s'est d'abord montré attentionné avec elle, à un moment où sa carrière commençait à décoller.
Sur le plancher
Mais les choses se gâtent ensuite, selon elle : il la presse d'accepter un rôle dont elle ne voulait pas initialement. Puis la menace de l'attaquer en justice si elle ne tourne pas le film rapidement. Il lui envoie du Valium, qu'elle se met à consommer pour la première fois.
L'agression supposée intervient après un dîner à Manhattan avec d'autres personnes, à une date non précisée : il propose de la raccompagner chez elle avec son chauffeur. Peu après avoir été déposée, alors qu'elle est en chemise de nuit et se prépare à aller dormir, on frappe à la porte : le producteur entre alors de force dans son appartement, a-t-elle relaté. Elle assure lui avoir dit qu'elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec lui, en vain.
Devant des jurés très attentifs, Annabella Sciorra a levé les bras pour montrer comment Harvey Weinstein les aurait bloqués pour l'empêcher de le repousser. Elle dit avoir crié. Elle ajoute ne pas se souvenir exactement ce qui s'est passé ensuite. Quand elle a repris ses esprits, elle était sur le plancher.
Dépression
Elle dit avoir ensuite sombré dans la dépression, commencé à boire et à se blesser volontairement en se coupant. Elle affirme avoir mis longtemps à comprendre qu'elle avait été violée. Et ne s'est confiée à un journaliste du New Yorker qu'en octobre 2017 - 20 ans après les faits.
"Je voulais faire comme si cela n'était jamais arrivé. Je croyais que (Harvey Weinstein) était quelqu'un de gentil, qu'il était normal. J'étais troublée. Je me disais que je n'aurais pas dû ouvrir la porte", a-t-elle expliqué. "À l'époque, je croyais que le viol était quelque chose qui se commettait dans des ruelles sombres... Par quelqu'un qu'on ne connaît pas", a-t-elle ajouté.
Dans son contre-interrogatoire, l'avocate de la défense, Donna Rotunno, s'est efforcée de saper la crédibilité de cette accusatrice-clé. Elle a mentionné des détails potentiellement embarrassants de son histoire personnelle, comme une possible liaison extraconjugale, sans visiblement déstabiliser l'actrice. Elle a aussi souligné qu'en tant qu'actrice, Annabella Sciorra était habituée à se présenter pour ce qu'elle "n'est pas".
Harvey Weinstein est poursuivi pour deux faits présumés : une agression sexuelle forcée en 2006 sur une ex-assistante de production, Mimi Haleyi, et un viol en 2013 sur une actrice dont l'identité a été révélée mercredi, Jessica Mann. Le producteur de 67 ans risque la perpétuité s'il est condamné à l'issue de ce procès, censé se terminer le 6 mars.
Avec AFP