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Coronavirus chinois : un "cousin germain" du Sras loin d'avoir livré tous ses secrets

Les cas d’infection au nouveau coronavirus découvert en Chine se multiplient et commencent à être enregistrés dans d’autres pays. De quoi susciter des craintes sur la dangerosité de ce virus de la famille du Sras. Risque-t-on une nouvelle épidémie de l’ampleur de celle de 2002 à 2003 ? Éléments de réponse avec des chercheurs.

Quelques réponses et beaucoup de questions en suspens. Alors que six personnes ont déjà succombé, au mardi 21 janvier, après avoir été infectées par le nouveau coronavirus découvert à Wuhan, dans le centre de la Chine, et que le nombre de cas officiellement recensés atteint près de 300, les autorités sanitaires chinoises et la communauté scientifique internationale cherchent toujours à évaluer les risques liées à cette nouvelle épidémie.

Les deux interrogations les plus pressantes concernent le risque de propagation de ce nouvel agent pathogène et sa dangerosité. La confirmation du lien de parenté entre ce virus et celui du Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) a suscité une vague d’inquiétude. Entre 2002 et 2004, le Sras avait entraîné une épidémie mondiale, touchant une douzaine de pays, et causant la mort d’environ 800 personnes. "L’analyse de 14 séquences du génome faite à partir de prélèvements sur les patients montre que de tous les coronavirus connus, il est génétiquement le plus proche du Sras, dont il est une sorte de cousin germain", indique Anne Cori, chercheuse à la faculté de médecine de l’Imperial College London, contactée par France 24. Il présente aussi des similitudes qui suggèrent une origine chez la chauve-souris, comme dans le cas du Sras, précise Sandrine Belouzard, chercheuse au Centre d’infection et d’immunité de Lille (CIIL), contactée par France 24.

Moins de cas graves

Mais les membres d’une même famille ne sont pas tous aussi dangereux les uns que les autres. C’est ce qui semble être le cas avec ce nouveau coronavirus, qui entraîne des symptômes similaires à la plupart des maladies respiratoires : toux, états grippaux, respiration courte et, dans les cas les plus graves, pneumonie. "Il est clair que c’est assez sévère, puisqu’il y a eu des morts, mais il y a beaucoup de manifestations plus modérées du virus, ce qui n’était pas le cas avec le Sras", explique Anne Cori. Ce nouvel arrivant sur la scène des épidémies n’envoie pas tout le monde à l’hôpital dans des états graves, comme cela a été le cas en 2002 et 2004. Certains patients ne sont probablement même pas conscients d’avoir été infectés, mettant les symptômes sur le compte d’états grippaux bénins et courants en cette période hivernale.

"C’est plutôt une bonne nouvelle, mais cela veut aussi dire qu’il va être plus compliqué d’identifier tous les cas", remarque la chercheuse. Une personne souffrant d’un peu de fièvre et toussant à l’occasion ne va pas forcément se précipiter chez son médecin. Ce large éventail de symptômes explique d’ailleurs la flambée de cas d’infection recensés ces derniers jours, passant d’une soixantaine à plus de 150 dans la seule région de Wuhan. "On a l’impression qu’il y a eu beaucoup de nouveaux cas d’un coup, mais ce n’est pas ça qui s’est produit. En réalité, les autorités locales ont changé la définition de ce qu’est un cas avéré [pour prendre en compte tous les symptômes possibles, NDLR]. Donc ils ont reclassifié des personnes qui présentaient des symptômes mais n’avaient pas été prises en compte comme infectées au début de l’épidémie", explique Anne Cori.

Reste que même avec cette prise de conscience, le nombre de cas est probablement fortement sous-estimé. C’est ce que pense Anne Cori qui, avec une équipe à l’Imperial College London, a mené des simulations à partir du nombre de voyageurs infectés. Leur calcul suggère que le nombre de personnes infectées pourrait s’élever à 1 500 ou 2 000 dans la seule province du Wuhan.

Incertitudes sur le risque de propagation

Autant de malades qui pourraient exporter le virus, nourrissant une épidémie de grande ampleur. Les autorités chinoises ont en effet confirmé, lundi 20 janvier, que le coronavirus pouvait se transmettre d’homme à homme. Mais ce n’est qu’un début pour évaluer le risque de propagation. Il faudrait aussi établir par "quel biais – sang, aérosol, etc. – il se transmet", note Sandrine Belouzard, du CIIL.

Surtout, "on n’est pas capable, à l’heure actuelle, de dire si le virus se transmet beaucoup d’humain à humain. Est-ce que c’est la plupart des cas ou est-ce que la majorité a été infectée depuis le réservoir animal [le marché de Wuhan, NDLR] ?", questionne Anne Cori.

Dans le cas du Sras, l’homme avait été le principal vecteur de propagation. Pour ce nouveau coronavirus, les données pour trancher manquent encore. "Le traçage des contacts pour chaque patient est nécessaire pour évaluer le potentiel de contamination d’homme à homme, et c’est un travail qui prend du temps", souligne la chercheuse de l’Imperial College London.

Mais, pour elle, il pourrait y avoir des indices rapidement. En effet, puisque le marché de Wuhan – source probable de la contamination – a été fermé, si les nouveaux cas à l’étranger continuent à augmenter, la piste d’une transmission forte entre les humains gagnera en crédibilité.

Et c’est un point important pour contenir l’épidémie. "Tant qu’on n’a pas quantifié les cas liés à l’exposition à l’animal et ceux liés à une transmission par l’homme, il est difficile de mettre en place des mesures de contrôle, car on ne sait pas si l’arrêt de tout contact avec les animaux suffit où s’il faut en priorité mettre les personnes en quarantaine", souligne Anne Cori.