Le président américain, Barack Obama, a affirmé n'avoir pas encore reçu de demande formelle de renforts pour l'Afghanistan, mais a reconnu avoir pris connaissance d'un rapport faisant état de la nécessité de troupes supplémentaires.
REUTERS - Sans l'envoi de renforts, l'intervention en Afghanistan "se soldera probablement par un échec", prévient le commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, dans une note confidentielle publiée lundi par le Washington Post.
Cette note fait partie d'un rapport de 66 pages dont le quotidien a diffusé des extraits sur son site internet, certains passages ayant été maintenus secrets à la demande des autorités américaines pour des raisons de sécurité.
"Si nous ne parvenons pas à reprendre l'initiative et à inverser la tendance actuellement favorable aux taliban dans les 12 prochains mois, le temps que l'armée afghane parvienne à maturité, nous risquons d'arriver au point où il ne sera plus possible de vaincre les insurgés", écrit le général Stanley McChrystal.
Le Washington Post explique que le rapport établi par le général McChrystal laisse entrevoir une modification de stratégie qui se concentrerait en priorité sur la protection des Afghans et moins sur la chasse aux insurgés.
"Des ressources insuffisantes aboutiront probablement à un échec. Toutefois, sans une nouvelle stratégie, la mission ne pourra pas être relancée", explique l'officier.
McChrystal travaille actuellement à la mise au point d'une demande de renforts du contingent américain qui pourrait être présentée à Washington pour examen dans les semaines à venir.
Le président Barack Obama a consulté son rapport, mais n'a reçu encore aucune demande formelle de renforts, qu'il n'attend pas "avant un petit moment", a précisé lundi son porte-parole Robert Gibbs.
L'Otan a fait savoir aussi, par la voix de son porte-parole James Appathurai, que les ambassadeurs des 28 pays membres de l'Alliance avaient reçu le rapport ainsi qu'une note rédigée par le général McChrystal et l'amiral James Stavridis, commandant suprême de l'Otan.
Ces documents feront l'objet de discussions avec les autres pays, non membres de l'Otan, impliqués dans la guerre en Afghanistan. "Ce n'est que lorsque ces procédures seront achevées que nous serons en mesure d'évaluer les implications en termes de ressources futures", a précisé James Appathurai.
Certains responsables américains s'attendent à ce que le général réclame environ 30.000 soldats et instructeurs supplémentaires, mais sa requête risque de se heurter à des résistances au sein du parti démocrate, qui contrôle le Congrès, ainsi que dans l'opinion publique américaine.
RÉVOLUTION CULTURELLE
Le nombre de soldats américains a presque doublé cette année passant de 32.000 à 62.000 et le contingent pourrait être encore augmenté par la présence de 6.000 hommes supplémentaires à la fin de l'année. Les autres pays participant à l'effort de guerre fournissent quelque 40.000 soldats.
L'année 2009 est la plus meurtrière depuis l'intervention en 2001 et des sondages récents montrent une lassitude de la part des Américains après huit années de conflit.
Interrogé sur ABC dimanche soir, Barack Obama a indiqué qu'il souhaitait déterminer la statégie adéquate en Afghanistan avant d'envisager de nouveaux envois de troupes. "Je veux juste que tout le monde comprenne bien que nous ne prenons pas de décisions concernant les ressources avant d'avoir une stratégie établie", a-t-il dit.
Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a indiqué que le Pentagone travaillait avec McChrystal sur la manière dont sa demande doit être présentée.
Dans son évaluation, le général brosse un tableau peu encourageant de l'évolution du conflit afghan et estime "que la situation générale s'est détériorée".
Il plaide pour une approche "radicalement" et même "désagréablement" différente de cette guerre, prônant un changement "révolutionnaire" dans la manière dont les soldats combattent.
"Notre objectif est la population. L'objectif est la volonté du peuple et notre culture militaire conventionnelle est une des données du problème. Ce sont les Afghans qui, au final, doivent vaincre l'insurrection", note-t-il.
McChrystal estime que les rebelles disposent du contrôle de régions entières dans le pays bien qu'il soit difficile de fournir une évaluation précise en raison de la présence limitée des troupes de l'Otan.
Enfin, le général McChrystal critique vivement le gouvernement afghan qui a, selon lui, fait perdre au peuple la foi qu'il avait dans ses dirigeants.
"La faiblesse des institutions étatiques, les actions nuisibles de certains décideurs politiques, la corruption généralisée et les abus de pouvoir commis par divers responsables, ainsi que les erreurs de l'Isaf, donnent peu de raisons aux Afghans de soutenir leur gouvernement" ajoute-t-il.