
Le gouvernement multiplie les concessions secteur par secteur depuis le discours du Premier ministre le 11 décembre, au risque de proposer un système universel des retraites qui n’en aura plus que le nom. Mais pour Emmanuel Macron, qui a prononcé ses vœux aux Français mardi soir, l’essentiel est ailleurs.
Emmanuel Macron l'a répété, mardi 31 décembre, lors de ses vœux aux Français : son projet de réforme des retraites est "un projet de justice et de progrès social parce qu’il assure l’universalité". Le président de la République avait d'ailleurs prévenu, jeudi 3 octobre, lors d’un débat sur la réforme des retraites à Rodez, qu’il ne tolérerait aucune exception dans son futur régime universel des retraites : "Si je commence à dire, on garde un régime spécial pour l'un, ça va tomber comme des dominos. Parce que derrière, on me dira vous faites pour les policiers donc les gendarmes. Ensuite on me dira : vous faites pour les gendarmes, pourquoi pas pour les infirmiers et les infirmières, les aides-soignants... Et puis on va refaire des régimes spéciaux. En deux temps-trois mouvements on y est. [Donc c’est] non", avait affirmé le président de la République ce jour-là.
Fin de la blague. pic.twitter.com/hDrwCT9R65
— Alexis Poulin (@Poulin2012) December 31, 2019Mais près de trois mois plus tard, la musique n’est pourtant plus tout à fait la même : près d’une dizaine de secteurs ont en effet obtenu, ces trois dernières semaines, des aménagements, voire le maintien de leur spécificité.
Ainsi, alors que les gendarmes, les pompiers, les surveillants pénitentiaires ou les contrôleurs aériens ont rapidement vu confirmer leur droit à des départs anticipés à 57, voire 52 ans, au titre de leurs "fonctions dangereuses", les policiers occupant "des fonctions régaliennes de protection de la population", "compte tenu des dangers auxquels ils sont exposés", ont obtenu de continuer à "bénéficier des dérogations à l'âge de départ à la retraite", a assuré le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Soit la possibilité d'ouverture des droits à 52 ans et un départ à la retraite à 57 ans. Autre promesse : la bonification spéciale dite "du cinquième" ou "quinquennale", qui leur offre une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans, sera "remplacée par une surcotisation du ministère de l'Intérieur".
.@damienabad : « Le #gouvernement crée beaucoup d’exceptions pour un régime universel. Nous demandons des clarifications de la part d'@EmmanuelMacron. Quel est l’objectif de cette #reformedesretraites ? » pic.twitter.com/0ObPnXILjs
— les Républicains (@lesRepublicains) December 30, 2019Il n’y a finalement que sur les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF que l’exécutif fait preuve de plus grande fermeté. L’exécutif a formulé des propositions, comme repousser l'entrée des cheminots dans le nouveau système, mais entend bien mettre fin, à terme, à ce qu’il qualifie de "privilèges".
Importance de la suppression des régimes spéciaux chez les électeurs de Macron
Cette stratégie est conforme à la façon dont la réforme des retraites est présentée depuis le début du conflit. Dans les discours officiels aussi bien que sur les plateaux des chaînes d’information, les mêmes éléments de langage ont en effet été répétés en boucle par les membres du gouvernement et les députés de La République en marche (LREM). Ceux-ci visent systématiquement la SNCF et la RATP, mais jamais les autres régimes spéciaux : "Ce n’est plus possible aujourd’hui d’avoir des droits supplémentaires parce qu’on travaille à la SNCF ou à la RATP. La pénibilité n’est pas la même qu’hier", affirmait notamment Aurore Bergé, députée LREM des Yvelines, le 16 décembre, sur Sud Radio.
« Il y a une part d'irresponsabilité de la CGT qui ne propose rien sauf de retirer la réforme.
Ce n'est plus possible aujourd'hui d'avoir des droits supplémentaires parce qu'on travaille à la SNCF ou à la RATP.
La pénibilité n'est pas la même qu'hier. » @auroreberge pic.twitter.com/T2OORgi9Hg
Cette intransigeance à géométrie variable s’explique par la popularité de la suppression des régimes spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP chez les Français, et en particulier au sein de la base électorale du chef de l’État : alors que 67 % des Français sont favorables à la suppression des 42 régimes actuels, ils sont 90 % parmi les électeurs d’Emmanuel Macron et 86 % chez les électeurs de François Fillon (au premier tour de l’élection présidentielle 2017) à approuver cette mesure, selon un sondage Elabe publié le 18 décembre.