Après de nombreuses plaintes et des années à refuser de se pencher sur ce fléau, le service de réservation de voitures avec chauffeur a révélé jeudi, dans un rapport détaillé, avoir enregistré plusieurs milliers d'agressions sexuelles aux États-Unis en deux ans, et près de vingt homicides.
Au cœur de la tourmente, Uber donne enfin des chiffres. Après des années à refuser de le faire, l'application de réservation de voitures avec chauffeur a publié, jeudi 5 décembre, un rapport détaillé sur la sécurité de son service. Le géant du secteur y révèle alors que 5 981 agressions sexuelles ont été rapportées par des utilisateurs ou des conducteurs en deux ans, aux États-Unis : un chiffre qui comprend des attouchements, des tentatives d'agression et des viols. Le rapport publié par Uber dénombre également 19 homicides sur cette même période.
"Ces incidents ont été signalés sur 0,00002 % des courses" explique Uber. "Bien que rares, ces signalements représentent tous un individu qui a partagé une expérience très douloureuse. Même un seul signalement serait un signalement de trop", ajoute l'entreprise, dont les services sont largement accusés d'inefficacité et de mauvaise volonté dans ce domaine.
"Cette année, il y a eu chaque jour près de 4 millions de trajets sur Uber aux États-Unis", remarque Tony West, le directeur juridique du groupe. "La plateforme reflète le monde dans lequel nous opérons, avec ses bons et ses mauvais aspects".
Culture d'entreprise sexiste et violente
Ce rapport, le premier du genre, s'attache à mettre en perspective les incidents en mentionnant l'importance des risques de violences sexuelles, et insiste sur les efforts entrepris pour lutter contre ces menaces.
Depuis quelques jours, en France, les témoignages de femmes agressées lors de trajets se multiplient sur les réseaux sociaux, sous la bannière "#UberCestOver" (Uber c'est fini).
Aux États-Unis, l'application rivale d'Uber, Lyft, n'est pas épargnée. Depuis septembre, 34 femmes ont porté plainte à San Francisco contre Lyft pour des agressions sexuelles commises dans les véhicules de chauffeurs affiliés à la société californienne.
Caroline Miller, l'une des plaignantes, s'est endormie à l'arrière d'une voiture après avoir fêté son anniversaire. "Quand je me suis réveillée, il était en train de me violer", a raconté la jeune femme lors d'une conférence de presse, mercredi.
Le chauffeur en question a été arrêté, mais la société "ne m'a pas présenté d'excuses, ils ne m'ont pas appelée ou écrit", a-t-elle précisé. "Ils ont juste offert de lui rembourser sa course", a ajouté sombrement Michael Bomberger, l'avocat des 34 femmes.
En 2017, Lyft avait capitalisé sur la campagne #DeleteUber, menée par des consommateurs qui voulaient inciter à supprimer l'application, après des révélations sur la culture d'entreprise sexiste et violente qui régnait alors chez le leader des VTC. Aussi, depuis cette année noire, et après plusieurs cas rapportés de violences sexuelles, Uber a rompu avec la stratégie d'étouffement des affaires. Elle a notamment cessé d'obliger ses clients, employés ou chauffeurs victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle à passer par une procédure de médiation, beaucoup plus discrète qu'une procédure judiciaire.
"Qui peut se servir de son smartphone pendant une agression ?"
Uber, comme Lyft, ont également rendu plus difficile l'usurpation d'identité par des conducteurs, renforcé les contrôles pour détecter des criminels déjà condamnés, et ajouté dans leurs applications un bouton permettant de signaler un problème pendant le trajet.
"Ce bouton, c'est une blague", réagit Michael Bomberger. "Qui peut se servir de son smartphone pendant une agression ? C'est juste du marketing".
En cas de signalement, "ils devraient être bannis de la plateforme. Cela semble évident et pourtant ce n'est pas le cas", continue l'avocat, qui prône l'enregistrement systématique des courses pour que les chauffeurs se sentent surveillés, une meilleure coopération avec les autorités et des vérifications plus minutieuses du passé des conducteurs.
Avec AFP