Les Gilets jaunes reprennent le chemin des ronds-points et centres villes pour manifester ce week-end à l’occasion du premier anniversaire du mouvement. Que reste-t-il après douze mois de contestation ? France 24 fait le point.
Gilets jaunes, saison 2. Ce week-end, les contestataires français ressortent leur gilet fluo à l’occasion du premier anniversaire du mouvement, lancé le 17 novembre 2018. Pour marquer l’événement, les figures de proue de la fronde populaire ont battu le rappel des troupes sur les réseaux sociaux. Résultat : plus de 200 actions, du simple tractage à la manifestation en passant par l'occupation de ronds-points, ont été programmées selon une liste publiée sur Facebook pour le week-end. Mais après un an de défilés, blocages de routes et occupation de giratoires, que reste-t-il du mouvement ? Bilan.
"Numériquement parlant, on ne peut plus parler de mouvement de masse, estime Stéphane Sirot, professeur à l’université de Cergy-Pontoise et coauteur du livre 'Gilets Jaunes : jacquerie ou révolution'", dans un entretien à France 24. Il ne l’a d’ailleurs pas longtemps été. Passé les grandes mobilisations réunissant près de 300 000 personnes les premières semaines, le mouvement s’est vite effiloché. En revanche, il continue d’exister dans les esprits."
La lutte continue
Il n’est donc pas mort. "Mais il a évolué, abonde Michel Wieviorka, sociologue. La première partie de la lutte a pris la forme de manifestations sur les ronds-points, dans les rues. Cette première phase est désormais derrière nous. Mais la lutte est toujours là, on attend la deuxième phase, assure-t-il à France 24.
Preuve que le mouvement est toujours présent dans les esprits, un sondage Elabe, publié mercredi, indique qu’un an après le début du mouvement, 55 % des Français soutiennent ou ont de la sympathie pour la mobilisation. En revanche, 63 % des Français ne souhaitent pas le regain des Gilets jaunes.
Il faut dire que ces opposants ont obtenu des avancées non-négligeables. Le 10 décembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé, dans une allocution télévisée, plusieurs mesures fiscales et sociales : défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de la hausse de la CSG pour les retraités plus modestes, incitation aux employeurs de verser une prime, ou encore hausse accélérée du Smic via la prime d'activité. Un pactole lâché par l’exécutif chiffré à 10,3 milliards d'euros. "Les Gilets jaunes ont obtenu en un mois plus que la CGT, la CFDT, et FO réunis en 20 ans de manifestations et en cinq ans de gauche au pouvoir", avait alors résumé l'ancien ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, le 24 mars sur BFMTV.
La crise est passée mais pas la colère
La mobilisation a eu d’autres vertus. Environ un Français sur deux estime qu'elle a également permis aux citoyens de débattre sur les politiques publiques (56 %) et de s’intéresser au rôle et au fonctionnement de l’État (47 %).
Elle a notamment débouché sur le "grand débat national", lancé par Emmanuel Macron dès le 15 janvier 2019. Le président de la République dans la tourmente est parti à la rencontre des Français pour recueillir leurs doléances. "Cette initiative a permis au chef de l’État et à l’exécutif de prendre conscience de cette France oubliée, reconnait Stéphane Sirot. En revanche, quand on regarde le bilan de cette consultation, il est quasi nul. Il a été question de référendum sur les institutions, du fonctionnement parlementaire mais concrètement, tout cela n’a débouché sur rien."
Nombre de Gilets jaunes ont d’ailleurs vu dans le "grand débat national" une vaste opération de communication orchestrée par le pouvoir. "Fragilisé dans son mandat lors de la première quinzaine de février, le locataire de l’Élysée est parvenu à résoudre la crise en battant la campagne. Mais les Gilets jaunes n’ont pas été dupes. Un sentiment de frustration demeure. La lutte prendra certainement d’autres formes mais elle reprendra", assure le spécialiste des mouvements sociaux.
La révolution imprévisible
Quand ? Nul ne le sait. Car le mouvement jaune est imprévisible. "Si la mobilisation reprend de la vigueur à l’occasion de ses un an, explique Michel Wieworka, il semble que ce regain soit davantage lié à la construction du champ médiatique qu’à une véritable volonté de reprendre l’action. Le choix d’une date est d’ailleurs contraire à la nature spontanée du mouvement. Il ressurgira au moment où l’on ne s’y attendra pas."
La mobilisation des Gilets jaunes est d’autant moins prévisible qu’elle "n’émane pas d’un parti ni d’un syndicat, poursuit Stéphane Sirot. C’est une mobilisation horizontale née sur les réseaux sociaux. Comme les révoltes du Printemps arabe dix ans plus tôt, les Gilets jaunes s’inscrivent tout de même comme un nouveau modèle de lutte sociale. Leur exemple a d’ailleurs régulièrement été cité lors des manifestations au Chili, au Liban ou en Algérie."
Sans utopie, ni leader, les "Gilets jaunes n’aspirent qu’à une seule chose : ne pas être les laissés pour compte de la société. Ils ont surtout rappelé à nos dirigeants à quel point un mouvement social pouvait faire basculer un pouvoir", poursuit Michel Wieworka.
On n’en est pas là. L’heure est aux préparatifs de part et d’autre des manifestations. À Paris, côté forces de l’ordre, on attend "plusieurs milliers de personnes" dont "200 à 300 ultra-jaunes et de 100 à 200 militants d'ultragauche", s’avance la préfecture. Les Gilets jaunes se mobilisent "à la dernière minute pour tenter de détourner notre attention et être dans la surprise. On s'attend à un samedi compliqué."