Leader du comité pro-Santa Cruz, Luis Fernando Camacho, très ancré à droite, est devenu une figure majeure de l’opposition à Evo Morales par ses appels au blocage en Bolivie.
En l’espace de trois semaines, Luis Fernando Camacho s’est imposé comme l'un des leaders de l’opposition à l’ex-président bolivien, Evo Morales, par sa radicalité et ses provocations assumées.
Tribun issu du monde des affaires et non de la politique, Luis Fernando Camacho est président du comité pro-Santa Cruz depuis 2017, une organisation qui rassemble commerçants, entrepreneurs et la bonne société conservatrice de Santa Cruz de las Sierras, la capitale économique de la Bolivie.
Cet entrepreneur de 40 ans, avocat de profession, n’a pas attendu la proclamation des résultats officiels pour réclamer, dès le 21 octobre, la démission du président en lançant un appel à la grève générale. "Ce mouvement va durer jusqu'à ce qu'on nous confirme la tenue d'un second tour", lance-t-il alors à la foule, dénonçant un scrutin entaché de fraude.
Por que cada minuto cuenta para la recuperación de nuestra democracia, iniciamos el paro cívico indefinido a las 10 de la noche del día de hoy a los pies de nuestro Cristo Redentor.
Lugar sagrado para los cruceños, donde nos juramos hacer respetar nuestra democracia!
Alors que cette grève n’est censée ne concerner que la ville de Santa Cruz, bastion historique de l'opposition à Evo Morales, elle s’étend rapidement aux principales villes du pays.
Très à droite
Dans sa lutte contre Evo Morales, Luis Fernando Camacho se rapproche de Carlos Mesa, ex-président de la Bolivie et principal adversaire d’Evo Morales aux élections d’octobre, avant de prendre finalement ses distances. En effet, si Carlos Mesa se situe au centre-droit de l’échiquier politique, le chef du comité civique de Santa Cruz, lui, se réclame d’une droite bien plus décomplexée.
Le jeune Camacho a fait ses armes auprès de l’"Union des jeunes Crucenistes", un mouvement qualifié de groupe paramilitaire raciste ciblant les "indigènes", selon une organisation internationale des droits de l’Homme.
Radical
Fin octobre, à la suite de son appel à la grève, Luis Fernando Camacho durcit très vite sa position, conforté par une popularité grandissante. Celui-ci décide alors de "radicaliser la grève nationale civique" et appelle à bloquer les institutions du pays.
"Je m'adresse au président Morales pour lui dire ce qui suit : le peuple bolivien protégera les institutions de l'État à compter d'aujourd'hui." Le 4 novembre, devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées à Santa Cruz, il donne 48 heures à Evo Morales pour démissionner. Avec cet ultimatum, Luis Fernando Camacho dégaine une lettre de démission, écrite par ses soins, qu’il prévoit, dit-il, de remettre personnellement au président le lendemain.
Mais alors qu'il est bloqué à l’aéroport sur ordre du gouvernement tandis que des partisans d’Evo Morales manifestent contre lui, son projet est avorté. Ce n’est que partie remise, assure alors Luis Fernando Camacho qui prévoit de retourner chaque jour à La Paz, jusqu’à ce qu’il puisse remettre cette lettre au président.
TOTAL ABUSO Y CONFRONTACION
El Aeropuerto Internacional de el Alto ha sido tomado por grupos violentos, no permiten ingreso o salida de pasajeros nacionales e internacionales. NO SE GARANTIZA LA SEGURIDAD. @soyfdelrincon@ONU_es @OEA_oficial@CNNEE#Bolivia #concluELEXBOL14
Peu avant l’annonce de la démission d'Evo Morales, c’est l’air triomphant, une Bible à la main, que Luis Fernando Camacho pénètre dans le "Palacio Quemado", décidé à enfin remettre la lettre de démission en blanc à son ennemi juré.
Posant le livre saint sur le drapeau bolivien à même le sol de l’ancien siège de l’exécutif, le leader de la rébellion à Santa-Cruz promet alors de "ramener Dieu au ‘Palais brûlé’".
Camacho y la Biblia entraron al Palacio. Game over pic.twitter.com/Jk1GqXjWyn
pablo stefanoni (@PabloAStefanoni) November 10, 2019Après le départ d’Evo Morales, premier amérindien à avoir accédé à la présidence bolivienne, Luis Fernando Camacho savoure la victoire. "La Bolivie va être l’espoir de toute l’Amérique latine. Le communisme, c’est fini ! Nous aurons la liberté et la démocratie", lance celui qui dit vouloir combattre la gauche sur tout le continent. "Nous, Boliviens, allons reprendre le combat pour que le Venezuela retrouve sa dignité, ainsi que tous les pays qui ont été humiliés."
"Justice divine"
Après avoir déclaré qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre l’ancien président (information démentie, par la suite, par le commandant de la police), Luis Fernando Camacho, toujours offensif, demande désormais à ce que la grève soit poursuivie durant deux jours le temps de mettre en place un gouvernement de transition. Un délai nécessaire, selon lui, pour amorcer le procès des ex-responsables qui ont violé la Constitution en permettant à Evo Morales de rester au pouvoir.
Le jour où le président Morales a démissionné est née une nouvelle Bolivie, affirme Luis Fernando Camacho. "Ce n’est pas de la haine, ni du ressentiment, c’est ce que l’on appelle la justice divine, et la justice divine a déclaré que ce qu’il fallait faire sur cette terre devait être fait, et que nous ne pouvons pas laisser impunis ceux qui ont détruit notre pays en 14 ans", ajoute-t-il.
Conservateur et charismatique, sa constante mention de la "puissance de Dieu" ne passe pas inaperçue dans ses interventions, lui valant même la comparaison avec le président brésilien d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Sur le même modèle, Luis Fernando Camacho fait de sa foi et de son discours religieux une façon de légitimer une position résolument autoritaire.