
Le président Emmanuel Macron a inauguré à l'occasion du 11-Novembre, un nouveau monument pour les morts pour la France en opérations extérieures. Des dizaines de familles avaient fait le déplacement pour découvrir ce mémorial en leur mémoire.
Ils ont les yeux rougis, mais pudiquement, ils retiennent leurs larmes. Quentin et Adrien viennent tout juste de découvrir le nom de leur père sur le nouveau monument aux morts pour la France en opérations extérieures. "C’est beau. Nous ressentons de la fierté", résument-ils simplement. Ces deux frères n’avaient respectivement que trois et sept ans en 2001 lorsque l’adjudant Xavier Andreoli est mort de ses blessures après avoir été touché par l’explosion d’une mine lors d’une mission dans la région de Prozor en Bosnie-Herzégovine. "Cela fait plaisir de voir que ces personnes dont on ne connaissait pas le nom sont désormais honorées. Il y a eu des grandes guerres qui ont été commémorées, maintenant c’est au tour des petites", expliquent-ils face à la plaque des morts en ex-Yougoslavie.
"Il y a enfin de la reconnaissance"
Comme eux, des dizaines de familles sont venues à l’occasion du 11-Novembre des quatre coins de la France pour assister à l’inauguration par le président Emmanuel Macron de ce monument, le tout premier dédié aux morts en opérations extérieures. 549 noms sont désormais inscrits sur les différents panneaux de ce mémorial situé dans le 15e arrondissement de Paris, dans le parc André Citroën. Dans son discours, le chef de l’Etat s’est adressé à ces parents, ces conjoints, ces enfants endeuillés rappelant la "douleur de l’absence", mais aussi le "sacrifice suprême" de ces 547 hommes et 2 femmes qui ne sont pas "morts en vain". "Du Tchad au Mali, du Liban à l'Irak, des Balkans à la Syrie et au Burkina Faso, vous avez fait honneur à la France, partout, à chaque fois. Ce monument, ce mémorial est le vôtre", a-t-il décrit.
La sculpture représente six militaires, cinq hommes et une femme. Ils portent un cercueil invisible. #11Novembre #Opex pic.twitter.com/2aPgixtToY
Stéphanie Trouillard (@Stbslam) 11 novembre 2019Pour Carole et Eric Nguyen, qui ont perdu leur demi-frère Carl Rabiller, âgé de 20 ans, en 1996 en Bosnie-Herzégovine, ces paroles du président Macron sonnent juste. "Même si avec les années, sa mort ne passe pas, il y a enfin de la reconnaissance", soulignent-ils. "On a attendu longtemps, parce que jusque-là, il n’y avait rien. Aujourd’hui, c’est un vrai hommage national avec un impact dans tout le pays".
Martine et Monique Urion se félicitent également de cette cérémonie. Cela fait quarante ans qu’elles attendent d’assister à une telle commémoration. Leur cousin Pierre Urion, un gendarme mobile, a perdu la vie en 1969 au Tchad dans une embuscade. "Nous avons fait le déplacement depuis la Lorraine. C’était très important pour nous. Ces soldats sortent enfin de l’ombre. Cette inauguration est un symbole très fort pour les familles", explique Martine. "Être présente est aussi une marque d’attachement envers ce cousin si courageux", ajoute-t-elle.
Joana Depina est venue avec sa famille pour représenter son fils Adriano, tué à 24 ans en 1995 à Sarajevo. Elle considère qu'il a toujours reçu énormément d'hommages, mais que celui-ci est un plus avec cette cérémonie nationale. pic.twitter.com/QLKIvjISM0
Stéphanie Trouillard (@Stbslam) 11 novembre 2019"Tout remonte comme si c’était hier"
Joana Inacio De Pina n’a en revanche pas le sentiment que ces soldats aient été laissés de côté. Depuis la mort de son fils le caporal-chef Adriano De Pina Oliveria, en 1995 à Sarajevo, elle estime que sa mémoire a été entretenue par l’armée : "Il a toujours reçu des hommages. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Vitry, mais là c’est vrai que c’est un plus". Odette-Anne Perrot est du même avis. Son mari Henri, un adjudant-chef, tué au Liban en 1985 "n’a jamais été oublié", mais cette inauguration permet "une piqûre de rappel" pour les Français qui ne se souviennent plus de ces opérations extérieures. "Il n’y avait rien pour commémorer ces événements. Maintenant, il y a une reconnaissance pour ces militaires. C’est important pour leurs camarades d’armes et aussi pour leurs enfants. Les miens ne manqueront pas de venir voir son nom", relève cette veuve de militaire.
Stéphanie Wormes a perdu son mari Christophe Gobin en 1997 au Congo-Brazzaville. Elle tenait à être présente même si cette cérémonie a ravivé de vieilles douleurs. Elle espère pouvoir enfin tourner la page et que les Français prennent conscience du sacrifice de ces soldats. pic.twitter.com/OXJDiF1cju
Stéphanie Trouillard (@Stbslam) 11 novembre 2019L’inauguration de ce mémorial apaise les proches, mais elle ravive aussi de vieilles blessures. A l’entrée du parc, Stéphanie Wormes a du mal à contenir ses larmes. "Tout remonte comme si c’était hier. J’en ai pleuré pendant trois jours. C’est compliqué de repenser à lui, à l’annonce violente de sa mort, au rapatriement de son corps… Tout s’est effondré", raconte l’épouse du caporal Christophe Gobin, tué en 1997 à Brazzaville. Plus de vingt après sa mort, malgré sa peine toujours aussi vive, elle espère surtout que cette cérémonie va être l’occasion d’une prise de conscience : "Il a donné sa vie pour aller sauver des gens. Pour les Français, cela est abstrait car ces opérations se passent à l’étranger, mais il faut qu’ils réalisent qu’il y a des jeunes qui partent en mission loin de chez eux et qui mettent leur vie en danger pour eux".
Pour conclure cette cérémonie, le président Emmanuel Macron a aussi insisté sur cette gratitude nécessaire : "En inaugurant ce mémorial, la France remplit une dette d'honneur. À nos morts pour la France en opérations extérieures, la Nation est infiniment reconnaissante".