L’Union européenne a décidé vendredi de renforcer l'agence Frontex, qui comptera d’ici 2027 un contingent de 10 000 gardes-frontières et gardes-côtes. Jamais l’UE n’avait investi autant pour la protection de ses frontières extérieures.
Les États membres de l’Union européenne ont donné leur feu vert vendredi 8 novembre au renforcement de Frontex. L'agence chargée du contrôle des frontières extérieures de l'UE disposera d'ici 2027 d'un contingent permanent de 10 000 gardes-frontières et gardes-côtes, dont 700 agents recrutés directement par Frontex. Une première puisqu’il s’agira du tout premier service en uniforme propre à l’Union européenne.
Ces agents travaillant pour Frontex auront l’habilitation pour "contrôler les documents d’identité, surveiller les frontières et effectuer les renvois des personnes en situation irrégulière sur le territoire européen", indique l’agence sur son site Internet.
Ils auront pour rôle d’assister les pays confrontés à une forte pression migratoire. "Le nombre de gardes-frontières était jusqu’ici insuffisant. Ce renforcement va servir à mieux prévenir. Nous pourrons également nous concentrer sur une meilleure prévision des événements susceptibles d’affecter nos frontières et réagir plus rapidement qu’avant. Cela va nous permettre d'intervenir au moment des pressions migratoires saisonnières, l’été par exemple, durant lequel les passages aux frontières augmentent systématiquement. Cela peut permettre d‘éviter des situations de crise à gérer en urgence ", indique l'agence Frontex, jointe par France 24.
L’accent est également mis sur le démantèlement des réseaux de crimes organisés et les retours de migrants irréguliers aux frontières. "Les nouvelles règles permettront à Frontex de jouer un rôle plus important dans le soutien aux États membres pour le contrôle aux frontières, les retours [des migrants irréguliers] et la coopération avec les pays tiers", a ainsi déclaré Maria Ohisalo, ministre finlandaise de l'Intérieur, dont le pays assure la présidence de l'UE.
Un déploiement sans précédent
L’agence, créée en 2004 et dont le siège se trouve à Varsovie, avait déjà vu ses ressources augmentées en 2016 après l'afflux migratoire de 2015, mais cette fois le renforcement est d'une tout autre ampleur.
Elle compte actuellement 700 employés permanents au siège et déploie aux frontières extérieures en Italie, en Grèce, en Espagne et dans les Balkans occidentaux entre 1 200 et 1 500 agents mis à disposition par les pays membres et associés à l'espace Schengen. Frontex dispose en outre d'une réserve de 1 500 agents fournis par les États membres et mobilisables en cas d'urgence.
Ce renforcement des effectifs, qui s'accompagne d'un mandat élargi, avait été approuvé par le Parlement européen en avril. L’adoption par les États membres valide ce projet d’envergure. La décision pourrait entrer en vigueur avant la fin de l'année.
Frontex a d’ores et déjà lancé sa campagne de recrutement. Le contingent de permanents sera mis en place progressivement à partir de 2021 et sera composé de membres du personnel opérationnel de Frontex (3 000 à l'horizon 2027), ainsi que de personnes détachées par les États membres pour de longues et de plus courtes durées. Une force de réserve de réaction rapide sera maintenue jusqu'à fin 2024.
Les plus gros contingents seront fournis par l'Allemagne avec plus d'un millier d'agents à l'horizon 2027. Parmi les trente pays participants, la France prêtera près de 800 agents et l'Italie près de 600.
Critiques sur les violences à l'encontre des migrants
L’agence européenne est fréquemment critiquée pour fermer les yeux sur les mauvais traitements infligés aux migrants par des policiers d’États membres. Plusieurs enquêtes ont révélé que des agents de Frontex étaient au courant de tels abus en Hongrie, en Bulgarie et en Grèce.
Pour Chloé Peyronnet, doctorante en droit public et spécialiste de la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne, le renforcement du personnel de Frontex ne s’attaque pas du tout à cette entorse aux droits de l’Homme, bien au contraire. "Le nouveau règlement permettra pour la première fois à des agents employés par Frontex elle-même de recourir à la force. Cela pose une nouvelle fois la question de la responsabilité. En effet, les agents des États membres prenant part aux opérations menées par Fontex sont responsables dans le cadre des lois de leurs pays. Rien ne dit qu'il en ira autrement s'agissant du personnel de Frontex, avec tous les problèmes que cela pose déjà quant à la possibilité réelle de poursuivre les personnes effectivement impliquées", regrette la chercheuse.
L’un des États qui pose notamment problème est la Croatie, où les ONG, dont Médecins du monde et Médecins sans frontière, dénoncent des cas de traitements inhumains et dégradants.
Interrogée par France 24 sur ce point, l’agence européenne répond que son rôle se cantonne à contrôler les frontières. "Frontex n’a pas le pouvoir de surveiller les institutions nationales", ajoute la communication de l’agence. Elle assure toutefois "veiller à ce que le respect des droits fondamentaux soit assuré dans toutes les opérations coordonnées par Frontex".
Avec AFP