La France, l'Italie et l'Allemagne préparent ensemble une série de mesures pour interdire en Europe la future monnaie virtuelle de Facebook, a annoncé vendredi le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire.
Bruno Le Maire voulait partir en guerre contre la Libra, la bataille se précise : le ministre de l'Économie a annoncé, vendredi 18 octobre, que la France, l'Italie et l'Allemagne préparent ensemble une série de mesures pour interdire en Europe la future cryptomonnaie de Facebook.
"Nous prendrons dans les semaines qui viennent, notamment avec Olaf Scholz et Roberto Gualtieri, mes homologues allemand et italien, un certain nombre d'initiatives pour marquer clairement que la Libra n'est pas la bienvenue en Europe, parce que c'est notre souveraineté qui est en jeu", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse en marge des réunions du FMI et de la Banque mondiale à Washington.
"Nous n'accepterons pas qu'une entreprise multinationale privée ait la même puissance, la même puissance monétaire que les États souverains qui sont soumis au contrôle démocratique", a-t-il ajouté. "Car la grande différence entre Facebook et les États, c'est que nous sommes soumis au contrôle démocratique, c'est-à-dire au contrôle du peuple."
Le G7, le groupe des sept pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie et Japon), réuni à Washington jeudi, avait déjà convenu que la condition sine qua non pour lancer les cryptomonnaies stables comme la Libra était l'instauration d'un cadre juridique.
"Préserver l'autonomie des États démocratiques"
Mais les Européens semblent vouloir aller plus loin, en interdisant purement et simplement la monnaie de Facebook.
Olaf Scholz a emboîté le pas de son homologue français, soulignant qu'il était "très sceptique" sur la Libra. "Je suis favorable à ne pas permettre l'instauration d'une telle monnaie mondiale, car c'est la tâche des États démocratiques", a-t-il commenté.
Il reconnaît lui aussi qu'il est "nécessaire de réformer" le secteur des banques et des services bancaires pour rendre les paiements internationaux transfrontaliers plus simples, plus rapides et moins chers, "mais en même temps, il est nécessaire de préserver l'autonomie des États démocratiques", a-t-il poursuivi.
Le ministre italien des Finances n'était pas immédiatement joignable pour commenter ces informations.
"Veut-on une politique monétaire aux mains d'une entreprise privée ?"
"Je le répète, notre priorité aujourd'hui est de travailler avec les régulateurs pour répondre à leurs questions légitimes et leur donner toutes les garanties nécessaires", a réagi Bertrand Perez, le directeur général de l'Association Libra.
Mais Bruno Le Maire a semblé écarter l'idée de travailler main dans la main avec Facebook. Il a rappelé l'un des points particulièrement litigieux : le fait que la Libra sera adossée à un panier de devises.
"Il suffira que Facebook décide d'avoir plus d'euros ou plus de dollars pour avoir un impact sur le niveau de change de l'euro ou du dollar et donc un impact direct sur le commerce, l'industrie, les États qui ont comme monnaie de référence l'euro ou le dollar", a-t-il souligné.
Et le ministre français a conclu : "Veut-on que la politique monétaire soit aux mains d'une entreprise privée comme Facebook ? Ma réponse est clairement non".
Bruno Le Maire a toutefois souligné qu'il n'était pas contre l'établissement d'une monnaie numérique publique, sur laquelle la France est disposée à travailler "dans un cadre européen". "La bonne réponse n'est pas une monnaie digitale privée sous la direction d'une des plus grandes multinationales de la planète, qui a 2,4 milliards de clients", a-t-il encore martelé.
Défection de PayPal, Visa, Mastercard et eBay
Les ministres des Finances du G20, réunis à Washington, ont préconisé vendredi d'"évaluer" les risques que posent les monnaies numériques stables telles que la Libra de Facebook et d'y "remédier" avant que celles-ci ne soient lancées.
"Bien que nous reconnaissions les avantages potentiels de l'innovation dans le secteur financier, nous sommes d'accord sur le fait que les devises numériques stables (...) présentent une série de risques importants en matière de politique et de réglementation", souligne dans un communiqué la présidence japonaise du G20.
Le G20 cite en particulier le blanchiment d'argent, le financement illicite ou la fragilisation de la protection des consommateurs et des investisseurs. "De tels risques (...) doivent être évalués et il faut y remédier de manière appropriée avant que de tels projets ne puissent démarrer", a-t-elle ajouté.
L'Association Libra avait été officiellement lancée lundi par 21 membres fondateurs à Genève, dont PayU, Vodafone, Iliad, Uber, Spotify, Anchorage, Coinbase, Andreessen Horowitz ou Kiva.
Pour autant, le projet a été récemment affaibli par la défection de PayPal, Visa, Mastercard ou encore eBay.
Avec AFP