À la Une de la presse, ce jeudi 10 octobre, les réactions à la nouvelle offensive turque dans le nord-est de la Syrie, une zone sous contrôle kurde. Une opération à laquelle le président américain Donald Trump a semblé donner son feu vert, et qui provoque un tollé quasi-général.
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À la Une de la presse : le lancement, hier, d’une nouvelle offensive turque dans le nord-est de la Syrie, une zone sous contrôle kurde.
Baptisée «source de paix», cette offensive est présentée par Ankara comme une opération destinée à lutter «contre les terroristes des Unités de protection du peuple kurde, et du groupe État islamique». Une action «au nom de la patrie», d’après le journal Türkiye, qui demande à Allah de «bénir» les troupes turques. «L’opération 'source de paix' a été lancée pour éliminer les menaces terroristes en Syrie», martèle Daily Sabah, en soutenant que l’offensive de la Turquie est «une question de souveraineté nationale», provoquée par «les éléments terroristes liés au Parti des travailleurs du Kurdistan», accusés de «prendre pour cible la sécurité de la Turquie et de la région».
L’offensive turque, à laquelle le président américain a semblé donner son accord, avant de nuancer sa position. Les atermoiements et les revirements de Donald Trump désolent The New York Times, qui annonce que «la Turquie attaque un allié des États-Unis en Syrie», et qu’après avoir donné son «feu vert» à la Turquie, le président a ensuite qualifié son intervention de «mauvaise idée». Une offensive que les États-Unis ne chercheront toutefois pas à stopper, au motif que les Kurdes, toujours selon Donald Trump, ne les ont «pas aidés pendant la Seconde Guerre Mondiale», ni «aidés en Normandie». Un argument qui sous-entend que les Kurdes ne sont pas de vrais alliés des États-Unis parce qu’ils ne le furent pas durant la Seconde guerre mondiale, jugé «surréaliste» par certains.
Dans ses récentes déclarations pour justifier sa volonté de retirer les troupes américaines de Syrie, et ouvrir la voie à une incursion turque, le président américain a aussi expliqué que les Turcs et les Kurdes étaient des «ennemis naturels», qui se sont combattus «pendant des centaines d’années». Des propos balayées par Asli Aydintasbas, qui les juge à la fois «dangereux» et «réducteur». Selon cette contributrice turque du Washington Post, «des millions (de ses compatriotes) ne voient pas les Kurdes de Syrie comme une menace, mais comme les habitants d’une zone-tampon dans une région chaotique», une minorité «avec laquelle la Turquie doit normaliser ses relations et s’engager dans un règlement politique sur la question kurde». Autrement dit, une solution diamétralement opposée à l’option choisie par le président Recep Tayip Erdogan, accusé de «semer les graines de la haine pour les générations à venir». L’intervention turque compte néanmoins quelques soutiens outre-Atlantique, dont le site ultra-conservateur Daily Caller, qui estime que Donald Trump «a eu raison d’annoncer le retrait des troupes américaines, et qu’il devrait même aller plus loin» en sortant définitivement les États-Unis d’un conflit dans lequel leur intérêt serait «extrêmement limité».
Donald Trump, dont les dessinateurs de presse rappellent les difficultés intérieures. Menacé par une procédure de destitution du Congrès pour avoir demandé des informations compromettantes à l’Ukraine sur Joe Biden, son potentiel rival à la présidentielle de 2020, le président américain cherche-t-il à faire diversion, à faire oublier les accusations portées contre lui? Le dessinateur américain Marlette montre des soldats turcs en pleine offensive syrienne, faisant ce commentaire: «Si on avait su qu’il était si facile d’amener les États-Unis à abandonner leurs alliés, on aurait offert des infos compromettantes sur Joe Biden bien plus tôt». Un dessin trouvé sur Twitter. «La Turquie attaque les Kurdes: Trump s’excuse, il a un impeachment – un empêchement, le terme américain pour désigner la procédure de destitution», ironise le dessinateur Herrmann pour La Tribune de Genève.
À l’étranger, l’offensive turque comme l’attitude du président américain suscitent un véritable tollé. «Envers et contre tous, Erdogan passe à l’attaque», titre L’Orient Le Jour. D’après le journal libanais, «le déclenchement de l’offensive a été fermement condamné par plusieurs pays qui craignent un chaos risquant d’ouvrir la voie à un retour en force (du groupe État islamique) et qui fait planer l’incertitude sur le sort des jihadistes capturés par les Unités de protection du peuple kurde». «La Turquie cible les Kurdes abandonnés par Trump», critique le journal britannique The Independent, qui rapporte que des milliers de civils ont fui, ou tentent toujours de fuir les zones bombardées par l’armée turque.
En France, Libération dénonce «la sale guerre d’Erdogan», et la façon dont le président turc aurait «joué des ambiguïtés de Washington » pour mener à bien sa guerre contre les Kurdes, objets d’une trahison sans fin». Selon Libé, «cette nouvelle crise souligne l’impuissance des pays européens», et «les silences de l’Europe et de la France interrogent ce que l’on croyait acquis : l’idéal du printemps des peuples et des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes». Soutien indéfectible de la cause kurde, L’Humanité enrage de voir ce peuple «livré à la folie d’Erdogan», victime de «l’infamie» de Donald Trump, dont l’annonce du retrait de ses troupes «marquera d’une flétrissure la présidence de la première puissance mondiale». «Le Conseil de sécurité de l’ONU va se réunir aujourd’hui en urgence. Nous sommes entrés dans un engrenage guerrier» : le journal demande «l’arrêt immédiat de l’offensive turque».
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