
Le Premier ministre Édouard Philippe a promis dimanche la "transparence totale" sur les dangers sanitaires liés à l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen, mais l'inquiétude demeure. Syndicats et associations ont appelé à manifester.
La "transparence totale" : c'est ce que promet le gouvernement, le Premier ministre en tête. Edouard Philippe souhaite rendre publiques toutes les analyses de la pollution engendrée par l'incendie de l'usine chimique Lubrizol de Rouen alors que l'inquiétude était toujours de mise en Normandie, et jusque dans les Hauts-de-France où une centaine de communes auraient été "impactées par les retombées du panache de fumée".
En déplacement dans le Morbihan à l'université du MoDem, Édouard Philippe a assuré, dimanche 29 septembre, que "pour faire face à l'inquiétude légitime des populations, il n'y a qu'une solution : le sérieux et la transparence complète et totale".
"Nous avons souhaité faire en sorte que tout ce qui est su, que toutes les analyses qui sont réalisées soient rendues publiques", a fait valoir Édouard Philippe, originaire de Normandie (Le Havre).
[#Lubrizol] "L'engagement du gouvernement est de répondre à toutes les questions et de faire la transparence totale" @EPhilippePM.
Retrouvez les analyses effectuées ???? https://t.co/e9VYRCrjyR
Samedi, au cours d'une conférence de presse fleuve – près d'1 h 30 – le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, avait présenté les résultats de différentes analyses, dont celles très attendues concernant une éventuelle pollution atmosphérique. Il avait évoqué "une situation normale" de la qualité de l'air, sauf sur le site de Lubrizol (présence de benzène), tout en rappelant plusieurs décisions concernant l'agriculture, notamment "un gel" des récoltes, appliquant le principe de précaution.
Le préfet avait aussi assuré que les analyses seraient publiées sur le site de la préfecture. Chose faite dans la soirée, avec pas moins de quatre communiqués de la préfecture et la publication de données parfois absconses, comme "les résultats d'analyse des gaz prélevés sur canisters".
Gel des productions et récoltes dans une centaine de communes
Car, plus de trois jours après l'incendie spectaculaire de cette usine classée Seveso seuil haut, les images de l'incendie et de l'impressionnant nuage noir sont encore dans toutes les têtes, les gens s'interrogeant sur les conséquences sanitaires et environnementales.
Des témoignages font état de suies, probablement issues du nuage noir, dans l'Aisne, l'Oise et même à Lille, conduisant l'Agence régionale de santé des Hauts-de-France à demander aux habitants de signaler aux différents services "la présence de retombées sous forme de suie".
Les autorités d'une centaine de communes ont interdit "à titre conservatoire" la récolte des cultures et des denrées alimentaires d'origine animale en raison des retombées de suie occasionnées par le nuage qui "sont susceptibles de présenter un risque de santé publique".
Le lait, le miel collectés et les œufs d'élevage en plein air pondus depuis jeudi "sont consignés sous la responsabilité de l'exploitant jusqu'à l'obtention de garanties sanitaires sur les productions, sur la base de contrôles officiels," peut-on lire dans les arrêtés des préfectures publiés dimanche.
Appel à manifester de syndicats et associations
Malgré tout, plusieurs riverains faisaient toujours part de leur inquiétude ou de leur colère samedi, alors que cette usine est située dans la ville, à environ trois kilomètres de la célèbre cathédrale.
Plusieurs syndicats, dont la CGT et Solidaires, mais aussi des associations écologistes (Greenpeace, France Nature Environnement) ont appelé à manifester mardi à 18 heures devant le palais de justice de Rouen, exigeant "une transparence complète" sur cet accident industriel. Dans un communiqué commun, ils regrettent que "la liste des produits qui ont brûlé n'ait pas été communiquée".
La CGT rappelle en outre que "par le passé, la préfecture de Rouen puis la ministre de l'Écologie avaient déjà caché des informations sur les risques encourus notamment lors de l'épisode du nuage de Mercaptan en 2013" après un incident dans cette même usine, "en ne diffusant pas les informations nécessaires sur la composition du nuage et sur les risques pour la population".
Et dans la soirée, plusieurs députés de gauche ont réclamé une commission d'enquête parlementaire. "Il faut toute la vérité sur #Lubrizol. Comme pour #AZF il y a 17 ans, une commission d'enquête parlementaire doit être ouverte dès la semaine prochaine", a plaidé Olivier Faure, numéro un du PS, sur Twitter.
Il faut toute la vérité sur #Lubrizol. Comme pour #AZF il y a 17 ans, une commission d’enquête parlementaire doit être ouverte dès la semaine prochaine. @Chris_Bouillon député du 76 en a déposé la demande vendredi. Il est notre candidat pour être rapporteur.
Olivier Faure (@faureolivier) 28 septembre 2019Sur France 3 dimanche, la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen s'est interrogée "sur la qualité des contrôles effectués" dans cette usine chimique. "Il y a une dérive dans notre pays qui consiste à transmettre à des structures privées le soin d'assurer le contrôle de toute une série de structures dangereuses. C'est à l'État de le faire. L'État est le gage de la neutralité", a-t-elle estimé.
Dans un communiqué diffusé dimanche soir sur Twitter, l'académie de Rouen prévient que "tous les établissements et écoles rouvriront lundi 30 septembre après les opérations de nettoyage du week-end".
En Normandie, région agricole, l'inquiétude était toujours de mise dimanche. "Ce que l'on a jeté, ça correspond à 5 000 litres de lait, soit 1 500 à 1 800 euros : c'est à peine ce que j'arrive à me tirer comme salaire sur l'exploitation par mois", a expliqué à l'AFP Sébastien Catoir, agriculteur à Conteville, en Seine-Maritime. "Ce n'est pas à nous agriculteurs de supporter une pénalité financière comme celle-ci", a-t-il dit, alors que les causes de l'incendie restaient toujours inconnues dimanche.
Avec AFP