
Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky ont évoqué plusieurs sujets sensibles lors du fameux coup de fil au cours duquel il n'a pas seulement été question de l'enquête pouvant incriminer le fils de Joe Biden.
Joe Biden, mais pas que. Le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky n'ont pas seulement évoqué l'enquête susceptible de gêner politiquement le principal rival démocrate du président sortant. La transcription du coup de fil du 25 juillet dernier, rendue publique mercredi 25 septembre, dévoile d’autres thèmes qui ont provoqué des froncements de sourcils dans la presse et parmi les responsables politiques américains.
Haro sur Angela Merkel. “Vous avez entièrement raison. Pas à 100 %, mais à 1000 %”. Par cette phrase, Volodymyr Zelensky a semblé épouser le peu de sympathie éprouvé par Donald Trump pour la chancelière allemande Angela Merkel. Le président ukrainien répondait à une attaque portée par son homologue américain qui a critiqué le manque de soutien de Berlin au gouvernement ukrainien. “Angela Merkel parle tout le temps d’Ukraine, mais en fait elle ne fait rien”, a-t-il asséné.
Cette pique servait à renforcer le propos central du locataire de la Maison Blanche durant l’appel : les États-Unis sont les seuls vrais alliés de l'Ukraine. Mais, elle renforce aussi l’impression qu’Angela Merkel est le punching ball favori de Donald Trump en Europe. Il lui a déjà reproché, par le passé, d’être vendue à Moscou, de ne pas verser une contribution suffisante à l’Otan ou encore de trop exporter de Mercedes aux États-Unis.
Le président savait aussi qu’il trouverait un interlocuteur réceptif en la personne de Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien n’a jamais caché, depuis son accession au pouvoir en avril, qu’il espérait que Berlin se montre plus ferme à l’égard de Moscou. Lors de sa visite en Allemagne, en juin 2019, il avait déjà demandé à la chancelière que les sanctions européennes contre la Russie soient mieux respectées.
Serveur, vous avez dit serveur ? “J’aimerais que vous nous fassiez une faveur”. Cette requête du président américain ne concernait pas, en premier lieu, Joe Biden et son fils. La première demande adressée au président ukrainien a trait à une entreprise de sécurité informatique et à une sombre théorie du complot.
“J’aimerais que vous trouviez tout ce que vous pouvez sur Crowdstrike en Ukraine… Vous avez cette personne très riche… et le serveur est, paraît-il, en Ukraine”, a suggéré Donald Trump. Une demande qui paraît très énigmatique mais qui fait référence, en réalité, à une vieille théorie du complot visant à exonérer la Russie de toute ingérence dans la présidentielle de 2016.
Crowdstrike est l’entreprise de cybersécurité qui a découvert, en 2016, la preuve du piratage des serveurs du Parti démocrate par la Russie. Très vite, une théorie alambiquée a commencé à émerger dans les recoins complotistes et d’extrême droite d’Internet : cette cyberattaque aurait été, en réalité, orchestrée depuis l’Ukraine pour, ensuite, incriminer Moscou. Cette thèse, entièrement démontée depuis longtemps, repose sur deux éléments principaux : Crowdstrike n’a jamais fourni au FBI l’un des serveurs piratés - qui se trouveraient en Ukraine -, et l’entreprise a été cofondée par un “Ukrainien”, Dmitri Alperovitch. Cette théorie du complot s’est frayé un chemin jusqu’au fil Twitter de Donald Trump et a aussi été reprise par Rudy Guiliani, l’avocat personnel du président.
Pourtant, elle ne repose que sur du vent : Dmitri Alperovitch est en réalité un entrepreneur américain d’origine russe… sans lien aucun avec l’Ukraine. Et si le fameux serveur n’a pas physiquement été remis au FBI, toutes les informations qui s’y trouvaient ont été transférées par Crowdstrike aux autorités américaines.
Cette démystification a été effectuée dès 2017, et il peut sembler surprenant que deux ans plus tard, le président américain demande encore très officiellement à son homologue ukrainien d’y regarder de plus près….
La “mauvaise” ambassadrice. Elle est celle dont Donald Trump et Volodymyr Zelensky ne veulent pas prononcer le nom. Durant l’appel entre les deux dirigeants, le président américain prend un malin plaisir à dénigrer l’ancienne ambassadrice américaine en Ukraine, estimant qu’elle n'était "pas quelqu'un de bien" et qu’elle devait s’attendre à subir les foudres présidentielles. Une appréciation avec laquelle le dirigeant ukrainien s’est dit “d’accord à 100 %”, l’accusant d’être une admiratrice de l’ancien président ukrainien Petro Porochenko.
Les deux hommes s’en prennent ainsi à Marie Yovanovitch, l’une des diplomates américaines les plus expérimentées. Elle avait été nommée ambassadrice en Ukraine en 2016 pour trois ans et s’était rapidement créé des inimitiés dans les cercles du pouvoir pour avoir demandé davantage d’effort à Kiev en matière de lutte contre la corruption. Les critiques avaient ensuite été reprises dans les milieux conservateurs américains, notamment sous l’impulsion de Paul Manafort, l’ancien chef de campagne de Donald Trump, qui a fourni des conseils politiques aux autorités ukrainiennes.
Le sort de Marie Yovanovitch est rapidement devenu un sujet de dispute entre républicains qui voulaient s’en débarrasser et les démocrates qui la soutenaient. Finalement, elle a été rappelée à Washington quelques mois avant la fin de son affectation en Ukraine. Déjà critiqué pour avoir ainsi précipité le retour de Maria Yovanovitch, Donald Trump a essuyé une nouvelle salve de critique après la publication de la transcription du coup de fil. Plusieurs anciens diplomates interrogés par CNN ont déploré “un comportement choquant” du président envers un membre de son corps diplomatique. Chuck Summer, le chef de file des démocrates au Sénat a même demandé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du rappel de l’ex-ambassadrice en Ukraine.