Les démocrates, majoritaires à la Chambre basse du Congrès, ont lancé, mardi, une procédure en vue d'une destitution de Donald Trump pour avoir demandé à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, rival démocrate dans la course à la Maison Blanche.
C’est une procédure explosive et un coup de tonnerre politique. Les démocrates ont lancé, mardi 24 septembre, à Washington, la première étape d'une procédure de destitution de Donald Trump, soupçonné d'avoir demandé au président ukrainien d'enquêter sur son rival politique, Joe Biden, et son fils, Hunter.
La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, accuse le président américain d’abus de pouvoir et d’avoir mis en danger la sécurité nationale des États-Unis. “Les actes du président jusqu'à ce jour ont violé la Constitution, a-t-elle accusé. Aujourd'hui, j'annonce que la Chambre des représentants ouvre une enquête officielle en vue d'une procédure de destitution”.
Depuis le début de la présidence Trump, plusieurs dossiers, dont ceux de l’ingérence russe dans son élection ou de présumés conflits d’intérêt, accablent le milliardaire américain. Mais si les démocrates, majoritaires à la chambre basse du Congrès, ont longtemps hésité à lancer une telle procèdure, cette nouvelle affaire ukrainienne qui éclabousse la Maison Blanche est celle de trop.
De quoi s’agit-il ?
Donald Trump est soupçonné d’avoir fait pression sur son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, nouvellement élu en avril. Lors d’un échange téléphonique en juillet, il aurait cherché à obtenir des informations susceptibles de nuire à l’ancien-vice président américain Joe Biden, grand favori dans la course à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020.
Selon le Wall Street Journal, lors de cet entretien, le président américain aurait insisté à huit reprises auprès de son homologue ukrainien pour qu’il enquête sur Hunter Biden, fils de Joe Biden, qu'il pense être impliqué dans des affaires de corruption en Ukraine.
Il l'aurait aussi invité à prendre contact avec Rudolph Giuliani, son avocat personnel et ancien maire de New York, pour travailler sur ce dossier. Selon ce dernier, Joe Biden, alors vice-président de l’administration Obama, aurait fait pression en 2016 sur les autorités ukrainiennes pour obtenir le limogeage d’un procureur qui enquêtait sur son fils.
Plus effarant pour les démocrates, Donald Trump aurait mis dans la balance une aide militaire de 400 millions de dollars destinée à l’Ukraine, mais gelée quelques jours avant l’entretien téléphonique. Tout en qualifiant son rival Joe Biden de “corrompu”, Donald Trump a démenti lundi, selon le Washigton Post, avoir fait une pareille offre à son homologue ukrainien, qu’il doit rencontrer mercredi en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
“Non, je ne l’ai pas fait, je ne l’ai pas fait ... Quand vous verrez la transcription, vous allez être très surpris”, a réagi le président américain, qui a annoncé que la transcription "complète, totalement déclassifiée et non expurgée" de son entretien serait rendue publique mercredi, et qu'elle montrerait que cette conversation était "totalement appropriée".
D’où est partie l’affaire ?
C’est un mystérieux lanceur d’alerte, membre des services de renseignements américains, qui a averti sa hiérarchie le 12 août à propos d'une conversation téléphonique de Donald Trump avec Volodymyr Zelensky. Le 9 septembre, Michael Atkinson, l’inspecteur général des services de renseignements, informe le Congrès – soit un mois plus tard – du signalement du lanceur d’alerte. Un délai qui a suscité des interrogations sur d'éventuelles interventions.
Selon plusieurs médias américains, la Maison Blanche pourrait autoriser la transmission de son signalement aux élus américains, et étudie, avec des responsables du renseignement, la possibilité que le lanceur d'alerte soit entendu par des membres du Congrès.
Le lanceur d'alerte, qui par ailleurs aurait déjà travaillé à la Maison Blanche, est prêt à témoigner devant une commission du Congrès si les conditions de sécurité sont réunies, a déclaré mardi son avocat. "Nous attendons la publication du signalement dans son intégralité", a-t-il ajouté dans un communiqué consulté par l'AFP.
Qu’a fait Hunter Biden en Ukraine ?
Hunter Biden, avocat et investisseur, a siégé entre 2014 et 2019 au conseil de surveillance de Burisma Holdings, une compagnie d’exploration et de production de gaz ukrainienne basée en Crimée, alors que son père Joe Biden était encore vice-président de Barack Obama. Or l’ancien vice-président était à l’avant-garde des tractations diplomatiques américaines pour soutenir l’Ukraine contre l’agression russe.
Selon le Washington Post, l’activisme de Joe Biden en Ukraine alors que son deuxième fils venait d’être embauché par la compagnie gazière et était payé 50 000 dollars par mois, avait éveillé les soupçons. Mais l’administration Obama avait blanchi Joe Biden et affirmé qu’il n’ avait pas commis d’acte repréhensible. Un dossier que Donald Trump espérait peut-être déterrer dans l'optique de la campagne présidentielle de 2020.