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PMA pour toutes : à l’Assemblée et dans la rue, les opposants s’organisent

Première grande réforme sociétale du quinquennat Macron, le projet de loi de bioéthique arrive mardi à l’Assemblée nationale. Conscients qu’obtenir un retrait du texte sera compliqué, les anti-PMA espèrent tout de même réussir à mobiliser.

Alors que le mariage pour tous avait enflammé l’Assemblée nationale en 2013, la loi Buzyn de bioéthique, qui doit notamment ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, provoquera-t-elle des débats aussi vifs au sein de l’hémicycle et en-dehors ?

Outre cette mesure emblématique, plusieurs fois repoussée, le texte de 32 articles et plus de 2 500 amendements, qui sera débattu jusqu'au 9 octobre, prévoit une délicate réforme de la filiation et de l'accès aux origines, et aborde nombre de sujets sensibles comme l'autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Autant de thèmes qui suscitent des questionnements chez les députés de tous bords, en quête d'équilibre entre ce qui est possible techniquement et ce qui est souhaitable éthiquement.

"C'est le texte de tous les dangers mais il a été très bien préparé", entre états généraux de la bioéthique et avis du Comité consultatif national d'éthique, a affirmé lundi 16 septembre Emmanuel Macron devant sa majorité. Et le gouvernement ne semble pas prêt à beaucoup bouger : "Il ne faut pas confondre la recherche d'un débat où tout le monde peut s'exprimer avec la recherche d'un consensus", a prévenu dans un entretien à l'AFP Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche.

Une façon de mettre en sourdine l’opposition ? C’est ce que déplore la députée Les Républicains du Doubs Annie Genevard, vice-présidente de l’Assemblée nationale, contactée par France 24. "Dans le passé, on cherchait des points de convergence sur les textes de bioéthique, regrette-t-elle. Mais cette majorité actuelle est doctrinaire et n’a malheureusement que des certitudes. Or, sur un sujet comme celui-là, il est sain d’avoir des doutes."

"C’est tout le droit de la filiation qui se joue avec ce texte"

Une majorité des députés LR est opposée au texte, mais plutôt que de mener un combat perdu d’avance sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes – d’autant que 65 % des Français s’y disent favorables pour les femmes seules et 61 % pour les couples de femmes, selon un sondage BVA publié le 23 juillet –, ceux-ci veulent se concentrer sur la question de la filiation.

"Les Français sont favorables à la PMA car ils pensent que c’est une loi d’égalité des droits, estime Annie Genevard. Mais en réalité, c’est tout le droit de la filiation qui se joue avec ce texte et ça, les Français ne le perçoivent pas. Donc notre objectif avec les débats parlementaires, ce sera d’éveiller leur conscience sur ce sujet."

.@AnnieGenevard (LR) : "Vous niez la spécificité de la mère qui accouche."#PJLBioéthique #DirectAN #PMA pic.twitter.com/gePUASGFvg

  LCP (@LCP) 12 septembre 2019

Les élus LR opposés au texte estiment que reconnaître la mère qui n’accouche pas au même niveau que celle qui accouche est une négation des différences et affirment que cette disposition sur la filiation ouvrira de facto la porte à la gestation pour autrui (GPA).

C’est également ce que craignent La Manif pour tous et une vingtaine d’associations qui organisent une manifestation de protestation le 6 octobre. Ces opposants se sont réunis, samedi 21 et dimanche 22 septembre à Port-Marly, dans les Yvelines, pour préparer l’événement intitulé "Marchons enfants !" et dont le slogan sera "Liberté, égalité, paternité".

Manifester ou pas : les leaders LR divisés

Ils défileront pour un retrait pur et simple du projet de loi. Plus de 2,5 millions de tracts ont été imprimés, des cars de toutes les régions de France et deux TGV spéciaux qui partiront de Marseille et d’Aix ont été affrétés. Mais difficile de savoir si la mobilisation connaîtra la même ampleur que lors des manifestations contre le mariage homosexuel, d’autant que les élus opposés au projet de loi ne s’exposeront pas autant qu’en 2013.

Si l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, qui a qualifié dans le Journal du dimanche du 15 septembre de "malédiction" le choix d’ouvrir la PMA à toutes les femmes, entend bien défiler dans la rue le 6 octobre, ce ne sera pas le cas de la plupart des ténors de la droite. Parmi les trois candidats à la présidence du parti, dont l’élection aura lieu une semaine après la manifestation, Guillaume Larrivé et Julien Aubert ont prévu d’aller manifester, mais pas le favori pour la présidence de LR, Christian Jacob, qui plaide de son côté pour un "débat apaisé".

.@albdmt : « Le #6octobre, grande manifestation unitaire, autour de 20 associations ! » #MarchonsEnfants #6octobre pic.twitter.com/j5MghhNvXP

  La Manif Pour Tous ن (@LaManifPourTous) 21 septembre 2019

Figure de la droite conservatrice et de La Manif pour tous en 2013, Christine Boutin n’en sera pas non plus. L'ex-patronne du Parti chrétien-démocrate n'y croit plus. "On peut nous raconter ce que l’on veut, la PMA se fera et la GPA aussi, a regretté l’ancienne ministre dans Le Point. Il y aura du monde, mais pas la foule comme lors du mariage pour tous."

Un sentiment que ne partagent évidemment pas les initiateurs de la manifestation "Marchons enfants !", qui considèrent que l’avis de l’Académie nationale de médecine, publié samedi 21 septembre, est venu apporter de l’eau à leur moulin. "La conception délibérée d'un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n'est pas sans risques pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant", a ainsi jugé l’Académie. Pour Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous, "cet avis retentissant change évidemment radicalement la donne".