Le photographe français Willy Ronis est décédé samedi à l'âge de 99 ans. Figure emblématique de la photographie humaniste, il s'était rendu célèbre avec ses clichés en noir et blanc de la France d'après-guerre.
Une femme qui sautille sur le pavé trempé de la Place Vendôme, un petit Parisien courant avec sa baguette sous le bras, ou encore le "Nu provençal" de son épouse occupée à sa toilette… Les clichés noir et blanc de Willy Ronis ont fait le tour du monde. Ce samedi, le doyen des photographes, décédé à l’âge de 99 ans, a définitivement refermé son book qui rassemble quelque 100 000 prises de vue.
La photographie n’était pourtant pas une vocation pour le jeune Ronis qui rêvait d’embrasser une carrière de compositeur de musique. Il n’a que16 ans lorsqu’il reçoit des mains de son père, photographe de studio, un appareil Kodak. Nous sommes en 1926 et, pour son premier cliché, le jeune homme choisit la vallée de Chevreuse prise depuis une hauteur, lors d’un dimanche à la campagne.
Six ans plus tard, de retour de son service militaire, Willy Ronis est contraint de reprendre l’affaire de son père. Il n’apprécie guère le travail en studio et préfère se concentrer sur les scènes en extérieur. A la mort de son père en 1936, il laisse le magasin afin de devenir photographe pour la presse, la mode et la publicité.
Témoin de la réalité sociale
Membre du Parti communiste, Willy Ronis se plaît à montrer la réalité sociale. Témoin des premiers congés payés et des luttes ouvrières, il multiplie les reportages sur le Front populaire. C’est à cette occasion qu’il immortalise Rose Zehner, meneuse de grève aux usines Javel-Citroën en 1938, pour la revue "Regards".
La Seconde Guerre mondiale éloigne le jeune homme, de confession juive, de la photographie. Il s’en rapproche en 1946 pour faire partie de la première équipe de l'agence Rapho, avec Robert Doisneau et Brassaï.
L’appareil toujours au poing, il arpente les quartiers populaires de Paris, s’enthousiasme pour Belleville et Ménilmontant. L’un de ses célèbres clichés reste les amoureux qui s’embrassent en haut de la colonne de la Bastille. "J'étais monté ce jour-là parce que je voulais faire des photos en hauteur. Je ne vois personne, je me dis : ‘Je vais être tranquille’. Je me retourne, et je vois deux amoureux accoudés qui regardent le paysage. Au moment où j'arme l'appareil, le jeune homme pose un baiser sur la tempe de son amie. Ils ne se sont pas aperçus que je les photographiais", s’amusait-il souvent à raconter. Le couple, "Riton" et Marinette, fera sa connaissance 30 ans après la prise de vue.
En 1955, Willy Ronis suspend sa collaboration avec Rapho - qui reprendra quelques années plus tard - pour se tourner vers la mode et la publicité. Puis il se retire une dizaine d'années à Gordes, en Provence, pour dispenser des cours aux Beaux-Arts d'Avignon, d’Aix-en-Provence et de Marseille.
Willy Ronis accumulait les récompenses : médaille d'or à la Biennale de Venise (1957), Grand Prix des arts et lettres pour la photographie (1979), prix Nadar pour son livre "Sur le fil du hasard" (1981). Le photographe avait fait don de ses archives à l'Etat mais en restait le dépositaire de son vivant.
En 2001, il éteint son appareil. Depuis, le photographe ne se déplaçait plus qu'en fauteuil roulant mais avait gardé toute sa vivacité d’esprit.
Son nom reste associé à celui de Robert Doisneau, les deux grands photographes humanistes du siècle dernier. Un courant qu’il définissait simplement : "Si je peux employer une métaphore, c'est faire de la photo comme l'oiseau chante. Il ne se pose pas la question", avait-il dit, un jour, à l’AFP.