Un échange historique de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie s’est déroulé samedi, impliquant soixante-dix détenus, parmi lesquels le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, dont la libération était exigée par la communauté internationale.
Recul des tensions entre la Russie et l'Ukraine. Annoncé il y a deux jours par Vladimir Poutine, un échange de prisonniers impliquant 70 détenus a eu lieu entre les deux pays, samedi 7 septembre. Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, ainsi que de nombreux militaires, faisaient partie du convoi. La libération du metteur en scène était exigée par la communauté internationale, alors que les deux nations sont à couteaux tirés depuis le déclenchement d'un conflit à l'est de l'Ukraine en 2014.
L'avion transportant les Ukrainiens a atterri, samedi, en milieu de journée à l'aéroport principal de Kiev, où des dizaines de proches et le président Volodymyr Zelensky les ont accueillis sur le tarmac. "Nous avons fait le premier pas (...) Nous devons faire tous les autres pas pour mettre fin à cette horrible guerre", a déclaré le chef de l'État ukrainien à l'aéroport Boryspil de Kiev, en présence de dizaines de journalistes. "Je félicite tout le monde pour la libération de nos héros".
Selon l'agence russe Interfax, 35 prisonniers de chaque pays devaient être échangés.
Le plus célèbre d’entre eux, Oleg Sentsov, 43 ans, avait été arrêté en 2014 en Crimée après avoir protesté contre l'annexion par la Russie de cette péninsule ukrainienne. Il a ensuite été condamné à 20 ans dans un camp de la région arctique russe pour préparation "d'attaques terroristes".
Il avait effectué en 2018 une grève de la faim très médiatisée de 145 jours, qui avait suscité de nombreux témoignages de soutien, notamment au festival de Cannes. À la descente de son avion, le cinéaste s'est dit content de rentrer et a "remercié toutes les personnes qui se sont battues pour nous".
Le président français Emmanuel Macron a "salué" dans un tweet la libération du cinéaste. "Nous avons toujours été à ses côtés", a écrit le chef de l'État.
"Vers la normalisation des relations"
En échange, l'Ukraine avait notamment relâché cette semaine Volodymyr Tsemakh, 58 ans, un ex-chef militaire des séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine et témoin clé dans le crash du vol MH17. L'avion reliant Amsterdam à Kuala Lumpur s'est écrasé en juillet 2014, avec plus de 280 à bord, dont une majorité de Néerlandais.
"On ne sait pas exactement la nature des informations que Volodymyr Tsemakh peut détenir. Toujours est-il que Moscou en a fait la clé de voûte de cet échange de prisonniers et Kiev a dû le relâcher, au regret des enquêteurs néerlandais", explique Sébastien Gobert, correspondant de France 24 en Ukraine.
"Ce cas est un révélateur d’une potentielle faiblesse des Ukrainiens dans leurs relations avec Moscou. Le président ukrainien est critiqué dans son pays pour cela. Certains parlent d’une compromission voire d’une capitulation", détaille-t-il.
Autre prisonnier échangé, Kyrylo Vyshynsky, 52 ans, un journaliste russo-ukrainien de l'agence russe Ria Novosti, arrêté en 2018 à Kiev et inculpé pour "haute trahison" au profit de Moscou.
Le président russe Vladimir Poutine avait annoncé, jeudi, un prochain échange "massif" de prisonniers, sans préciser de date. Cette mesure, avait-il affirmé, sera "un grand pas vers la normalisation des relations" entre les deux pays, après l'arrivée au pouvoir en Ukraine de l'ancien comédien Volodymyr Zelensky en mai.
Moscou avait toutefois eu du mal à se mettre d'accord avec Kiev sur les noms des prisonniers qui seraient échangés, avait-il ajouté.
Parmi les autres prisonniers libérés figurent 24 marins ukrainiens dont la Russie a capturé les navires au large de la Crimée en novembre dernier au cours du plus grave affrontement direct entre les deux pays depuis des années. Parmi eux, deux sont agents des services ukrainiens de sécurité SBU, selon une source gouvernementale. Cet échange de prisonniers est le premier de cette envergure entre l'Ukraine et la Russie, depuis le début du conflit dans l'est de l'Ukraine en 2014 qui a fait plus de 13 000 morts en cinq ans.
"C’est un pas décisif dans la reprise d’un dialogue constructif qui doit être poursuivi dans les prochaines semaines" a salué l'Élysée par communiqué.
L'arrivée au pouvoir à Kiev de Volodymyr Zelensky a facilité quelque peu les relations entre Kiev et Moscou. Les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine, avec la participation de la France et de l'Allemagne, devraient reprendre ce mois-ci.
Avec AFP et Reuters