logo

Exclusif : les "anges gardiens" d'Edward Snowden

Nous vous proposons une enquête exceptionnelle sur la traque d'Edward Snowden, l'homme le plus recherché des États-Unis. En 2013, pendant sa cavale à Hong Kong, le célèbre lanceur d'alerte, qui a fait fuiter des documents confidentiels sur la surveillance de masse des États-Unis, a été protégé par un groupe de réfugiés. Nos reporters Valériane Gauthier, Mohamed Farhat et François Rihouay sont partis à la rencontre de ces "anges gardiens" de Snowden, désormais eux aussi menacés.

Ils ont permis l'incroyable évasion d'Edward Snowden. Quatre demandeurs d'asile, Ajith Pushpakumara, Supun Kellapatha, Nadeeka Dilrukshi et Vanessa Rodel, ont accueilli à Hong Kong le lanceur d'alerte le plus célèbre de l'histoire lors de sa cavale de juin 2013. C'est leur avocat, Robert Tibbo, qui a eu l'idée de cacher l'ancien contractuel de l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) là où personne ne penserait à aller le chercher : au sein de la communauté des réfugiés de Hong Kong. Une communauté méprisée, qui vit au ban du reste de la société dans cette mégalopole tentaculaire.

Pendant treize jours, alors que gouvernement américain et les services secrets de différents pays traquent le jeune informaticien, qui vient de révéler le plus grand scandale de surveillance de tous les temps, ces réfugiés l'hébergent et le nourrissent dans leurs minuscules appartements.

Edward Snowden explique à France 24 qu'il doit la vie à ces alliés hors du commun, qui auraient pu le livrer aux autorités à n'importe quel moment : "Ils auraient pu écrire un mail à la CIA et recevoir un énorme chèque, ou bien obtenir l'asile en échange et ils n'auraient plus eu aucun problème. Mais ils l'auraient fait en creusant la tombe de quelqu'un... Pour cela, je leur serai éternellement reconnaissant".

Mais depuis que le rôle qu'ils ont joué dans la cavale de Snowden a été révélé, notamment dans le film "Snowden" du réalisateur américain Oliver Stone, sorti en 2016, ces réfugiés subissent des représailles de la part des autorités hongkongaises. À plusieurs reprises, ils ont été arrêtés et interrogés. Leurs aides sociales ont été coupées et ils vivent désormais la peur au ventre, sous la menace d'être arrêtés et expulsés à tout moment vers dans leur pays d'origine, le Sri Lanka, où ils risquent persécutions et emprisonnement, voire la mort. Tous ont demandé l'asile au Canada.

La demande de l'une d'entre eux, Vanessa Rodel, originaire des Philippines, a récemment été acceptée et la mère de famille habite désormais en sécurité avec sa fille Keana à Montréal. Mais le père de Keana, Supun Kellapatha, est resté à Hong Kong avec ses deux autres enfants, Sethumdi, 7 ans, et Dinath, 3 ans. Tous souffrent de cette séparation douloureuse.

Snowden appelle Ottawa à aider ses bienfaiteurs

Vanessa et les avocats des "réfugiés Snowden" demandent l'aide d'Ottawa pour les accueillir également au Canada, soulignant "l'urgence" d'accueillir les amis restés à Hong Kong dans une situation précaire. Mais les autorités canadiennes semblent faire la sourde oreille. D'après les avocats des réfugiés, le Canada subit des pressions de la part des États-Unis, qui en ont toujours après Edward Snowden pour ses révélations qui avaient causé un séisme planétaire.

"Contrairement aux directives de l'ONU et à la législation canadienne concernant la réunification des familles de réfugiés, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a brisé une famille", accuse l'un de leurs avocat, Robert Tibbo, qui poursuit : "Cette attitude de la part de Trudeau a été dictée par le président américain Donald Trump".

Depuis Moscou, en Russie, où il a obtenu l'asile jusqu'en 2020, Edward Snowden veut à son tour d'aider ses bienfaiteurs. Sur France 24, il lance un appel aux autorités canadiennes : "S'il vous plaît, protégez ces familles, accueillez-les au Canada. Ces personnes font partie des meilleurs d'entre nous sur cette planète et ils ont besoin de votre aide".

Le réalisateur Oliver Stone a également écrit une lettre au Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Sur France 24, il explique : "Les 'réfugiés Snowden' restés à Hong Kong vivent deux cauchemars. Le premier est celui d'être renvoyé vers le Sri Lanka, où ils feront face à la torture et à la mort. Et le second se déroule actuellement à Hong Kong, où le gouvernement les persécute. Monsieur Trudeau continue à retarder l'accueil de ses familles au Canada, dont celui de deux enfants apatrides, qui ont le même âge que les enfants de Trudeau et devraient être ramenés en sûreté et réunis avec leur sœur Keana à Montréal".

Les réfugiés restés à Hong Kong survivent grâce aux dons reçus via l’association For the Refugees qui leur permettent de se nourrir et de payer leur loyer. L'ONG parraine aussi, de manière privée, la demande d’asile des réfugiés au Canada, ce qui signifie que l’association prend en charge tous les besoins de Vanessa Rodel et de sa fille depuis leur arrivée à Montréal.

Même s'ils estiment aujourd'hui payer cher le prix de l'aide apportée à celui qui est devenu la bête noire de Washington, les "anges gardiens de Snowden" affirment ne rien regretter.