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Génie politique, "psychopathe professionnel", Raspoutine moderne : Dominic Cummings, le conseiller politique de Boris Johnson, est l'un des personnages clefs pour comprendre la stratégie du nouveau Premier ministre britannique.

Une série, produite par la prestigieuse chaîne américaine HBO, lui est consacrée. Son nom finit toujours par être prononcé dans les débats sur le Brexit au Royaume-Uni. C'est la star méconnue du nouveau gouvernement de Boris Johnson. Dominic Cummings, conseiller spécial du tonitruant Premier ministre britannique, serait même le maître à penser de l’assaut mené depuis fin août par le 10 Downing Street contre le parlement britannique pour faire aboutir le Brexit le 31 octobre, coûte que coûte.

Du moins c’est ce que suggèrent des médias comme The Guardian ou la BBC. La décision de Boris Johnson d’imposer cinq semaines de “vacances” forcées aux parlementaires pour couper l’herbe sous le pied de l’opposition, ou encore celle de les menacer d’une élection anticipée, en tout cas, cadre bien avec le style de Dominic Cummings.

Attila politique

Ce stratège politique de 47 ans, qui adore citer Bismarck et se dit fasciné par l’univers de l’écrivain russe LéonTolstoï, s’est bâti une solide réputation d’Attila politique qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins. Son principal fait d’armes remonte à 2016 : il est l’homme qui a fait triompher le “Leave” lors du référendum sur la sortie de l’Union européenne (UE).

En 2015, il accepte un poste dont personne ne veut : stratège en chef du camp pro-Brexit. “La campagne a commencé avec moi, un vélo et un iPhone, et c’est tout”, aime à rappeler Dominic Cummings. Il met alors son art des coups fourrés, et sa détermination à toute épreuve au service d’une cause qui semblait perdue d’avance. Il impose aussi d’intenses cadences à ses collaborateurs, les met sous pression constante et n’hésite pas à prendre des libertés avec les faits pour atteindre son objectif. C’est lui, par exemple, qui est à l’origine de l’idée de faire circuler dans tout le royaume un bus sur lequel est inscrit que Londres verse 350 millions de livres par semaine à l’UE, une exagération qui frôle le mensonge pur et simple.

C’est à cette époque-là que la trajectoire de Dominic Cummings croise aussi celle de son futur patron : Boris Johnson. L’ex-maire de Londres, devenu champion du Brexit, va “s’approprier tous les slogans mis au point” par le cerveau du camp du “Leave”, notait en 2016 le quotidien britannique Financial Times.

“Psychopathe professionnel”

Mais Dominic Cummings n’avait pas été recruté par les pro-Brexit par hasard. Il avait déjà fait ses preuves de stratège hors pair en menant la campagne contre l’entrée du Royaume-Uni dans la zone euro au début des années 2000 et s’était ensuite occupé de définir la stratégie politique du Parti conservateur.

Il a surtout été le conseiller de Michael Gove entre 2010 et 2014, lorsque cet autre futur poids lourd du camp pro-Brexit était ministre de l’Éducation. Les méthodes brutales utilisées par Dominic Cummings pour tenter de réformer en profondeur le système scolaire britannique lui ont valu des nombreuses inimitiés, aussi bien dans l’éducation qu’au gouvernement. Le Premier ministre de l’époque David Cameron l’a même qualifié de “psychopathe professionnel”.

Il faut dire que Dominic Cummings ne s’est jamais privé d’insulter ou de rabaisser les responsables politiques britanniques. En 2014, il a comparé David Cameron à un “sphinx sans énigme”, et estimé que le vice-Premier ministre de l’époque, Nick Clegg, était un “personnage révoltant” uniquement “obsédé par son image”. Il s’en est même pris à ceux qui auraient pu passer pour ses compagnons d’armes : il a ainsi traité les très pro-Brexit députés de l’European Research Group, d’“idiots utiles”.

Ce franc-parler lui a valu d’être mis sur la touche pendant plusieurs années. Ce qui n’a pas empêché Dominic Cummings de continuer à abreuver le microcosme politique britannique de ses jugements péremptoires à travers son blog. Une tribune qui lui permet aussi de disserter, souvent très en longueur, sur des sujets aussi variés que les mathématiques, la conquête spatiale ou encore la culture de la Silicon Valley. 

Raspoutine ou Mark Zuckerberg ?

Mais ses alliés politiques lui pardonnent son style brutal tant qu’il gagne. Et sa prouesse lors du référendum du Brexit a valu à Dominic Cummings de rentrer dans la cour des très grands stratèges et autres conseillers de l’ombre. Il a été comparé, tour à tour, à un Raspoutine moderne, à Alastair Campbell - l’éminence grise de Tony Blair - ou encore à Steve Bannon, l’un des principaux artisans de la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de 2016. Le Washington Post lui trouve même des airs de Mark Zuckerberg pour sa propension à “aller vite, sans avoir peur de casser des choses” (“move fast, break things” est l’un des principaux slogans du fondateur de Facebook).

Ce n’est donc pas étonnant que Boris Johnson ait décidé, en juillet, d’en faire son principal conseiller politique. Il est tout aussi peu étonnant qu’après un mois, Dominic Cummings ait déjà réussi à devenir la cible de certains de ses collègues au gouvernement qui l’accusent d’avoir instauré “un règne de terreur” au gouvernement, raconte The Guardian. Il a notamment renvoyé la principale collaboratrice d’un autre ministre… sans en informer le ministre en question.

Mais surtout, sa nomination prouve que Boris Johnson est prêt à l’affrontement avec le Parlement, ou avec Bruxelles. Car Dominic Cummings est “un stratège de temps de guerre”, souligne dans le Financial Times, John McTernan, ancien conseiller politique de Tony Blair. Un homme qui excelle lorsqu’il y a un défi qui semble impossible à relever. Et le Brexit rentre clairement dans cette catégorie.