
Alors que l'Amazonie brûle depuis près de trois semaines, un institut brésilien révèle mercredi que les feux de forêt en Amazonie ont augmenté de 83 % depuis début 2019. La politique environnementale du président Jair Bolsonaro est pointée du doigt.
Le "poumon de la Terre" fume. La forêt amazonienne brûle sans discontinuer depuis le mois de juillet. Selon des données publiées par l'Institut national de recherche spatiale (INPE) – un organisme brésilien qui observe notamment l'évolution de la forêt au Brésil –, les feux ont augmenté de 83 % depuis le début 2019. Une hausse dramatique attribuée à la sécheresse mais aussi à l'augmentation de la déforestation, impulsée notamment par la prise de pouvoir du président d'extrême droite Jair Bolsonaro.
Entre janvier et août, 72 843 départs de feu ont été enregistrés dans le pays, contre 39 759 sur la totalité de l'année 2018. Cette augmentation fait suite à deux années consécutives de baisse et il s'agit d'un plus haut depuis 2013, selon l'INPE, qui utilise des données par satellite actualisées en temps réel.
Ciel obscurci à Sao Paulo
Lundi 19 août, les incendies ont même provoqué une éclipse en pleine journée à Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil. Durant plus d'une heure, le ciel a été obscurci par la fumée de l'incendie qui sévissait dans les États d'Amazonas et de Rondonia, situés à plus de 2 700 kilomètres de là.
????Just a little alert to the world: the sky randomly turned dark today in São Paulo, and meteorologists believe it’s smoke from the fires burning *thousands* of kilometers away, in Rondônia or Paraguay. Imagine how much has to be burning to create that much smoke(!). SOS???? pic.twitter.com/P1DrCzQO6x
Shannon Sims (@shannongsims) August 20, 2019Les dégagements de fumée étaient tellement impressionnants qu'ils étaient visibles depuis l'espace, a révélé une agence américaine.
The smoke can be seen from space https://t.co/SptcF2C29s pic.twitter.com/7I69fVjmI0
Robert Maguire (@RobertMaguire_) August 20, 2019Les incendies ont été les plus nombreux dans les États occupés en totalité ou partiellement par la forêt amazonienne. Mais ils ne se limitent pas à ceux-ci : ils touchent à toute la région de la Triple frontière entre la Bolivie, le Paraguay et le Brésil. L'État brésilien le plus touché est le Mato Grosso (centre-ouest), avec 13 682 départs de feu, soit une hausse de 87 % par rapport à toute l'année 2018. L'État d'Amazonas a quant à lui déclaré l'état d'urgence.
Entre le 1er janvier et le 18 août 2019, 71497 incendies se sont déclarés en Amazonie #PrayforAmazonia #PrayforAmazonas pic.twitter.com/ux158dAUMq
BLONDEAU Maxim (@BlondeauMaxim) August 21, 2019La déforestation mise en cause
Les feux en Amazonie sont notamment provoqués par les défrichements par brûlis utilisés pour transformer des aires forestières en zones de culture et d'élevage ou pour nettoyer des zones déjà déforestées, généralement pendant la saison sèche qui s'achève dans deux mois.
Selon l'INPE, la déforestation en juillet a été quasiment quatre fois supérieure au même mois de 2018. Des chiffres que le président d'extrême droite, Jair Bolsonaro, féroce critique des politiques de protection de l'environnement, s'est empressé de démentir. Dans la foulée, il avait limogé Ricardo Galvao, président de l'INPE, l'accusant de mentir et de nuire à l'image du Brésil.
"Les scientifiques ne peuvent pas rester silencieux ! Nous devons nous manifester avec force. Nous ne pouvons pas baisser la garde !", a averti Ricardo Galvao, peu après son limogeage, lors d'une réunion à l'Université de Sao Paulo (USP) au cours de laquelle il a été ovationné par des centaines d'étudiants et de collègues. "Les autorités sont toujours indisposées lorsque les données disent des choses qu'elles n'ont pas envie d'entendre."
"Ce à quoi nous assistons est la conséquence de l'augmentation de la déforestation révélée par les chiffres récents", analyse Ricardo Mello, du programme Amazonie du Fonds mondial pour la nature Brésil.
Bolsonaro sous le feu des critiques
Alors que le feu continue de ravager la forêt amazonienne, de nombreux internautes ont exprimé leur soutien et leur indignation via les réseaux sociaux en s'organisant avec le hashtag #PrayforAmazonas. Si certains s'indignaient du peu d'écho médiatique de l'incendie de ce joyau de la biodiversité en comparaison avec celui de Notre-Dame-de-Paris, beaucoup de messages faisaient le lien entre les incendies et les politiques en matière d'environnement de Jair Bolsonaro et ses ministres. Certains allant jusqu'à blâmer ces derniers pour leur inaction.
"Une partie des Brésiliens qui ont pleuré l'incendie de Notre-Dame pas émue de voir la maison prendre feu", allusion aux incendies volontaires en Amazonie et ailleurs, en forte hausse depuis l'arrivée de Bolsonaro. Ici, dans l'Etat amazonien du Rondônia. https://t.co/WLQmg784EX
Chantal Rayes (@RayesChantal) August 20, 2019This is the Brazilian environmental policy under president Bolsonaro. He doesn't care about life. The Amazon Rainforest's burning for about 3 weeks and nothing's been done. @BadAstronomer @azmoderate #PrayforAmazonia #PrayforRondonia pic.twitter.com/haIrQzFdk9
olhaoalho (@olhaoalho) August 20, 2019Interrogé mardi par l'AFP sur cette forte hausse des incendies, le ministre de l'Environnement, Ricardo Salles, a indiqué que "le gouvernement avait mobilisé tous les effectifs des secouristes et tous les avions" de lutte contre les incendies, "qui sont désormais à pied d'œuvre avec les gouvernements régionaux".
Mercredi 21 août, le président brésilien a donné dans la surenchère en suggérant que les associations pourraient être à l'origine des incendies dans la région amazonienne afin "d'attirer l'attention" sur le gouvernement du Brésil, relate le média brésilien Globo.
Depuis l'investiture de Jair Bolsonaro comme président du Brésil, ses différentes politiques ont indiqué une claire préférence pour l'exploitation au lieu de la préservation de l'Amazonie. Alors que les précédents gouvernements avaient réussi à ralentir la déforestation grâce à des contrôles et des amendes, son gouvernement détricote peu à peu les anciennes avancées.
"Pour Jair Bolsonaro, la richesse du Brésil repose sur la culture industrielle", résumait Marie-Pierre Ledru, interrogée début août par France 24 sur la politique amazonienne du président brésilien. "Sa volonté est de transformer l’Amazonie en immense culture de soja. Les lobbies de l’agrobusiness brésilien sont actifs depuis longtemps et commencent à prospecter le nord de l’Amazonie, avec pour objectif de cultiver au nord quand l’hiver sévit au sud… Le président brésilien soutient ces démarches."
Des sanctions internationales pour le Brésil
Au niveau international, les politiques environnementales néfastes commencent à faire réagir. La Norvège, l'un des principaux bailleurs de fonds pour la protection de la forêt amazonienne, a annoncé le 15 août le blocage de 30 millions d'euros de subventions destinées au Brésil, accusé de ne plus vouloir agir dans ce domaine. Quelques jours plus tôt, l'Allemagne avait fait de même en suspendant un versement de 35 millions d'euros, jusqu'à ce que les chiffres de la déforestation redeviennent encourageants.
Des sanctions qui ont conduit les gouverneurs des États amazoniens à élever la voix contre le président brésilien et demander à ce que les subventions soient désormais négociées, gérées et versées directement aux États concernés et non plus gérés par la banque étatique de développement BNDES.
Nous "regrettons que les positions du gouvernement brésilien aient provoqué la suspension des subventions" au Fonds, dit le texte des gouverneurs, publié alors que les polémiques s'accumulent autour des projets de Brasilia de développement de l'activité économique, et en particulier minière, dans des réserves indigènes et autres zones protégées.
"Nous sommes totalement opposés à toute pratique illégale d'activités économiques dans la région", poursuivent les gouverneurs, qui précisent avoir dit au gouvernement et aux ambassades des pays concernés qu'ils "parleraient directement avec les pays qui financent le Fonds".
En juillet, ce sont plus de 1 340 km² de forêt amazonienne qui ont été détruits, quasiment l’équivalent de la surface du Luxembourg. Cela équivaut à la disparition de trois terrains de football par minute pendant ce même mois.