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L'adieu de l’Islande à l'Okjökull, premier glacier disparu à cause du réchauffement climatique

Le glacier islandais Okjökull, déclaré mort en 2014 après 700 ans d'existence, a depuis dimanche un mémorial à son nom dans l'ouest de l'île. Il s'agit du premier glacier à disparaître en raison du réchauffement climatique.

En   2014, le glacier islandais Okjökull a été officiellement déclaré mort après 700   ans d’existence, le réchauffement climatique ayant entraîné sa disparition. Une première. Dimanche   18   août, une plaque commémorative a été inaugurée en son honneur lors d'une cérémonie officielle en présence de la Première ministre islandaise, Katrín Jakobsdóttir, et du ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles, Guðmundur Ingi Guðbrandsson.

À l’origine de cette initiative, une équipe de professeurs de l’Université Rice à Houston, aux États-Unis. "Cette idée est née d’un projet mené par ma collègue Cymene Howe, qui consistait à analyser la réaction des Islandais face à la perte progressive de leurs glaciers", explique à France   24 Dominic Boyer, directeur du Centre pour l’énergie et la recherche environnementale dans les sciences humaines de l’Université Rice, impliqué dans le projet. "Durant ces recherches, nous sommes tombés sur le cas peu médiatisé d’Ok   [le nom du volcan au sommet duquel se trouvait le glacier, NDLR], et nous avons commencé à réaliser un documentaire à son sujet. C’est pendant la création du film "Not   Ok"   [sorti en août   2018, NDLR] que nous avons choisi de lui offrir la toute première plaque commémorative de l’Histoire."

Sur la plaque en question, on peut lire en islandais et en anglais le message suivant   : "Ok est le premier glacier islandais à perdre son statut de glacier. Dans les 200   prochaines années, tous nos glaciers devraient suivre le même chemin. Ce monument est la preuve que nous savons ce qui est en train d’arriver, et ce qui doit être fait. Vous seuls savez si cela a été réalisé."

"Nos enfants pourrons nous juger pour ce que l’on a fait"

Un message court mais sans équivoque, qui "signifie que le temps du débat autour du réchauffement climatique est terminé, et que nous ne pouvons plus prétendre à un retard supplémentaire", ajoute Dominic Boyer. En étant datée et signée, la plaque "met en quelque sorte un terme à la responsabilité intergénérationnelle. Nos enfants et petits-enfants pourront nous juger pour ce que l’on a fait, ou plutôt ce que l’on n’a pas fait." En bas de la plaque, une dernière inscription   : 415   ppm   CO 2 . Soit le niveau record de concentration de dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère en mai   2019.

Dans une longue tribune publiée dans The Guardian, l’écrivain islandais Andi Snær Magnason détaille le processus d’écriture de la plaque. "Comment rédiger la nécrologie d’un symbole d’éternité   ? Comment lui dire adieu   ?", s’interroge-t-il. Celui dont les grands-parents ont dédié leurs vies à la cartographie des glaciers a été mandaté par l’Université Rice pour être l’auteur de ces derniers mots. "Nous devons nous rappeler que ceci n’est pas normal, que ce n’est pas   'OK' d’écrire le mémorial d’un glacier qui s’appelle 'Ok'."

Présent lors de la cérémonie de commémoration, Andi Snær Magnason raconte à France 24 : "J'ai marché avec mes parents et mes enfants, en silence, jusqu'à l'endroit où le glacier se trouvait auparavant. Les enfants ont posé la plaque, nous avons dit quelques mots et chanté une chanson. La vue donnait sur les prochains glaciers qui risquent de s'éteindre sous peu. C'était une journée très émouvante". Si l'écrivain affirme que "la mort d'Ok est devenue un symbole pour les Islandais", il espère qu'elle sera également "un marqueur fort du réchauffement climatique".

Une couche de glace trop fine pour survivre

Mais à partir de quel moment estime-t-on qu'un glacier n'en est plus un ? Oddur Sigurdsson, le glaciologue islandais qui a déclaré mort Okjökull en   2014, explique à la BBC   : "Quand suffisamment de glace s’accumule, la pression force la masse totale à être en mouvement. Il faut que la couche soit épaisse de   40 à 50   centimètres pour que ce point de pression soit atteint." Dans le cas d’Ok, "la glace ne bougeait plus, elle était trop fine pour rester 'en vie'. C’est ce que l’on appelle de la glace morte."

"Même si Ok n’est pas le glacier le plus grand ou le plus célèbre, il représente un avertissement très sérieux au sujet de ce qui est à venir", précise Dominic Boyer. "En plus d’être un désastre écologique, c’est une énorme perte en matière d’héritage culturel pour le pays." Et le glacier islandais est loin d’être un cas isolé   : selon une étude publiée en avril dernier par l’Union internationale pour la conservation de la nature, la moitié des sites du patrimoine mondial pourraient être dépourvus de leurs glaciers d’ici   2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas d’ici là.