Deux employés sri-lankais de l'ONU sont détenus par les autorités, en dépit de leur immunité diplomatique. Accusés d'avoir des liens avec les Tigres tamouls, ils ont été torturés pendant 10 jours. L'ONU reste étrangement silencieuse...
Selon Philippe Bolopion, notre correspondant aux Nations unies, deux employés sri-lankais de l’ONU croupissent depuis le mois de juin dans un commissariat de Colombo, sans que l’organisation internationale ne semble se préoccuper plus que ça de leur sort. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, n’a jamais publiquement exigé leur libération. Le gouvernement sri-lankais, lui, accuse les deux hommes d’avoir des liens avec la rébellion des Tigres tamouls, mais sans engager de poursuites ni fournir de preuve à leur encontre.
"Ce qui est intéressant, c’est que le gouvernement n’a jamais présenté de dossier devant la justice contre ces hommes. Ils n’ont été inculpés d’absolument rien. Ils devraient normalement bénéficier d’une immunité diplomatique, parce qu’ils travaillent pour l’ONU au Sri Lanka. Le régime sri-lankais montre le dédain le plus absolu pour les règles élémentaires du droit international", commente Philippe Bolopion.
L’affaire commence le 11 juin. Charles Raveendran Navaratam, un employé tamoul de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) à Vavunya, au nord du pays, est kidnappé devant son domicile. Menacé de mort, il est roué de coups et emmené au camp de Menik Farm où sont détenus près de 30 000 refugiés tamouls. Ses kidnappeurs, qui visiblement connaissent tous les soldats et policiers du camp, lui demandent d’identifier des membres des Tigres tamouls, le mouvement séparatiste défait quelques mois plut tôt.
Torturés pendant 10 jours
Le lendemain, un nouveau prisonnier rejoint Charles Raveendran Navaratam dans son calvaire. Kanthasamy Sountharajan, un chauffeur de l’Unops, une agence technique de l’ONU, est amené au camp dans une jeep appartenant à l’armée.
Les deux hommes sont transférés au commissariat Borella de Colombo. Le 23 juin, ils ont enfin le droit de recevoir des visites. Ecchymoses, plaies ouvertes… Les deux employés de l’ONU sont dans un sale état. "Pendant 10 jours, ils ont été passés à tabac sans merci. Frappés avec des bâtons, des barres en fer, sur le visage, sur les jambes. Ils ont cru un moment qu’ils allaient être exécutés. Quand des employés de l’ONU et des responsables du CICR ont pu leur rendre visite, ils ont découvert deux hommes diminués, complètement traumatisés, avec des blessures visibles sur tout le corps, le visage, les mains, les poignets, les jambes", explique Philippe Bolopion.
L’ONU, semble-t-il, a décidé de jouer profil bas. L’organisation paie les frais d’avocats de ses employés mais n’ébruite pas les allégations de torture. "Il y a beaucoup de personnels locaux au Sri Lanka qui sont extrêmement amers vis-à-vis de la façon dont l’ONU a traité ce dossier. Ils pensent que si ces deux hommes avaient été Occidentaux, et non locaux, l’ONU aurait réagi de manière beaucoup plus vigoureuse et beaucoup plus rapide", analyse Philippe Bolopion.