La signature d’une déclaration constitutionnelle entre les généraux soudanais et les leaders de la contestation, dimanche, a ouvert la voie à la création d’un Conseil souverain dominé par des civils. Une transition politique encore très fragile.
Le compte à rebours pour une hypothétique transition politique au Soudan a commencé, dimanche 4 août à Khartoum, avec la signature par les généraux au pouvoir d’une déclaration constitutionnelle entérinant la création d’un "Conseil souverain" où les civils seront majoritaires.
L’annonce de cet accord a été accueillie par des concerts de klaxons et des manifestations spontanées de joie à Khatourm-Omdourman, selon l’ AFP. Il apparaît comme l’aboutissement de plusieurs mois de contestation sociale, marquée notamment par la destitution du président Omar el-Béchir par l’armée le 11 avril.
"Il y a une certaine satisfaction dans la population après être parvenu à la signature d’un accord et donc une base pour continuer à avancer. Mais personne n’est dupe sur un certain nombre d’écueils", tempère Anne-Laure Mahé, spécialiste de l’Afrique de l’Est à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem).
Obtenir que les généraux cèdent la place aux civils
La clef de voûte de la transition politique doit être le Conseil souverain. Celui-ci sera composé de onze membres : cinq militaires nommés par la junte au pouvoir, cinq civils nommés par les mouvements de contestation, et un sixième civil sur lequel l’armée et l’opposition doivent tomber d’accord.
"Les membres du Conseil souverain seront désignés le 18 août, le Premier ministre le 20 août et les membres du gouvernement le 28 août", a déclaré à l'agence AFP l’un des meneurs de la contestation, Monzer Abou al-Maali, en marge de la cérémonie de signature.
"Ce seront davantage les militaires qui dirigeront pendant les 21 premiers mois car la priorité sera la question de la paix avec les groupes armés rebelles actifs au Darfour, dans le Kordofan ou dans les zones frontalières. Le risque est que les militaires essaient ensuite de s’arranger pour conserver le pouvoir durablement", souligne Anne-Laure Mahé de l'Irsem.
Une transition très fragile
Le Conseil souverain aura notamment le pouvoir de confirmer le Premier ministre désigné par le Parlement, selon Ibtissam al-Sanhouri, une des négociatrices des protestataires . Avec 201 sièges sur les 300 du Parlement, la contestation sera en mesure de contrôler le pouvoir législatif.
En théorie, cet attelage constitutionnel devrait donc permettre aux civils de prendre en douceur les rênes de l’appareil d’État. Reste à voir si les généraux vont jouer le jeu sur la durée de la transition – 3 ans - et se laisser pousser vers la sortie.
"Même s’il y a des garanties constitutionnelles sur le papier, les militaires peuvent toujours les outrepasser", note la chercheuse Anne-Laure Mahé.
"La transition va surtout dépendre des personnalités qu’on va trouver aux différents postes, à la vigilance et aux sanctions prises contre d’éventuels manquements à l’accord de transition (…) La principale garantie reste la pression de la rue pour appuyer les civils. On a vu ces derniers mois que cette mobilisation est un outil efficace pour faire pression sur le pouvoir", ajoute la spécialiste du Soudan.
Un appareil sécuritaire fracturé
Le succès de la transition politique se joue également dans les corridors d’un appareil sécuritaire réputé pour son opacité. Plusieurs purges ont eu lieu au sein des forces armées, selon la chercheuse, sans que l’on puisse déterminer clairement leur impact sur le processus en cours.
L’accord de transition implique notamment que les paramilitaires qui contrôlent Khartoum, les Forces de soutien rapide (RSF) du général Hemetti, passent réellement sous le contrôle du Conseil souverain et de l’armée régulière. Une mesure d’autant plus compliquée que ces troupes sont essentiellement composées de mercenaires, dont la loyauté, y compris envers la personne d’Hemetti, n’est pas garantie.
Ce dernier a quant à lui officiellement salué la signature de la déclaration constitutionnelle en parlant d’une nouvelle page dans l’histoire du Soudan.
"On voit effectivement que des figures historiques du pays ont été marginalisées. Ce sont elles les principales perdantes de la transition en cours", explique Anne-Laure Mahé, en évoquant notamment le leader déchu Omar el-Béchir, dont le procès pour corruption doit s’ouvrir la veille de la nomination du Conseil souverain.
"Mais quand on voit qu’un soutien du régime précédent comme Hemetti est aujourd’hui au pouvoir, on constate que beaucoup reste à faire".