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"The Squad" : les quatre parlementaires américaines qui tiennent tête à Donald Trump

En attaquant sur leurs origines quatre élues démocrates, le président américain Donald Trump a mis un peu plus en lumière ces quatre figures montantes de la gauche américaine, réunies au sein d'une alliance politique inédite, "The Squad".

Un tweet a mis le feu aux poudres. Le 14 juillet, le président Donald Trump prenait pour cibles les femmes membres du congrès dites "progressistes", les accusant de vouloir donner des leçons de gouvernance alors qu’elles "viennent des pays les plus mal gérés au monde" où elles "feraient mieux de retourner".

Sans jamais les nommer, le président américain visait explicitement quatre femmes, issues de minorités ethniques et victorieuses lors des élections de mi-mandat en 2018 : Alexandria Ocasio-Cortez, d’origine portoricaine ; Ayanna Pressley, élue noire de Boston ; Rashida Tlaib et Ilhan Omar, deux élues musulmanes du Michigan et du Minnesota, d’origines palestinienne et somalienne. Toutes américaines : les trois premières sont nées aux États-Unis ; la quatrième y vit depuis l'âge de 10 ans.

Reprise en chœur par les partisans du président lors d’un meeting en Caroline du Nord, la petite phrase raciste devenue slogan – "send her back" – a suscité une vague d’indignation à travers le monde et mis un peu plus en lumière ces quatre femmes démocrates incarnant l’aile la plus à gauche du parti.

"The Squad", une alliance politique inédite

Élues le 6 novembre 2018, les quatre femmes ont pour point commun d’incarner la nouveauté au sein du Congrès américain. Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, est la plus jeune femme a y avoir été élue. Ayanna Pressley est la première représentante noire du Massachusetts tandis que Rashida Tlaib et Ilhan Omar sont les deux premières femmes musulmanes à décrocher des sièges de députées.

Peu après les élections de mi-mandat, les quatre femmes aux profils atypiques ont officialisé une alliance informelle, jouant le jeu des médias américains en posant ensemble pour des photos et en postant les clichés sous le surnom de "The Squad". Pour répondre aux tweets assassins de Donald Trump, les quatre femmes ont ensuite tenu une conférence de presse commune, le 15 juillet 2019, dénonçant des propos "dégoûtants" et "dangereux".

Pour Anne Kraatz, historienne et membre des Democrats Abroad, c’est avant tout leurs profils qui rendent leur alliance unique : "Le fait que des politiciens se rassemblent au sein de partis sur des idées pour incarner un courant est quelque chose d’assez fréquent aux États-Unis mais ce sont généralement des hommes. Ici, il s’agit non seulement de femmes mais elles incarnent en plus la diversité à leur manière."

L’aile la plus à gauche du Parti démocrate, sous toutes ses formes

Toutes issues de l’immigration, les quatre femmes se situent également à la gauche du Parti démocrate. Alexandria Ocasio-Cortez s’est prononcée en faveur de l’augmentation des impôts pour les plus riches, de l’université gratuite ou bien encore d'un pacte législatif écologique visant à réformer en profondeur l’économie américaine afin de lutter contre le réchauffement climatique. Ayanna Pressley a pour cheval de bataille la lutte contre les violences sexuelles et la défense des femmes qui en sont victimes. Ilhan Omar et Rashida Tlaib portent quant à elles un regard très critique sur le soutien américain au gouvernement israélien et les interventions militaires américaines à l’étranger. "Il y a des divergences d’opinions parmi elles, note Anne Kraatz. Alexandria Ocasio-Cortez est plus axée sur les questions sociales que sur la politique étrangère américaine, qui intéresse davantage Ilhan Omar et Rashida Tlaib. Mais ce qui les rassemble, c’est leur franc-parler. Elles défendent des positions radicales mais pas extrêmes, contrairement à ce que Trump voudrait faire croire."

Quelle place parmi les démocrates ?

Outre le retour des démocrates à la tête de la Chambre des représentants, le scrutin de novembre 2018 avait été marqué par l’arrivée d’un nombre record de femmes et de représentants de minorités ethniques. Fer de lance de ces nouveaux visages de la politique, Alexandria Ocasio-Cortez a rapidement imposé son style. Très active sur les réseaux sociaux (la jeune femme est suivie par 4,8 millions de personnes sur Twitter), elle séduit par son éloquence, au point de faire la une du magazine Time, qui n'hésite pas à comparer sa maîtrise de la rhétorique à celle de Barack Obama.

Comme Alexandria Ocasio-Cortez, Ayanna Pressley a connu une ascension spectaculaire chez les démocrates. Les deux femmes ont gagné les primaires de leur parti contre des poids lourds, faisant mentir les sondages, avant de finalement remporter l’élection.

Quel impact peut avoir leur succès sur les prochaines élections ? Pour Annick Cizel, maître de conférences d'histoire et civilisation des États-Unis à l'université Sorbonne nouvelle - Paris 3, les quatre femmes politiques ont des positions trop différentes au sein du parti pour exercer une réelle influence collective : "Ocasio-Cortez présente un réel programme avec des revendications sociales très claires. Elle tente de repousser les lignes et de révolutionner le parti pour casser le bipartisme. Les autres sont beaucoup moins audibles." Anne Kraatz considère de son côté que l’émergence de ces nouveaux visages est avant tout liée à la campagne de Bernie Sanders en 2016 : "C’est lui qui a introduit des notions socialistes dans le débat politique national. Il a pris position de manière très tranchée sur l’économie mais aussi la politique étrangère et notamment la question israélienne. Pour autant, ce courant reste minoritaire à l’échelle nationale."