
Après l’annonce de la reprise du projet d’enrichissement iranien, les Européens veulent sauver l’accord. Le conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron, Emmanuel Bonne, s’est rendu à Téhéran pour tenter de contribuer à une "désescalade".
Mis en garde par Téhéran et désormais en première ligne alors qu'une réunion extraordinaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'est tenue mercredi 10 juillet à Vienne, les Européens doivent redoubler d'efforts pour sauver l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. C'est dans cette optique que le conseiller diplomatique du président français, Emmanuel Bonne, a rencontré le président iranien Hassan Rohani à Téhéran.
Menacé depuis que Washington l'a dénoncé unilatéralement en mai 2018, cet accord conclu à Vienne entre la République islamique et le groupe des Six (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) apparaît proche des soins intensifs après les dernières annonces iraniennes.
L'Iran avait annoncé, en début de semaine, produire de l'uranium enrichi à au moins 4,5 %, soit au-delà du maximum autorisé par l'accord (3,67 %) et a menacé de prendre de nouvelles mesures dans "60 jours" si ses demandes de contournement des sanctions américaines ne sont toujours pas satisfaites. À 4,5 %, le taux d'enrichissement est encore loin des 90 % qui permettraient d'envisager la production d'une bombe atomique.

"Toujours laisser la porte ouverte au dialogue"
Mais les dernières annonces de Téhéran suscitent l'inquiétude à l'étranger, même si l'Iran, qui a toujours démenti vouloir la bombe atomique, s'est engagé à ne jamais chercher à acquérir cette arme.
Dans ce climat tendu, Emmanuel Bonne, conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron, a été dépêché en Iran dès mardi. À Téhéran, il a remis un message écrit du président français à son homologue iranien, a indiqué le bureau de Hassan Rohani.
Lors de la rencontre, Hassan Rohani a déclaré que l'Iran avait "toujours laissé la porte ouverte à la diplomatie et au dialogue", que l'objectif restait "la mise en œuvre intégrale" de l'accord, a ajouté la présidence iranienne. De même source, le président iranien a ajouté que l'Iran attendait des autres parties qu'elles "appliquent totalement leurs engagements".
Avant de voir le président, Emmanuel Bonne avait rencontré le contre-amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et son adjoint Abbas Araghchi.
"Dépassements légers"
La mission de l'émissaire français est "d'essayer d'ouvrir l'espace de discussion pour éviter une escalade non contrôlée, voire même un accident", alors que l'exacerbation des tensions entre Téhéran et Washington fait craindre un embrasement dans la région du Golfe, a indiqué le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian. Celui-ci a qualifié de "dépassements légers" les manquements de l'Iran à ses engagements.
Dans un communiqué commun, Berlin, Londres, Paris et l'Union européenne ont relevé la volonté iranienne de "rester dans le cadre" de l'accord de Vienne. L'Iran "doit agir en conséquence en revenant sur ces activités et en se conformant de nouveau pleinement et sans délai" aux termes de l'accord, ajoute le texte.
"Échecs" contre "poker"
"Nous sommes dans une phase très critique", commente-t-on à la présidence française : "Les Iraniens prennent des mesures qui sont en violation (de l'accord) mais qui sont très calibrées et par ailleurs (le président américain) Donald Trump est un dealmaker" (négociateur). "Les Iraniens exagèrent, mais pas trop, et Trump met la pression maximale, mais il exerce cette politique jusqu'au moment où il peut dealer", ajoute-t-on de même source.
"C'est la position traditionnelle de la France de parler à la fois avec les Iraniens et avec le président Trump", a estimé le général Dominique Trinquand, ex-chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, interviewé sur le plateau de France 24.
"Les deux pays se sont mis dans des situations difficiles, mais ils ne jouent pas au même jeu : l’Iran joue aux échecs, Trump joue au poker. Il a déjà mis ses cartes sur la table en disant ‘je vais mettre une pression maximum mais je ne veux pas la guerre’, donc il a donné d’une certaine façon ses cartes aux Iraniens", poursuit l’expert.
"Réaction ferme"
Donald Trump répète qu'il veut forcer l'Iran à négocier un "meilleur accord", ce que Téhéran rejette.
En sortant de l'accord de Vienne, Washington a rétabli des sanctions punitives qui ont plongé l'Iran dans une violente récession et lui ont fait perdre un par un les acheteurs de son pétrole.
Pour pouvoir rester partie prenante de l'accord, l'Iran exige de ses partenaires, et en premier lieu des Européens, qu'ils prennent des mesures efficaces pour l'aider à contourner l'embargo américain.
Avec AFP