Le gouvernement a présenté, mardi, des règles durcies pour l'assurance chômage, afin de redresser les finances du régime et d'inciter davantage à la reprise d'emploi, provoquant la colère de l'ensemble des syndicats et des critiques du patronat.
La réforme était annoncée depuis longtemps, mais le détail des mesures n’était pas encore connu. Le gouvernement a présenté, mardi 18 juin, une vaste réforme de l'assurance chômage durcissant les règles d'indemnisation, renforçant l'accompagnement des chômeurs et frappant au portefeuille les entreprises abusant des contrats courts. Ces annonces ont immédiatement été brocardées par les syndicats qui ont fait part de leur "colère".
La réforme vise jusqu'à 250 000 chômeurs en moins et 3,4 milliards d'euros d'économies d'ici fin 2021, a expliqué le Premier ministre, Édouard Philippe, en présentant ces mesures à Matignon aux côtés de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
La réforme de l'#assurancechômage que j'ai présentée aujourd'hui avec @murielpenicaud s'inscrit dans une grande ambition que nous portons depuis deux ans : arriver progressivement au plein emploi. pic.twitter.com/oQZ7rbwDhY
Edouard Philippe (@EPhilippePM) June 18, 2019À partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois au lieu de quatre mois sur 28 pour accéder à l'assurance chômage et les conditions de "rechargement" des droits seront également durcies : il faudra avoir travaillé six mois au lieu d'un pendant sa période de chômage pour voir son indemnisation prolongée d'autant.
Quant aux demandeurs d'emploi qui avaient un revenu de travail supérieur à 4 500 euros brut par mois, ils verront leur indemnisation réduite de 30 % à partir du septième mois, une mesure qui ne s'appliquera pas aux plus de 57 ans.
Un système de bonus-malus sur les contrats courts sera mis en œuvre le 1er janvier 2020 dans sept secteurs de l'économie, dont l'hébergement et la restauration ou encore l'agroalimentaire mais pas dans le bâtiment et la santé, pourtant gros utilisateurs de CDD. Une taxe de 10 euros par CDD d'usage sera créée pour ce contrat spécifique.
Muriel Pénicaud a par ailleurs annoncé le recrutement de plus de 1 000 conseillers Pôle Emploi pour trois ans, afin de proposer de nouveaux services d'accompagnement à partir de janvier 2020, mettant fin à trois années de diminution d'effectifs. L'opérateur public était critiqué pour son insuffisance (délais trop longs pour obtenir un rendez-vous ou une entrée en formation, conseillers aux portefeuilles surchargés, etc).
Des mesures immédiatement fustigées par les syndicats
La réforme élargit en revanche les droits au chômage pour les démissionnaires et indépendants. Muriel Pénicaud a toutefois précisé que les mesures ne s'appliqueraient pas aux chômeurs actuels.
Ces mesures ont immédiatement été fustigées par les syndicats auxquels elles ont été présentées juste avant la conférence de presse du gouvernement, les partenaires sociaux ayant été tenus à l'écart des arbitrages.
Laurent Berger (CFDT) les a qualifiées à sa sortie de Matignon de "profondément injustes" et "extrêmement dures" pour les personnes précaires qui alternent des périodes d'emploi et de chômage. La réforme, par ailleurs, ne "responsabilise qu'en partie" les entreprises "qui usent et abusent de la précarité", selon lui. La CFDT est "profondément en colère", a-t-il dit.
Le gouvernement parle de justice sociale mais propose une réforme assurance chômage qui produit le contraire !
Une logique budgétaire et une ignorance des réalités vécues par les femmes et hommes victimes du chômage conduiront à des baisses drastiques de leurs droits. Injustice
Catherine Perret (CGT) a jugé la réforme à la fois "inique" et "inefficace". "Il y a un chômeur sur deux qui est indemnisé. Avec la réforme du gouvernement, c'est un sur trois", a-t-elle calculé, promettant : "les mobilisations vont se poursuivre".
Dans un communiqué, Yves Veyrier (FO) "conteste l'ensemble de ces mesures et le raisonnement consistant à faire le procès des salariés précaires qui seraient responsables de leur situation". De son côté, François Hommeril (CFE-CGC) s'est élevé contre la dégressivité au bout de six mois pour les salaires supérieurs à 4 500 euros, parlant d'un "jour funeste".
Première fois depuis 1982 que l'État redéfinit seul les règles d'indemnisation
Des critiques relayées par les députés PS, PCF et LFI, qui ont dénoncé un "mauvais coup" et une réforme de "petit comptable" qui "rabougrit" le droit à l'indemnisation.
Côté patronal, c'est le bonus-malus sur les contrats courts qui, depuis le début, fait grincer des dents. Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) a regretté une mesure "inefficace qui découragera l'emploi" et traduit "une vision punitive" de l'économie. Pour François Asselin (CPME), "un employeur va réfléchir à deux fois" avant d'embaucher.
Après l'échec des négociations entre patronat et syndicats cet hiver, c'est la première fois depuis 1982 que l'État redéfinit seul les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Les derniers changements étaient entrés en vigueur à l'automne 2017.
Outre le retour à l'emploi, le gouvernement cherche à désendetter l'Unédic, plombé par 35 milliards d'euros de dette. Et Édouard Philippe a réaffirmé mardi un objectif de taux de chômage "de l'ordre de 7 % en 2022".
"Notre objectif est de publier le décret qui reprend ces mesures d'ici la fin de l'été, et le plus rapidement possible d'ici la fin de l'été", a-t-il précisé, "peut-être fin août ou début septembre".
Avec AFP