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Plus de huit millions d'électeurs guatémaltèques étaient appelés à se rendre aux urnes, dimanche 16 juin, pour les élections présidentielle, municipales et parlementaires, alors que le pays est miné par la corruption, la pauvreté et la violence.

Plus de huit millions d'électeurs étaient appelés à voter, dimanche 16 juin, au Guatemala pour les élections présidentielle, municipales et parlementaires, après une rude campagne, marquée par l'exclusion de la compétition d'une figure de la lutte anti-corruption et des menaces de mort.

Au total, 19 candidats sont en lice pour succéder au président Jimmy Morales. Mais aucun d'entre eux ne devrait passer dimanche la barre des 50 % des voix et les deux candidats arrivés en tête s'affronteront lors d'un second tour le 11 août.

Les Guatémaltèques ont voté cette fois encore avec l'espoir, jusqu'ici déçu, de trouver la solution aux maux du pays : la corruption, la pauvreté, la violence, et l'exode de milliers d'habitants en quête du "rêve américain".

Alors qu'elle figurait parmi les favoris, Thelma Aldana, une ancienne juge anti-corruption et ex-procureure générale, a été évincée début avril par la justice après des plaintes d'adversaires politiques sur de présumés détournements alors qu'elle était à la tête du parquet guatémaltèque, de 2014 à 2018. Menacée de mort, l'ancienne magistrate s'est d'abord réfugiée au Salvador voisin, avant de fuir aux États-Unis.

Pour l'Alliance pour les réformes, qui réunit une quarantaine d'organisations de la société civile, l'exclusion de Thelma Aldana a été décidée "manifestement en représailles des enquêtes pour corruption qu'elle a menées contre le président (sortant Jimmy Morales), sa famille et des membres de son parti politique".

"État pourri"

Autre symptôme du climat de violence politique délétère qui a prévalu tout au long de la campagne, le procureur du tribunal électoral Oscar Schaad a lui aussi quitté le pays "afin d'assurer [sa] sécurité et celle de [sa] famille en raison de menaces précises", quatre jours à peine avant le scrutin.

Élu sur la promesse de mettre un terme aux scandales de corruption qui avaient mis en 2015 un terme prématuré au mandat de son prédécesseur Otto Perez, Jimmy Morales avait promis durant sa campagne de reconduire jusqu'en 2021 la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig). Mais, serré lui-même d'un peu trop près à son goût par les enquêtes de cette mission anti-corruption onusienne unique au monde, l’ancien comédien s'est ravisé.

Seuls quelques candidats, parmi ceux qui n'ont que peu chances de remporter l'élection, se sont déclarés favorables au maintien de la mission de l'ONU. Parmi eux, la candidate indigène maya-mam Thelma Cabrera. Donnée par les sondages parmi les cinq premiers du scrutin de dimanche, elle milite en faveur d'une réforme de la Constitution pour en finir avec un "État pourri".

Freiner l'émigration

Les derniers sondages plaçaient en tête la socio-démocrate Sandra Torres, ex-épouse de l'ancien chef de l'État Alvaro Colom (2008-2012), dont elle a divorcé en 2011 afin de pouvoir postuler à l'élection présidentielle.

Elle était talonnée dans les enquêtes d'opinion par Alejandro Giammattei (droite), dont c'est la quatrième candidature, ainsi que, pour certains sondages, par Roberto Arzu, fils de l'ancien président Alvaro Arzu (1996-2000), aujourd'hui décédé.

Dans un contexte de corruption endémique, 59 % des 17,7 millions de Guatémaltèques vivent dans la pauvreté en dépit d'une économie florissante avec un PIB en progression de 3,1 % en 2018.

Sandra Torres parie sur la création d'emplois en favorisant les investissements privés et publics, ainsi que sur le développement de l'agriculture et du tourisme pour contenir l'émigration massive vers les États-Unis.

Pour le candidat de droite Alejandro Giammattei, "l'unique manière de sortir de la pauvreté, c'est par le travail", aussi préconise-t-il de créer "les conditions adéquates pour une augmentation des investissements et de la production", afin de mettre également un frein à l'émigration.

Celle-ci est l'un des principaux moteurs économiques du pays, qui bénéficie des envois d'argent de ses quelque 1,5 million d'émigrés aux États-Unis, atteignant l'année dernière le chiffre record de 9,3 milliards de dollars.

Fuyant la pauvreté et la violence des gangs criminels, des milliers de Guatémaltèques se lancent chaque année, via le Mexique, sur les routes vers le grand voisin du Nord, où seuls 300 000 à 400 000 de leur compatriotes sont cependant parvenus à obtenir un statut légal.

Originaires bien souvent de misérables villages indigènes de l'ouest du pays, ils sont nombreux à être refoulés par le Mexique et les États-Unis, comme 94 482 d'entre eux en 2018, selon l'administration guatémaltèque. La conclusion récente d'un accord entre Washington et Mexico sur l'immigration clandestine devrait encore faire augmenter ces chiffres.

Avec AFP