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En visite à Buenos Aires, le président brésilien Jair Bolsonaro a défendu avec son homologue argentin Mauricio Macri la création d’une monnaie commune. Le projet a suscité un tollé côté brésilien, l’Argentine étant en pleine crise monétaire.
Lors de sa première visite officielle en Argentine, le président brésilien d’extrême-droite Jair Bolsonaro a annoncé jeudi 6 juin vouloir créer une monnaie commune aux deux pays, une volonté partagée avec son homologue argentin Mauricio Macri, qui joue sa réelection au mois d'octobre 2019.
Selon le gouvernement argentin, ce projet ne serait pour l’instant qu’une "idée", a indiqué le quotidien argentin Clarin, une idée qui serait menée à "très long terme", selon la délégation brésilienne.
"Il y a eu un premier pas vers le rêve d’une monnaie unique. Comme c’est arrivé avec l’euro il y a longtemps, le ‘peso real’ peut marcher ici", a affirmé le chef d’État brésilien donnant à cette monnaie ce nom provisoire, né du mélange entre le nom des monnaies argentine et brésilienne. L’annonce a été faite après une réunion avec des représentants du milieu économique argentin, à laquelle assistaient également le ministre brésilien de l’Économie Paulo Guedes et plusieurs ministres argentins.
L’Argentine et le Brésil sont à l’origine du bloc du Marché commun du sud (Mercosur), qui regroupe également le Paraguay et l’Urugay dans une communauté économique assurant la libre circulation de biens. Il s’agit du troisième marché commun au monde, après l’Union européenne et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
Le Brésil est le premier partenaire économique de l’Argentine, Buenos Aires étant le troisième partenaire économique de Brasilia, derrière les États-Unis et la Chine. En 2018, les deux pays se sont échangé 25,9 milliards de dollars de biens (environ 22,84 milliards d'euros), selon les chiffres du gouvernement brésilien.
Une idée des années 1990
L’idée d’une monnaie commune circule depuis la création du Mercosur en 1991. Cette fois-ci, le projet de monnaie commune a été conçu par le ministre argentin de l’Économie Nicolas Dujovne, selon le quotidien brésilien Folha de São Paulo. Mais les différentes politiques monétaires des pays-membres et les crises économiques qui se sont succédé ont empêché toute mise en place concrète.
Alors que le Brésil fait face à une inflation de 5 % sur un an et un chômage à 12,5 %, l’Argentine a quant à elle connu une flambée des prix de 55 % et le peso argentin s’est dévalué de 60 % depuis début 2018.
Une monnaie commune pour contenir la crise argentine ?
Selon les milieux économiques argentins, une monnaie commune serait le résultat naturel de l’adoption par les deux pays des politiques économiques similaires, a indiqué le quotidien brésilien Estadão.
Mais cela pourrait également être une manière de contenir la crise qui frappe durement Buenos Aires. "Une plus grande stabilité [monétaire] conduirait à plus de commerce, à plus de croissance et à une baisse de l'inflation", a d’ailleurs déclaré Nicolas Dujovne suite à l’annonce de Jair Bolsonaro.
"Nous sommes exposés aux mêmes chocs [monétaires et économiques] externes, nous dépendons beaucoup de nos exportations de matières premières et nos monnaies fluctuent en fonction de la conjoncture internationale", a-t-il ajouté.
Selon l’Union industrielle de l’Argentine (UIA), une telle union pourrait rendre moins volatile la conjoncture économique des deux pays. Elle pourrait augmenter la prévisibilité des investissements et du change face au dollar et tout changement de politique économique et monétaire devrait être "prise avec précaution et négociation", a expliqué le directeur exécutif de l’UIA Diego Coatz au quotidien brésilien O Globo.
Actuellement, "toute dévalorisation du real [brésilien] peut mettre sous pression le marché monétaire argentin, qui est déjà très sensible ", a-t-il précisé, après la réunion avec le président Jair Bolsonaro et son ministre de l’Économie Paulo Guedes, à laquelle il a assisté.
Le Brésil pourrait devoir mettre la main au portefeuille
Immédiatement après l’annonce, la Banque centrale brésilienne a pourtant publié un communiqué affirmant ne pas avoir "des projets ou études en cours en vue d’une union monétaire avec l’Argentine". Il n’y aurait que "des dialogues sur une stabilité macroéconomique".
Selon un membre de l’équipe brésilienne cité par le site d’informations UOL, le communiqué aurait été écrit en toute hâte pour calmer les milieux économiques brésiliens, après plusieurs appels "en panique" au directeur de l’institution. Celui-ci aurait décrit "la confusion la plus totale" au sein des chefs d’entreprise.
Avant de quitter l’Argentine, Jair Bolsonaro n’a pourtant pas aidé à calmer les esprits. Le chef de l’État brésilien a insinué que le Brésil pourrait devoir faire beaucoup d’efforts pour une telle alliance et pour la stabilité économique argentine. "Dans tout mariage, chacun perd ou gagne quelque chose, toujours. Je suis pour le mariage, pour la famille traditionnelle".
Le président de l’Assemblée nationale brésilienne Rodrigo Maia s’est montré sceptique. Sur Twitter, il a dit "espérer" que le projet ne signifie pas "la dévalorisation du real" ou le "retour de l’inflation" au Brésil.
Bien qu’il s’agisse d’une "conjoncture", comme l’a annoncé Paulo Guedes, Jair Bolsonaro n'a pas exclu que l'Uruguay et le Paraguay, deux autres membres Mercosur, se joignent à l'initiative.