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Khartoum a été suspendu jeudi de l’Union africaine. L’organisation a annoncé que cette suspension serait valable jusqu’à "l'établissement effectif d'une autorité civile de transition".

L’Union africaine (UA) a suspendu le Soudan jeudi 6 juin, avec effet immédiat. L’organisation réclame "l'établissement effectif d'une autorité civile de transition". "Ceci étant le seul moyen de permettre au Soudan de sortir de la crise actuelle", a annoncé le Conseil de paix et de sécurité de l'UA (PSC).

"Le Conseil imposera automatiquement des mesures punitives sur les individus et les entités qui ont empêché l'établissement d'une autorité civile", a précisé en conférence de presse le Sierra-Léonais Patrick Kapuwa, président en exercice du PSC.

De son côté, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed se rendra vendredi au Soudan pour tenter une médiation entre le Conseil militaire de transition (CMT) et l'opposition, a-t-on appris jeudi de source diplomatique à l'ambassade d'Éthiopie à Khartoum. Durant sa visite d'une journée, il rencontrera des délégués du CMT et des opposants membres de la Déclaration des forces de la liberté et du changement (DFCF).

Depuis le début de la crise au Soudan, l'UA plaide pour un transfert rapide du pouvoir des militaires aux civils et avait plusieurs fois menacé de suspendre ce pays de l'organisation.

L'UE approuve la décision de l'UA

"L'Union européenne se joint à l'Union africaine pour appeler à une cessation immédiate de la violence et à une enquête crédible sur les événements criminels de ces derniers jours", a indiqué une porte-parole. L'UE a aussi appelé à la reprise des négociations entre les autorités et la contestation.

Le ministère français des Affaires étrangères a déploré dans un communiqué "les très nombreuses victimes" de la répression, demandé "une enquête indépendante" et souhaité que les auteurs des violences soient traduits en justice. La France appelle aussi à "la reprise du dialogue" entre Comité militaire de transition et opposition.

Le 15 avril, après le renversement quatre jours plus tôt du président soudanais Omar el-Béchir par les militaires sous la pression d'un mouvement de contestation déclenché le 19 décembre, l'UA avait donné 15 jours pour que le pouvoir soit transféré aux civils. Mais cette solution semble s’être définitivement éloignée après que le sit-in de civils organisé devant le quartier général de l'armée a été très violemment dispersé lundi.

Au moins 108 morts et 500 blessés

Selon un comité de médecins proches de la contestation, au moins 108 personnes ont été tuées et plus de 500 blessées depuis lundi.

Cette opération, un "massacre" perpétré par des "milices" du Conseil militaire selon ce groupe de professionnels, a été vivement dénoncé par l'ONU, les États-Unis et la Grande-Bretagne, entre autres. Le ministère des Affaires étrangères britannique a convoqué l'ambassadeur soudanais pour lui faire part de ses préoccupations concernant les violences à Khartoum.

Parmi les morts, 40 ont été retrouvés dans les eaux du Nil, a assuré le comité, s'appuyant sur des témoignages de médecins sur place. Il n'a toutefois pas donné d'autres détails.

Yousra Elbagir, une journaliste soudanaise, a pu entrer en contact avec un officier des services de renseignements soudanais (NISS) ayant fait défection. Interrogé sur la possibilité que la dispersion du sit-in ait fait une quarantaine de morts, l’officier répond qu’"il ne s’agit même pas du quart des personnes mortes".

L’ONU a indiqué mercredi avoir fait sortir du Soudan des employés non-essentiels "bien que toutes les opérations de l'Organisation se poursuivent au Soudan", a indiqué une porte-parole.

Les autorités, elles, tentent de minimiser l’ampleur de la répression. Dans un bilan officiel, le ministère de la Santé a affirmé à l'AFP que le "nombre de morts" depuis lundi s'élevait "à 61". Il avait assuré plus tôt, via l'agence de pressse officielle Suna, que ce nombre n'avait "pas dépassé 46", en démentant catégoriquement le bilan du comité de médecins proche de la contestation.

He asked me what the published death toll is currently (he has no access to internet due to the blackout)

When I said 40 people, he sighed and said:

"That's not even a quarter of the number of people killed."

  Yousra Elbagir (@YousraElbagir) June 4, 2019

Les "milices" du Conseil militaire pointées du doigt

Pour les manifestants, l'identité des auteurs de la répression ne fait pas l'ombre d'un doute : les "milices" du Conseil militaire, en particulier les Forces de soutien rapide (RSF), des paramilitaires rattachés aux services de sécurité.

Si un calme relatif est revenu à Khartoum, dans les rues, des habitants affichent un air tétanisé au passage de ces hommes, souvent jeunes, juchés en grand nombre sur des pick-up, en uniforme beige impeccable et lourdement armés.

Issues des anciennes milices arabes Janjawid du Darfour, théâtre d'une longue guerre civile, les RSF ont été déployées en masse dans le pays, en particulier dans les rues de Khartoum, devenu au fil des mois l'épicentre de la contestation.

Le chef des RSF, vice-président du Conseil militaire et ancien responsable des Janjawid, le redouté Mohamad Hamdan Daglo, surnommé "Hemeidti", a assuré qu'il se tenait aux côtés des "révolutionnaires". Mais il a aussi juré de ne pas "permettre le chaos", en référence notamment aux barricades.

Dans un communiqué, le Conseil militaire a pris la défense des RSF contre "la campagne organisée sur les réseaux sociaux destinée à répandre des mensonges et fabriquer des accusations".

Facebook et Twitter ont été et restent des outils essentiels dans la contestation. Ces derniers jours, les internautes ont partagé de nombreuses vidéos montrant des hommes en uniforme des RSF passant à tabac des civils non armés. L'internet mobile a toutefois été coupé depuis lundi.

Les RSF "ont refusé d'exécuter les ordres de l'ancien régime d'expulser les manifestants du sit-in par la force", a lui assuré le Conseil militaire dans un communiqué, louant leur "grande sagesse".

Avec AFP et Reuters