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Félix Tshisekedi a nommé lundi, quatre mois après son investiture, Sylvestre Ilunga Ilunkamba au poste de Premier ministre. Le nom de cet économiste et ancien conseiller de Mobutu lui avait été proposé par son prédécesseur, Joseph Kabila.

Il aura fallu quatre mois au nouveau président de la République démocratique du Congo (RDC) pour nommer un Premier ministre. Le porte-parole de la présidence a annoncé, lundi 20 mai, que Félix Tshisekedi avait désigné Sylvestre Ilunga Ilunkamba, sur proposition de Joseh Kabila, en vertu de l’accord politique qui lie aujourd’hui leurs deux coalitions : le Front commun pour le Congo (FCC, de Joseph Kabila) et le Cap pour le changement (Cach, de Félix Tshisékédi).

#RDC Le Dr Sylvestre ILUNGA ILUNKAMBA, est nommé Premier Ministre par ord. n 19/056. Cet ancien Directeur Général de la Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC SA) va être à la tête du nouveau Gouvernement dont la structure est en cours d’élaboration. pic.twitter.com/rPZgAkWrVa

  Présidence RDC ???????? (@Presidence_RDC) May 20, 2019

Âgé de 72 ans, Sylvestre Ilunga Ilunkamba est un économiste réputé. "Professeur à la faculté de sciences économique de Kinshasa, il a, depuis les années 1970, occupé plusieurs postes de directeur de cabinet et de vice-ministre avant de devenir, au début des années 1990, conseiller principal du président Mobutu Sese Seko sur les questions économiques", précise Thomas Nicolon, correspondant de France 24 en RDC.

Si Sylvestre Ilunga Ilunkamba a indéniablement une solide expérience politique, celle-ci pourrait le pénaliser face à une population congolaise avide de renouveau. Par ailleurs, son bilan très mitigé à la Société nationale des chemins de fer, dont il était jusque-là directeur général, est mis en avant par l’opposition.

RD Congo : Sylvestre Ilunga Ilunkamba, un Premier ministre de consensus

"Je considère ma nomination comme une lourde responsabilité en ce moment crucial de l’histoire de notre pays et je m’engage à mobiliser toutes mes capacités pour pouvoir faire fonctionner de façon harmonieuse la coalition au niveau du gouvernement", a assuré lundi le nouveau Premier ministre.

Partage des ministères

C’est au terme de négociations longues et laborieuses entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi que le nom de Sylvestre Ilunga Ilunkamba a émergé. Avant lui, ceux du ministre des Finances, Henri Yav Mulang, et du parton de la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines), Albert Yuma, avaient été évoqués.

Selon Bob Kabamba, professeur de science politique à l’université de Liège (ULg) et directeur de la Cellule d’appui politologique en Afrique centrale (CAPAC) de l’ULg, interrogé par RFI, Félix Tshisekedi aurait écarté ces deux candidatures pour ne pas se retrouver pris en tenailles entre son prédécesseur et un autre poids lourd de la politique.

"Cela pourrait compliquer la volonté de Félix Tshisekedi de pouvoir impulser une véritable politique qui réponde à son programme et [cela] ferait une coalition de deux personnalités contre lui. C’est pour cela qu’il a opté pour quelqu’un qui a un profil de bureaucrate, plutôt que pour quelqu’un qui a un profil politique et qui pourrait imposer une ligne au sein de cet exécutif", explique l’universitaire.

Bob Kabamba se dit "convaincu que le dénouement de la nomination du Premier ministre est consécutif à un accord sur le partage des ministères". D’où la longueur des négociations.

Soucieux de se démarquer du précédent régime et en quête de légitimité, Félix Tshisekedi chercherait à utiliser "deux piliers importants pour espérer imprimer une autre dynamique : le secteur financier et le secteur sécuritaire", selon le spécialiste de la politique congolaise. Pour lui, le chef de l’État aurait, dans ce but, insisté pour placer des ministres du Cach aux Finances et à l’Intérieur.

Au terme de leur accord de coalition, 80 % des postes au gouvernement pourraient revenir au FCC de Joseph Kabila et 20 % au Cach de Félix Tshisekedi, avançait le 16 juin le journal Le Potentiel. De son côté, un conseiller du président glissait à l’AFP que le gouvernement serait plutôt composé à "70 %/30 %".

Retour de Katumbi

Pour s’affirmer à la tête de l’État, Félix Tshisekedi compte aussi sur le retour de Moïse Katumbi. Après trois ans d’exil, la présence sur la scène politique congolaise de l’opposant devrait affaiblir la position de Joseph Kabila et permettre au chef de l’État de prendre de l’ampleur, estime Bob Kabamba. Katumbi a toutefois déclaré qu'il se situait toujours dans l'opposition au nouveau président Tshisekedi.

Salué à son arrivée à Lubumbashi par des dizaines de milliers de supporters, Moïse Katumbi n’a cependant pas pu occuper toute la place qu’il aurait sans doute souhaité. Félix Tshisekedi a pris soin d’annoncer la nomination de son Premier ministre le même jour pour atténuer la nouvelle du retour de l’opposant.

Reste maintenant à annoncer officiellement la composition du gouvernement. Le président devrait le faire d’ici le 30 juin, date anniversaire de l’accession de la RDC à la souveraineté nationale.

Avec AFP